La Presse Bisontine 184 - Février 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 184 - Février 2017

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ÉCONOMIE

Dominique Roy, le président de la C.C.I. du Doubs “Nous devons changer

de modèle économique”

L a Presse Bisontine : Lors des récentes élections, la C.C.I. du Doubs a été renou- velée à plus de 70 %. Ce besoin de renouvellement était nécessaire ? Dominique Roy : Il nous a surtout per- mis d’atteindre la quasi-parité entre hommes et femmes puisque nous comp- tons désormais 18 femmes et 22 hommes au conseil d’administration de la Chambre. Sachant que dans l’in- dustrie, à peine 10 % des chefs d’en- treprise sont des femmes, c’est une réelle performance et c’est très bien d’avoir pu impliquer autant de femmes. L.P.B. : En tant que président, vous avez été réélu à l’unanimité. Vous n’aviez pas envie de passer la main ? D.R. : Si je suis reparti pour un man- dat de cinq ans, c’est pour mettre en œuvre tous les projets que nous n’avons pas pu activer ces trois dernières années à cause des ponctions de Bercy sur le budget des C.C.I., et notamment le pro- jet d’implantation à Pontarlier. L.P.B. : Rappelez-nous le contexte ? D.R. : Un an et demi après mon arrivée à la tête de la Chambre, nous avons été frappés par la trajectoire trienna- le de Bercy qui a abouti à une première ponction de 2 millions d’euros, puis une seconde de 8 millions sur nos réserves financières. La technique du gouvernement a été de piquer dans les nique Roy souhaite changer la gouver- nance de cette institution souvent critiquée par les acteurs de l’écono- mie. Explications. Réélu à la tête de la Chambre de commerce et d’industrie du Doubs, Domi-

Dominique Roy a été réélu à l’unanimité président de la C.C.I. du Doubs pour un mandat de cinq ans.

dans les deux mois à venir sur cette question. Clairement, les gens sont inquiets parce qu’ils n’ont pas de visi- bilité sur leurs missions. Il est clair que les conditions de travail ne sont plus aussi favorables qu’elles ont pu l’être dans le passé. L.P.B. : Sur le plan économique, comment appréhendez-vous 2017 ? D.R. : L’année 2017 reste fragile. Je suis toujours un peu inquiet par rapport aux années électorales qui ne sont jamais euphoriques. En plus, l’écono- mie marche à la confiance et on ne peut pas dire qu’on ait eu des marques de confiance ces dernières années. 2017 ne devrait pas être une année avec de vraies perspectives de consommation ou d’investissement. Il y a tout de même des motifs de satisfaction avec l’im- mense succès de la Peugeot 3008 qui se répercute sur tout le territoire avec de beaux projets d’investissement sur le site de Sochaux. Il y a aussi ce bal- lon d’oxygène pour Alstom qui nous conforte ici pour Ornans. Ma princi- pale source d’inquiétude concernerait plutôt le commerce de proximité en centre-ville. À Besançon, on n’a pas encore retrouvé le niveau d’activité de l’avant-tram. Heureusement il y a enco- re des zones qui échappent à cette situation. C’est le cas bien évidemment dans le Haut-Doubs où le commerce de centre-ville reste florissant. L.P.B. : Un mot de la Suisse ? D.R. : La Suisse a toujours connu des fluctuations, mais il y a aussi des cycles longs et là, il semble qu’on ait affaire à un cycle long. On assiste peut-être aussi à un changement de modèle côté suisse. n Propos recueillis par J.-F.H.

fiées ? D.R. : Si la loi de finances passait en l’état, les C.C.I. étaient à nouveau ponction- nées de 60 millions d’euros sur le plan national. Nos res- sources de fonction- nement sont basées à hauteur de 60 % sur la ressource fiscale : C.F.E. et C.V.A.E. issues de l’ancienne taxe professionnelle. Cette ressource avait baissé de 37% ces der- nières années. Je sou- haite désormais tra- vailler avec les intercommunalités du Doubs, notamment en signant des conven-

en termes d’évaluation des pollutions, à l’emplacement des anciens ateliers municipaux. Et donc, ce projet a buté contre ces fameux problèmes de finan- cement liés aux ponctions de l’État sur notre budget. Mais avec la nouvelle équipe, nous relançons ce projet, mais en moins coûteux. Nous cherchons désormais un bâtiment existant à amé- nager. L’objectif est maintenant d’al- ler vite. Je souhaite que l’acquisition de ce bâtiment, voire les travaux d’amé- nagement, puissent se faire en 2017. L.P.B. : L’heure n’est-elle pas plutôt à la régio- nalisation ? L’échelon départemental a-t-il encore un sens pour la C.C.I. ? D.R. : Le niveau régional sert à définir des stratégies, à développer l’innova- tion, les expertises. Mais les territoires resteront les niveaux les plus perti- nents pour agir. C’est la raison pour laquelle j’ai fait valider courant 2016 l’idée d’une présence différente de la C.C.I. sur les territoires et d’une gou- vernance différente. L.P.B. : Et par quoi cette nouvelle gouvernan- ce va-t-elle se traduire concrètement ? D.R. : Jusqu’à maintenant, on a une C.C.I. dirigée depuis Besançon, avec un président, un bureau, qui organi- se des Assemblées générales quatre ou cinq fois dans l’année. Je souhaite désormais avoir une implication des élus au quotidien sur leur territoire. Pour moi, l’utilité de la Chambre, c’est d’anticiper les besoins des entreprises, les accompagner sur leur territoire. C’est la raison pour laquelle nous avons défini sept grands périmètres dans le Doubs, correspondant aux différents S.C.O.T. (schémas de cohérence terri- toriale) et j’ai fait désigner un chef de file référent pour chaque secteur qu’on

appelle désormais des G.E.T. (groupe- ments d’entreprises territoriales). Pour le Grand Besançon, ce sera moi, pour le Haut-Doubs pontissalien, ce sera Thierry Pétament, pour le Haut-Doubs Horloger Philippe Gille, Lucile Cadrot- Bertin pour les Portes du Haut-Doubs, etc. L.P.B. : Quel sera leur rôle ? D.R. : Il sera de rassembler de maniè- re informelle quelques entreprises emblématiques de leur territoire, et quelques élus, de manière à organiser régulièrement des réunions par rap- port à des sujets émergents. L’idée est d’être impliqués en amont et pas après coup. Comme sur le projet éolien du Doubs central où on n’a pas été asso- ciés en amont et c’est regrettable. Je souhaite donc changer de méthode. L.P.B. : Que vous inspire le taux de participa- tion très faible lors des dernières élections à la C.C.I. : 11,5 % seulement ? D.R. : Plus une Chambre a un périmètre large, plus ce taux est faible. Il a été d’à peine 3 % à Paris, et de 20 % dans le Territoire de Belfort. Cela signifie que la Chambre semble toujours éloi- gnée des préoccupations des chefs d’en- treprise. Les gens ont l’air désenchantés de tout car en France, le chômage est endémique et que de fait, on a ainsi l’impression que toutes les structures associées à l’emploi ne servent à rien. La C.C.I. n’y échappe pas. Un de mes principaux objectifs est bien d’amener à prouver toute notre utilité sur ce ter- ritoire. L.P.B. : Avant le vote de la loi de finances 2017, les syndicats exprimaient toutes leurs craintes concernant l’avenir des C.C.I. et la pérennité des emplois. Ces craintes sont-elles justi-

poches de ceux qui avaient la chance d’avoir des réserves. Tout cela pour verser au tonneau des Danaïdes de l’État… Cette méthode a litté- ralement marqué un coup d’arrêt à tous nos grands projets, notam- ment celui de créer un centre de compétences horloger au sein de la C.C.I. L.P.B. : Le projet de construi- re une antenne de la C.C.I. à Pontarlier a également été abandonné ? D.R. : L’idée était d’ins- taller une présence de la Chambre dans le Haut-Doubs dans un bâtiment bien visible, dont les étages auraient été consacrés à un centre de formation pour répondre aux besoins du bassin d’em- ploi. Nous avons d’abord été confrontés à un terrain compliqué

“On assiste à un changement de modèle côté suisse.”

“Les craintes pour l’emploi sont légitimes.”

tions avec elles pour leur fournir du conseil plutôt qu’elles fassent appel à d’autres cabinets ou agences. Je sou- haite que le rapport entre nos res- sources fiscales et nos autres recettes liées à notre activité s’inverse. Que le rapport 60-40 devienne 40-60. Nous devons changer de modèle économique. Nous devons passer d’une Chambre consommatrice de ressources fiscales à une Chambre génératrice de recettes. Au sujet des craintes concernant l’em- ploi, elles sont légitimes.Avec les ponc- tions passées, nous avons dû par exemple fermer une de nos deux écoles de formation. L’évolution des effectifs sera liée à nos besoins futurs et à nos moyens. Je pense que certains effec- tifs seront supprimés sur le plan régio- nal, d’autres redéployés sur les terri- toiresmais à condition que les territoires aient les moyens en face. Tout se joue

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