La Presse Bisontine 184 - Février 2017

LE PORTRAIT

39 La Presse Bisontine n° 184 - Février 2017

BESANÇON

Il travaille pour la haute couture

Farzand, un designer syrien réfugié à Besançon

N e vous fiez pas à sa cein- ture noire de taekwon- do et ses deux dans . Si Farzand est un combat- tant sur le dojang, dans la vraie vie, il est un homme dis- cret et timide. Ses grands yeux sombres cachent une certaine mélancolie, malgré un éternel sou- rire accroché à son visage. Culti- vé et prévenant, le jeune homme parle couramment cinq langues, mais s’exprime dans un français encore hésitant. Farzand est né à Dirbasiyya, peti- te ville à deux jets de pierre de la frontière turque. Il garde de cet- te époque le souvenir d’une Syrie entravée de ses libertés fonda- mentales. “Les Syriens étaient des gens simples, pauvres, privés de beaucoup de libertés, très intelli- gents, mais avec peu de moyens pour s’en sortir” raconte le jeune homme. Jusqu’à vingt ans, il vit dans la maison familiale, puis Besançon. À 36 ans, ce Kurde syrien a fui le Liban où il exerçait pour de grands stylistes de haute couture. Témoignage. Farzand Hussein est arrivé il y a un peu plus d’un an à

Farzand Hussein vient d’obtenir un droit d’asile pour dix ans.

quitte son pays natal pour rejoindre le Liban, par opportu- nités profession- nelles. Pour deux grandes maisons de haute couture, Rha- ni Zakhem et Hari- thand, il imagine, dessine et crée des robes de soirée, de cocktail ou de maria- ge luxueuses, pour des célébrités. Jus- qu’à 50 000 euros et deux mois de travail pour certaines d’entre elles. “J’ai conçu la robe de la fille du président du Liban, d’une jour- naliste américai-

“En Syrie, la situation sera toujours pire de jour en jour.”

ne…” , se targue-t-il, enmontrant les visuels de ses créations, toutes réalisées dans des tissus plus nobles les uns que les autres. Pendant dix années, il fait les allers-retours entre le Liban et la Syrie pour rendre visite à sa famille. Puis, en 2011, la guer- re civile frappe à la porte des Syriens, l’obligeant à prendre la route de l’exil. Une situation qui le désole. Il pourrait en parler des heures. En sécurité à Besan- çon, il pense à tous ceux qui souf- frent dans leur pays dévasté, aux enfants qui se construisent sous les bombardements… “La situa- tion est accrochée aux décisions géo-politiques. Ce sont les prési- dents des grandes puissances du

dra Besançon, où vivent sa sœur et une partie de sa famille depuis deux ans. Il est pour lui désor- mais impossible d’imaginer un lendemain en Syrie, “où la situa- tion sera pire de jour en jour.” Il vient d’obtenir un droit d’asile pour dix ans. Son avenir, c’est en France, pays de la haute couture, qu’il le conçoit. “Reprendre mon métier de designer de mode, pourquoi pas en free lance, dès que j’aurai une bonne maîtrise du français” se projette-t-il. D’ici-là, il pour- suit son perfectionnement dans son art martial, sa “seconde famil- le”, auTaekwondo Club de Besan- çon. n C.G.

monde qui décident dans leurs propres intérêts de notre avenir, et non la population.” Lorsqu’on évoque le fait qu’ici, l’image des Kurdes est devenue emblématique d’une résistance contre le djihadisme, il sourit. Farzand ne cache pas son pes- simisme quant aux suites du conflit, et livre une vision sans complaisance sur le dictateur syrien. “Le régime est incroyable pour cacher les faits. Bachar a créé Daesh pourmodifier le regard des Occidentaux sur l’opposition syrienne. Pour moi, la solution ne viendra pas d’une alliance avec Bachar. Avant la création de Daesh, la solution aurait pu venir de la Syrie, mais aujour-

d’hui, trop de peuples se battent pour leur territoire. La solution est à l’extérieur.” Menacé par le Hezbollah liba- nais allié du régime, Farzand a dû abandonner son emploi. Il rejoint d’abord la Turquie, où il s’entend avec un passeur à Izmir. 12 jours plus tard, il embarque de nuit sur un canot pneuma- tique pour la périlleuse traver- sée, direction la Grèce. Athènes, Macédoine, Serbie, Croatie, Hon- grie, Autriche, train, bus, marche en forêts… 14 jours d’un voya- ge dangereux et épuisant à tra- vers l’Europe et la route des Bal- kans, pour finalement être arrêté enAllemagne. Il sera alors envoyé en train à Paris, d’où il rejoin-

Bio express l 1980 : naissance à Dirbasiyya, en Syrie l 2000 : arrivée au Liban et début de sa carrière professionnelle 2011 : début de la guerre civile en Syrie l

Septembre 2015 : départ pour la France Octobre 2015 : arrivée à Besançon

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