La Presse Bisontine 184 - Février 2017
22 DOSSIER I
La Presse Bisontine n°184 - Février 2017
l Interview Denis Baud, un ancien cadre du parti “Je ne renouvellerai pas ma cotisation au P.-S.” Ancien pilier de la majorité socialiste de la Ville de Besançon, cadre du parti et militant P.-S., Denis Baud se dit dégoûté de la dérive dans laquelle sombre le parti. Il est désormais un des animateurs du mouvement En Marche sur Besançon.
L a Presse Bisontine : Vous quittez le P.-S. après 14 ans de bons et loyaux ser- vices. Comment expliquez- vous cet abandon ? Denis Baud : Je ne veux plus être prisonnier d’un parti. Jusqu’à 2012, le dia- logue était possible entre les dif- férentes tendances du P.-S. La confrontation des valeurs était constructive, le débat était riche et fructueux. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Depuis le début de ce mandat en 2012, avec les frondeurs, le dialogue n’est plus possible. Les gens sont désormais figés sur des postures dont ils ne veulent pas démordre. Ce qui nous différencie au sein du P.-S. est hélas devenu plus important que ce qui nous réunit. Dans ces conditions-là, j’ai annoncé que je ne renouvelle- rais pas ma cotisation au P.-S. Je pense sincèrement que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle et nous devons entamer le cycle d’après. C’est cela le sens de ma décision de ne pas
dans un débat plus vaste… et qui permette déjà le débat, ce qui n’est plus le cas au P.-S. Le P.-S. est en train de se grou- pusculiser et de se gauchiser. L’inverse de ce qu’il faudrait fai- re. L.P.B. : Vous êtes depuis plusieurs mois un des Bisontins les plus actifs du mouvement En Marche d’Emma- nuel Macron. Être macroniste et donc incompatible avec le socialisme ? D.B. : Emmanuel Macron oppo- se les progressistes aux conser- vateurs, c’est là la différence fondamentale. Comme je ne suis pas élu, j’ai plus de libertés vis- à-vis des appareils politiques. Quant à Jean-Louis Fousseret qui est à la fois le maire socia- liste de cette ville et un soutien à Emmanuel Macron, je pense qu’il attend avec un air gogue- nard qu’on le vire du P.-S. Ce serait risible pour le P.-S. vu le nombre d’adhérents qu’il y a encore dans la section bisonti- ne. Les non-renouvellements de cartes se comptent par dizaines.
reprendre de carte au P.-S. Le Parti Socialiste seul, englué dans les querelles d’ego et surtout sclérosé par les affrontements entre soutiens de la politique gouvernementale et frondeurs, n’était pas à même de mener la nécessaire refondation de ses valeurs et du corpus de réformes à engager. L.P.B. : Le Parti socialiste est mort ? D.B. : Amon avis, la social-démo- cratie ne pourra se refonder, se revitaliser, qu’à travers un mou-
Denis Baud militait au P.-S. depuis 2002. Après douze ans d’action militante, il ferme la page socialiste (photo archive L.P.B.).
moyen pour qu’il n’y ait pas un deuxième tour Fillon-Le Pen. Tout dépendra aussi de l’issue de ces primaires de la gauche. Selon la manière dont elle va mobiliser les électeurs de gauche et selon le nom de celui qui sor- tira de cette primaire, le scé- nario ne sera pas le même. Pour le second tout, on peut très bien avoir un Fillon-Le Pen comme un Macron-Fillon et même un Macron-Le Pen. Il peut y avoir de grandes surprises et les élec- teurs sont de moins en moins sensibles à ce que leur disent les partis. L.P.B. : Pourquoi ne voterez-vous pas aux primaires ? D.B. : Parce que le vainqueur joz ne s’était pas choisi de dau- phin. “Aucun de ses adjoints n’a voulu y aller. J’ai alors suggé- ré d’aller chercher Robert Schwint qui était maire du Rus- sey et sénateur. Il a été élu mai- re pour la première fois en 1977 dans un contexte d’union de la gauche, P.C. inclus” relate Jose- ph Pinard. On entame avec Robert Schwint l’autre âge d’or de la gauche à Besançon. “Il était de bon ton de dire que Robert Schwint était plutôt “pépère”. On oublie pourtant de souligner que sa grande réus- site a été la naissance de l’in- tercommunalité”, composant intelligemment avec des maires de la périphérie pour la plupart à droite, ce qu’a d’ailleurs su poursuivre Jean-Louis Fousse- ret dans les années 2000. Pour Joseph Pinard, l’ex-députée et secrétaire d’État Paulette Guin- chard a également “joué un rôle capital dans l’union de la gauche à Besançon” , par l’apport de sa culture rurale et chrétienne. “Très peu de villes de cette taille présentent une telle continuité politique depuis 1953. Mais depuis quelques années, ce vivier né de ce mélange de traditions chrétienne sociale et social-démo- crate s’assèche. Je suis très pes- simiste car le vivier sur lequel la gauche bisontine pouvait s’ap- puyer est en train de dispa- raître. Je suis également très inquiet de ce qui se passe dans le syndicalisme local avec des
devra forcément négocier avec ceux qui sont arrivés juste der- rière lui. Et quand on voit par exemple certaines propositions de Benoît Hamon comme de mettre des cotisations sociales sur le travail des robots qui auront comme conséquence de sanctionner les entreprises indi- viduelles qui font de l’innova- tion, ça aboutira à un pro- gramme inapplicable. C’est la différence avec un candidat com- me Emmanuel Macron qui réunira des électeurs autour d’un programme clair et qui ne changera pas en fonction de l’ordre d’arrivée de candidats à une primaire. Il ne promet pas le grand soir, mais du concret. n Propos recueillis par J.-F.H. dérives gauchistes effrayantes. La gauche est en mutation, elle explose de partout. C’est parti- culièrement vrai depuis 2012 avec les frondeurs. Comment accepter que la députée Barba- ra Romagnan n’ait pas voté sa confiance à Bernard Cazeneu- ve récemment !” s’indigne l’an- cien élu. Pour lui, même si Jean- Louis Fousseret soutient aujourd’hui Emmanuel Macron, “il reste profondément attaché à sa famille politique. Mais il ne supporte plus les slogans des frondeurs qui brandissent des idées qui n’ont pas de sens. Il trouvait également trop sopori- fique l’appareil de la rue de Sol- ferino. Jean-Louis Fousseret a choisi le pragmatisme et en même temps c’est un fonceur.” L’âge d’or de la gauche à Besan- çon se sera donc étalé sur plus d’une cinquantaine d’années, de 1953 aux années 2000. Depuis 2012, l’explosion de la gauche et du parti socialiste en France n’aura pas épargné Besançon. Même si l’effectif des adhérents au P.-S. n’a jamais été pléthorique - “Le P.-S. n’a jamais été un parti de masse” confirme Joseph Pinard -, le maire actuel estime, toujours selon M. Pinard, que les socia- listes bisontins d’aujourd’hui “sont des enfants gâtés qui n’ont pas de gratitude à l’égard de leur héritage.” Les belles années de la gauche sont derrière. n J.-F.H.
La situation est ce qu’elle est, il faut que le P.-S. ait le coura- ge de la regarder en face. J’es- time que contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, les diviseurs ne sont pas ceux qu’on accuse. Force est de constater, à la pratique, que les échanges au sein du mouvement En Marche sont ouverts et pros- pectifs, ils n’ont rien à voir avec les débats antagonistes entre de plus en plus rares adhérents du P.-S., qui ne partagent à vrai dire plus grand-chose de com- mun. L.P.B. : Macron sera donc le seul rem- part possible pour que la gauche ne soit pas balayée ? D.B. : Il est clairement le seul Jean-Louis Fousseret (pourtant élu au premier tour en 2008) en emportant plus de deux tiers des voix, dont 56 % par la seu- le liste portée par Jean Minjoz alors réélu dans un fauteuil à son poste de maire de la capi- tale comtoise. Il enlève tous les sièges comme le veut la règle électorale votée à l’époque…par la droite. Nous sommes à l’époque d’un socialisme prag- matique, solidaire, social et démocrate. À l’issue de cette réélection, Jean Minjoz a l’in- telligence de s’ouvrir également aux démocrates-chrétiens qui entrent alors au conseil muni- cipal, à l’image d’André Rega- ni qui réalisera des prouesses en tant qu’adjoint au sein d’une équipe municipale qu’on pour- rait qualifier aujourd’hui de “dream team”, avec des noms restés à la postérité comme Georges Gaudot, Henri Huot, Raymond Vauthier ou encore Jean Defrasne. Sans doute l’apo- gée d’une gauche unie et réfor- miste à Besançon. “Nous sommes là dans les grandes années du socialisme à Besançon. Il ne faut pas oublier non plus que sans Louis Minjoz, le père de Jean Minjoz qui a apporté la pensée de Jaurès ici il y a cent ans, Besançon ne serait sans doute pas une ville socialiste aujour- d’hui” note Joseph Pinard, ancien adjoint de Robert Schwint et mémoire de la politique locale. À son départ en 1977, JeanMin-
vement plus vas- te. Qu’elle s’ouvre sur les démocrates chrétiens, les libé- ro-sociaux, etc. Le Parti socialiste tel qu’il est devenu aujourd’hui ne peut plus vivre ain- si. Si on veut que le courant de pen- sée social-démo- crate puisse conti- nuer à exister, il faut le refondre
“Les diviseurs ne sont pas ceux qu’on accuse.”
l Besançon
L’analyse de l’historien “Le vivier de la gauche s’assèche à Besançon”
U n temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Nous sommes en mars 1965, à Besançon. Ce prin- temps-là, la gauche réalise un score à faire pâlir aujourd’hui
Pour l’historien Joseph Pinard, ancien élu local et député, l’âge d’or du socialisme et même de la gauche à Besançon est révolu. Particulièrement depuis 2012.
Joseph Pinard déplore “la dérive gauchisante actuelle.”
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