La Presse Bisontine 179 - Septembre 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 179 - Septembre 2016

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ÉDUCATION

Rentrée des classes “L’avenir de l’école est aux regroupements”

L’inspecteur d’académie du Doubs fait le point sur une rentrée marquée par quelques fermetures de classes, la création de postes et l’entrée en vigueur de la réforme du collège. Du lourd.

L a Presse Bisontine : La démographie scolaire baisse, mais vous avez annon- cé la création de postes. Comment l’expliquez-vous ? Jean-Marie Renault : En effet sur l’en- semble de l’académie, nous enregis- trons une baisse d’environ 1 000 élèves essentiellement dans le premier degré. Le Doubs est en baisse également, mais moins que les trois autres dépar- tements de l’académie. Pour le Doubs, la baisse se situe entre 100 et 150 élèves, surtout en maternelle. Dans notre région, la population scolaire est en baisse alors que la population glo- bale est en hausse. On aurait dû, en appliquant la règle de la démographie, supprimer une quarantaine de postes, mais en réalité on aura un solde posi- tif de 5 postes. C’est le signe que la carte des moyens ne se limite pas à un pur critère démographique. C’est la conséquence claire de la volonté du ministère d’impulser le renforcement des effectifs. L.P.B. : Comment cette politique se traduit- elle dans les faits ici dans le Doubs ? J.-M.R. : Une première illustration de cette politique de création de postes, c’est la volonté d’accueillir plus d’en- fants de moins de trois ans à l’école, en repérant les secteurs géographiques dans lesquels les familles sont peut- être en plus grande difficulté sociale ou linguistique. La scolarisation pré- coce a deux effets : elle permet de socia- biliser l’enfant plus tôt et de le confron- ter à des réalités culturelles différentes. La deuxième raison est que les acquis de la maternelle sont favorables à l’ac-

de ses collègues pour aider les élèves en difficulté. Nous avions jusqu’à pré- sent 14 postes concernés sur ce dis- positif, nous en ajoutons 12 de plus. Encore un autre exemple avec le ren- forcement des R.A.S.E.D. (Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en dif- ficulté). Sur ce dispositif, nous créons cette année dans le Doubs 5 postes de maîtres spécialisés et 2 emplois de psy- chologues scolaires, soit 7 nouveaux postes au service des R.A.S.E.D., ain- si que deux postes et demi dans le champ du handicap (dont la création d’une unité pour élèves autistes àMont- lebon). L.P.B. : Mais comme vous devez arriver à + 5 postes, il y a forcément des fermetures de classes qui se confirment ? J.-M.R. : Bien sûr et là, c’est directe- ment lié à la démographie. Nous nous orientons vers l’ouverture d’une tren- taine de classes et la suppression d’une cinquantaine. Dans quelques cas peu nombreux, quand on a deux classes dans une école, cela peut entraîner la fermeture d’une école, comme c’est le cas au hameau du Chauffaud à Vil- lers-le-Lac. L.P.B. : Les fermetures au Chauffaud, ou enco- re à Fournet-Blancheroche ou à Naisey-les- Granges sont fermes et définitives ? J.-M.R. : Celles-là le sont. Au Chauf- faud, deux parents d’élèves ont fait un recours en référé au tribunal admi- nistratif qui n’a pas abouti favorable- ment pour eux. Toutes les décisions deviendront définitives dès le lende- main de la rentrée où sera procédé à un comptage des élèves. L.P.B. : On se dirige définitivement vers la fer- meture des écoles de hameaux ? J.-M.R. : Il nous faut trouver le juste milieu entre d’une part le maintien dans chaque école d’un effectif suffi- sant et l’offre qualitative. Nous avons l’obligation de proposer un accompa- gnement de qualité avec un travail en équipe. On n’apprend pas dans les meilleures conditions au sein d’une toute petite école, on ne peut plus com- parer les choses avec ce qu’elles étaient il y a quarante ans. Les enjeux d’au- jourd’hui sont tout autres, ils sont notamment liés à l’accès au numé- rique, au très haut débit, à la dotation des écoles en tablettes, au travail en équipes. Il est illusoire de se dire qu’une école à une ou deux classes est suffi- samment armée pour affronter les

Jean-Marie Renault est en poste depuis octobre 2013 à Besançon. Il entame sa quatrième année scolaire

à la tête de l’inspection académique du Doubs.

nale P.I.S.A. (Program for Internatio- nal Student Assessment) selon laquel- le la France dispose des meilleurs élèves du monde mais qu’en même temps, l’écart grandit entre ceux qui réussis- sent de mieux en mieux et ceux qui ne réussissent pas et ceux-là réussissent de moins en moins. Cette réforme doit permettre à ceux qui sont en difficul- té de rattraper leur retard, tout cela pour éviter le décrochage qui est la gangrène de notre pays. L.P.B. : Qu’en est-il alors des classes bi- langues ? J.-M.R. : Une des grandes avancées de la réforme est également que la deuxiè- me langue vivante s’apprendra dès la cinquième et non pas la quatrième. Le corollaire est la disparition des classes bi-langues en sixième, qui concernaient 10 % des élèves. Valait-il mieux main- tenir un système inégalitaire ou faire en sorte que 100 % des élèves appren- nent dès la cinquième ? On relève ain- si le niveau d’exigence. Ensuite, la réforme a prévu quelques dérogations parce que dans la société d’aujourd’hui il est difficile de se passer de l’anglais. Donc pour les élèves qui n’ont pas fait anglais en primaire (mais de l’alle- mand), il n’est pas inintéressant de commencer l’anglais dès la sixième, ce sont les classes bi-langues dites de continuité. Sur les 44 collèges publics de ce département, on a fermé toutes les bi-langues et on a ouvert 18 bi- langues de continuité. On n’a pas main- tenu certaines bi-langues, on en a créé à certains endroits. L.P.B. : On a le sentiment que les établisse- ments publics perdent de leur attractivité au profit des écoles privées qui donnent une ima- ge de plus grande stabilité, moins de grèves, moins de profs absents… Est-ce la réalité ? J.-M.R. : L’enseignement privé a en effet une tendance à voir ses effectifs aug- menter depuis quelques années. Cet- te tendance s’est installée notamment à la mise en place de la réforme des rythmes scolaires à laquelle le privé pouvait déroger. Ces effets sont aujour- d’hui estompés. Quant à la question des remplacements dans le public, elle est sans doute exagérée, même si les établissements privés ont certaine- ment plus de souplesse. Je n’ai pas d’inquiétudes de ce point de vue-là. n Propos recueillis par J.-F.H.

enjeux d’aujourd’hui et de demain. De plus en plus d’élus sont d’ailleurs convaincus que ce qui compte, ce n’est pas que la commune ait son école au pied de sa mairie, mais que les enfants de la commune bénéficient d’une éco- le de qualité, où qu’elle soit. Cela étant dit, je ne prône pas le regroupement systématique et à tout prix, il n’y a pas de dogme en la matière. L.P.B. : Vous avez déjà plié sur certains dos- siers, comme Chapelle-des-Bois notamment où les parents mettaient aussi en avant les très longs trajets ? J.-M.R. : Sur cette commune, j’ai fina- lement laissé les moyens parce que les effectifs d’élèves sont remontés. J’ai maintenu l’école et ce, même si le juge administratif nous avait donnés bon droit. C’est bien l’illustration qu’il n’y a pas de dogme et que nous faisons du cas par cas. Nulle part la mobilisation des parents ne crée d’enfants nou- veaux. Ce sont les réalités du terrain qui dictent nos décisions. Sur un plan général, oui, l’avenir de l’école est aux regroupements, même s’il n’y a pas deux cas identiques. L.P.B. : Pourquoi des classes à 30 ou 35 élèves étaient possibles il y a trente ans et ne sont plus possibles aujourd’hui ? J.-M.R. : Nous avons connu en effet des classes de 35 élèves mais dans ces classes, des élèves, la plupart, pour- suivaient leurs études, contrairement à d’autres qui ne connaissaient pas cette chance. Il y a un facteur essen- tiel qui s’ajoute à la question du nombre d’enfants par classe, c’est la question de la qualité du geste de l’enseignant. C’est d’ailleurs bien pour cela que je plaide pour le travail en équipe. L.P.B. : On a l’impression que l’Éducation natio- nale souhaite mettre une tablette numérique entre les mains de tous les élèves, dès le plus jeune âge ? C’est un bien ? J.-M.R. : Le numérique, c’est que du plus, mais ce n’est pas la panacée pour autant. C’est un complément précieux dans une palette d’outils pédagogiques nombreux. Mais le numérique ne doit pas prendre toute la place, les élèves continueront à apprendre à écrire à la main, c’est évident. L.P.B. : La députée du Doubs Annie Genevard a créé une polémique autour de l’enseigne-

ment des langues étrangères en stigmatisant l’apprentis- sage de l’arabe par exemple. Qu’en est-il réellement ? J.-M.R. : Il s’agit de la question des E.L.C.O. (Enseignements des langues et cultures d’ori- gine) qui est un plan national initié par le ministère afin d’intégrer progressivement ces E.L.C.O. dans le per- sonnel de l’Éducation nationale. Jusqu’ici, des langues étaient ensei- gnées par des profes- seurs payés et envoyés

“Le décrochage est la gangrène de notre pays.”

par le pays d’origine, ce qui n’est pas souhaitable. On commence la mise en place de ces E.L.C.O. par le portugais et l’arabe marocain. L’idée est de fai- re en sorte que ces enseignements soient dispensés par des personnels placés sous la tutelle de l’Éducation nationale. Il n’y a pas de polémique au sens où il y a une unité de vue sur le fait que l’Éducation nationale doit pouvoir maîtriser les contenus et la qualité des enseignements dans ce domaine. Mieux cadrer les choses était nécessaire. L.P.B. : La réforme du collège s’applique à partir de cette rentrée scolaire. Que va-t-elle apporter concrètement ? On a beaucoup com- menté la suppression des classes bi-langues. J.-M.R. : Cette réforme ne se limite pas du tout à la question des bi-langues qui a occulté la réalité de cette réfor- me. L’essentiel de la réforme, c’est la volonté de mieux accompagner chaque élève. D’où le développement par exemple de l’aide personnalisée jus- qu’à la troisième. Et d’où la mise en place également d’enseignements pra- tiques interdisciplinaires. Là encore, on a entendu n’importe quoi. Il ne s’agi- ra pas pour un professeur d’anglais de faire de la technologie. Chaque ensei- gnant continuera à s’occuper de sa propre discipline,mais il y aura conver- gence de disciplines sur un thème don- né qui permettra à l’élève de voir que la vie n’est pas cloisonnée en tiroirs mais que les domaines se croisent et se confrontent. L’objectif est bien de permettre à tous les élèves de mieux apprendre. Le point de départ de cet- te réforme a été l’enquête internatio-

quisition des apprentis- sages suivants. J’ai donc mis deux postes nou- veaux sur ces toutes petites sections et c’est sans lien avec la démo- graphie, puisque c’est dans des secteurs pas for- cément urbains, comme à Maîche par exemple. L.P.B. : D’autres exemples ? J.-M.R. : Nous poursui- vons le dispositif “Plus de maîtres que de classes”. L’idée étant de mettre dans certaines écoles plus d’enseignants qu’il n’y a de classes afin que l’enseignant sup- plémentaire soit mis à la disposition de l’école et

“La mobilisation des parents ne crée pas d’enfants nouveaux.”

La rentrée scolaire dans le Doubs l Les effectifs dans le premier degré Il est attendu pour cette rentrée 51 035 élèves au sein des écoles publiques du Doubs, soit 102 élèves de moins qu’à la rentrée 2015, faisant suite à une baisse de 147 élèves à la rentrée 2015. Sont attendus 19 151 élèves en maternelle (- 294), 31 539 élèves en élémentaire (+ 188) et 345 en C.L.I.S. (+ 4). Les seuils indicatifs d’ouverture et de fermeture de classe restent inchangés (30 élèves en maternelle et 27 en élémentaire hors éducation prioritaire) et 25 élèves en maternelle et 22 en élémentaire en éducation prioritaire. l Les effectifs dans les collèges La rentrée 2016 se caractérise par une grande stabilité démographique. Pour rappel, 21 548 élèves étaient inscrits dans les collèges publics du Doubs à la ren- trée 2015. Il est attendu pour cette rentrée 2016, 21 556 élèves, soit 8 élèves de plus, répartis comme suit : 20 758 en collège, 600 en S.E.G.P.A. et 198 en U.L.I.S.

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