La Presse Bisontine 177 - Juin 2016

BESANÇON 18

La Presse Bisontine n° 177 - Juin 2016

ASSOCIATION Handicap Oui, les sourds peuvent se rendre à l’opéra ! Nadège Viard a créé l’association “Sors les mains d’tes poches” pour faciliter l’accès aux lieux culturels aux sourds et malentendants à Besançon et en région.

Nadège Viard veut

faciliter l’accès culturel bisontin et régional aux sourds et malenten- dants.

L orsqu’elle parle de la surdité, sa main gauche vient toucher son cœur. Un signe, encore un, témoin de la volonté de Nadè- ge Viard de casser des barrières entre ceux qui “signent” et ceux qui parlent. Cette Bisontine maman de deux enfants a chan- gé de vie. Elle a quitté en 2015 son emploi de chargée des relations publiques à la Scène Natio- nale de Besançon pour créer l’association “Sors les mains d’tes poches” après avoir constaté la faiblesse de l’offre culturelle pour les sourds et malentendants. Son objectif : “tenter” d’élimi- ner tout ce qui fait obstacle à l’accessibilité de ce public en facilitant l’accès aux œuvres et aux lieux culturels pour ce public à la fois à Besan- çon et à l’échelle régionale. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux ces obstacles. “Il y a des choses simples à mettre en place. Je prends l’exemple d’un concert, d’un opéra. Oui, un sourd peut s’y rendre… Ne serait-ce qu’en lui donnant un bal-

sourds et malentendants.” Un an plus tard, elle ne regrette rien. Si la popu- lation sourde est mal évaluée dans le Grand Besançon, l’association “Sors les mains d’tes poches” a commencé à cibler les attentes du public. La surdité provient de causes hérédi- taires, accidentelles ou encore du vieillissement. 7 % de la population française est touchée. Début mai, l’association a organisé en partena- riat avec le Cinéma Les 2 Scènes de Besançon la projection du film “J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd” de Laëtitia Carton. Le film était bien évidemment sous-titré. “Nous avons fait appel à un interprète. Cela a vraiment per- mis de lancer l’association” commente la res- ponsable du projet. Elle souhaite désormais aller plus loin. En contact avec les acteurs culturels, l’association veut créer une accessibilité des musées, bibliothèques, fes- tivals, compagnies artistiques… “Il faudra s’as- surer que certains lieux sont équipés d’appareils comme le théâtre de Besançon qui est équipé d’une boucle magnétique. Elle permet aux sourds appareillés d’isoler les bruits extérieurs. On peut créer des documents visuels pour expliquer l’opé- ra… Du coup, cela ne servira pas uniquement aux sourds mais par exemple aux primo-arri- vants qui ne connaissent pas notre langue” pré- cise la créatrice. C’est un projet citoyen. Les bonnes volontés sont les bienvenues. L’association construit pour la rentrée 2017 un programme culturel regroupant toutes les pro- positions accessibles à l’échelle régionale. Il sera trimestriel. Le premier débutera de septembre à décembre. Des ateliers de découverte au lan- gage des signes seront proposés, des conférences, des rencontres avec les artistes. Un site Inter- net regroupera toutes les dates. Il sera mis en ligne d’ici quelques semaines. “Sors les mains d’tes poches” : un guide citoyen ! n E.Ch.

HISTOIRE Livre Lorsque la Citadelle emprisonnait les soldats de l’armée allemande Anne-Laure Charles publie un ouvrage dévoilant des secrets de l’après-guerre à Besançon. De 1944 à 1948, la Citadelle a servi de geôle à 6 500 soldats dont 409 moururent là. Une étude passionnante.

lon de baudruche, il sentira les vibrations. Au théâtre de l’Espa- ce à Besançon, il pourra également sentir la vibration du plancher. À nous de les accompagner, de leur expliquer en amont” explique Nadè- ge Viard. La Bisontine a opéré un change- ment de vie professionnelle : “J’étais frustrée de ne pouvoir com- muniquer ou échanger avec ces personnes lorsque je les accueillais dans mon ancien travail, dit-elle. Je trouvais cela insupportable.” Du coup, Nadège décide d’ap- prendre le langage des signes. De janvier à avril 2015, elle réalise des stages intensifs d’apprentis- sage de la langue des signes à Dijon. “Ce fut une vraie découverte de l’identité, de la culture, des

Un programme culturel à la rentrée.

C’ est une étape inédite de l’histoire de la Cita- delle et le destin des prisonniers de guerre de l’ar- mée allemande qu’Anne-Lau- re Charles dévoile. À 31 ans, la Bisontine publie aux édi- tions Cêtre un ouvrage inédit dans le choix du sujet. Beau- coup d’historiens contempo- rains ont étudié la libération, la résistance ou la vie sous l’occupation. Mais peu ont cherché à savoir ce que sont devenus les soldats de l’ar- mée allemande une fois la guerre terminée. Ce sujet, Anne-Laure l’a empoigné au fil d’une ren- contre. Guide-interprète et conférencière de formation, elle a travaillé six ans à la Citadelle de Besançon. Sa vie prend un nouveau virage au printemps 2010 lorsqu’elle rencontre un vieil homme alle- mand, Helmut Kuhnle. L’hom- me lui narre sa vie ici lors- qu’il fut emprisonné de novembre 1944 jusqu’à sa démobilisation en avril 1948. ÀBesançon, l’Allemand confie ses interrogations à la jeune femme : “Pourquoi n’y a-t-il de plaque rappelant que la Citadelle était le Dépôt 85 ? Volonté de gommer un pan de l’histoire ?” Anne-Laure Charles (32 ans) quitte son poste de conféren- cière, reprend ses études et débute les recherches : “Lorsque j’étais conférenciè- re, l’histoire de cette période tenait en une phrase dans un livre : “La citadelle a servi de “La captivité de guerre allemande à Besançon”, la Citadelle à l’époque du Dépôt 85, camp de prisonniers de guerre (octobre 1944 - avril 1948). Éditions Cêtre. Prix : 21,90 euros

camp de prison- niers jusqu’en 1947”, se sou- vient-elle. J’ai très vite trouvé beau- coup de docu- ments puis je me suis tournée vers l’Université de Franche-Comté et la professeure Sté- phanie Krapoth pour que mes recherches soient validées par une

où les employeurs venaient chercheurs des P.G. (prison- niers de guerre) pour les fai- re travailler dans les champs ou dans les industries locales.” Pour beaucoup de soldats, c’est une forme “d’évasion”. L’éva- sion d’un seul détenu aurait réussi. Les autres ont échoué. Les jours dans la prison sont durs. La promiscuité est par- tout : “Les prisonniers étaient enfermés au rez-de-chaussée de l’actuel musée et espace Vauban. Ils avaient peu de place. 409 sont morts dont 54 % en raison de sous-nutri- tion, 5 % en raison de pieds gelés…Beaucoup attendaient les commandos agricoles car ils savaient qu’ils mangeraient mieux en dehors” précise la doctorante. Si les soldats ont eu droit aux représailles de la population occupée, certains ont noué des liens avec la population loca- le. Helmut - jusqu’à sa mort en 2014 - a ainsi gardé contact avec des agriculteurs de Vai- re-Arcier. Anne-Laure va pour- suivre une thèse sur le sujet de la libération à Besançon. n E.Ch.

5 % sont morts en raison de pieds gelés…

autorité académique.” Ainsi, la Bisontine révèle grâ- ce à des informations récol- tées aux archives françaises et allemandes que ce camp n’emprisonnait pas d’officiers mais des soldats du rang. Ils étaient jeunes pour la plu- part, Allemands, Hollandais, Français et même Norvégiens. Dix nationalités de prison- niers étaient comptabilisées. Quelques images fortes recueillies par l’auteur dévoi- lent des scènes méconnues comme ces photos de soldats allemands attendant en rang serré sur la place centrale de la Citadelle. “C’était le moment

contact@sorslesmainsdtespoches.fr et facebook.com/slmdtp

Une étape inédite de l’histoire de la Citadelle de Besançon décortiquée par Anne-Laure Charles.

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