La Presse Bisontine 174 - Mars 2016

LE DOSSIER

20

La Presse Bisontine n° 174 - Mars 2016

VOYAGE AU PAYS DES CATHOS TRADITIONALISTES BISONTINS

L’Église de Besançon n’est pas faite d’un seul bloc. À côté des catholiques classiques et des messes qui se déroulent dans la plupart des paroisses du Grand Besançon vivent d’autres communautés, plus marginales et soucieuses de l’observance plus stricte de certaines règles anciennes : les traditionalistes. Ils sont plusieurs centaines sur la région de Besançon qui eux-mêmes se divisent en plusieurs branches. Enquête aux marges de l’Église catholique.

Il y a catho… et catho Analyse Tradis, extrémistes… Ils sont quelques centaines à Besançon à avoir choisi la voie du catholicisme traditio- naliste. Certains “tradis” sont reconnus par le clergé officiel, d’autres pas. Explications.

Les traditiona- listes de la Fraternité Saint-Pierre organisent leur liturgie tous les dimanches matin en

L’ histoire remonte à cin- quante ans tout jus- te. Au milieu des années soixante, le monde des catholiques, en Fran- ce et dans toute la chrétienté, se divise aumoment où les Papes Jean XXIII, puis Paul VI son successeur, ont réuni à Rome le II ème concile œcuménique duVati- can, plus couramment appelé concile Vatican II. Cette assem- blée des évêques dumonde entier est considérée comme l’événement le plus marquant de l’histoire de l’Église catho- lique au XX ème siècle, symboli- sant son ouverture au monde moderne et à la culture contem- poraine. C’est justement cette évolution que les partisans de la tradition ont refusé de voir s’appliquer, préférant la liturgie d’avant. Exemple : jusqu’à Vatican II, le plus souvent, les fidèles lisaient en silence des prières privées en français dans leur missel pendant que le prêtre célébrait, le dos tourné au peuple et avec des prières en latin, des rites

officielle en 2009 grâce à une décision du Pape Benoît XVI). Cette histoire mouvementée a également été vécue à Besan- çon à la fin des années quatre- vingt où les partisans de la tra- dition se sont divisés en deux branches : celle qui a suivi les pas de la marginalité avec Mgr Lefebvre et d’autres, deve- nus plus nombreux, qui ont sou- haité revenir dans le giron de l’Église, “mais avec leurs tradi- tions également. C’est-à-dire qu’ils sont restés, dans leur esprit, avant Vatican II : messe en latin, port de la soutane, etc.” note un

difficilement compréhensibles pour le commun des mortels. Ce dépoussiérage n’a pas plu à tout le monde et les partisans de l’avant Vatican II ont souhaité poursuivre comme avant. Les catholiques traditionalistes étaient nés, avec certains prêtres et évêques qui ont catégori- quement refusé les nouvelles orientations de l’Église. Le refus qui aura le plus de retentisse- ment est celui opposé par l’archevêque français Marcel Lefebvre qui a rejeté - après les avoir acceptées - les déclara- tions du concile, dès 1974. Quelques années auparavant, il avait fondé la Fraternité Saint- Pie-X, du nom d’un des Papes de l’histoire récente les plus opposés aumodernisme. Le sacre de quatre évêques de sa mou- vance en 1988 par M gr Lefebvre marquera le schisme définitif entre le Vatican et les “tradis” : cet acte provoque l’excommunication automatique des quatre évêques et de leur chef (ces quatre évêques ont finalement pu réintégrer l’Église

l’église de la Madeleine à Besançon.

cohabitent donc sur la capitale comtoise depuis plus de 25 ans. “Concernant les traditionalistes de la Fraternité Saint-Pierre, le message de l’archevêque et du diocèse de Besançon est le sui- vant : “Vous avez le droit d’exister, mais existez quand même à notre manière.” Sur la forme et les choses visibles, c’est la messe en latin. Sur le fond, c’est plus gênant car les “tradis” n’ont aucune ouverture aux autres religions. Selon eux, les autres religions ne possèdent aucun rayon de la vérité” com- mente un autre religieux de la place bisontine. La question de la liberté reli- gieuse, un des points les plus sensibles du concile Vatican II, divise encore entre catholiques

“classiques” et traditionalistes. La liberté religieuse signifie que les pouvoirs publics ne doivent pas imposer ou interdire une option religieuse. Vatican II énonce notamment qu’enmatiè- re religieuse, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui. Sur ce point, les “tradis” n’ont pas vraiment évo- lué. “Pour eux, on n’a pas le droit de ne pas croire.” Reste la question des opinions politiques ou de la position des “tradis” sur les grands débats de société (avortement, ou enco- re mariage pour tous récem- ment). De nombreux fidèles de la “tradition catholique” s’engagent en effet politique- ment pour tenter de restaurer les principes politiques qui ont

façonné la “chrétienté” selon eux, comme la religion d’État par exemple. Parmi les mouve- ments les plus virulents, éga- lement présent à Besançon (voir en page 24), il y a Civitas. Ins- titut social et politique français, il se définit lui-même comme un “ lobby catholique traditio- naliste.” Comme tout mouve- ment extrémiste, il reste assez marginal,mais compte plusieurs dizaines d’adeptes sur Besan- çon qui tentent de sortir de leur marginalité. Cet institut proche des catholiques intégristes et de l’extrême droite est très for- tement lié à la Fraternité sacer- dotale Saint-Pie-X. Là, on touche à la branche très dure et moins fréquentable du catholicisme. J.-F.H.

spécialiste bison- tin de la question. Ils composent aujourd’hui la Fra- ternité Saint-Pier- re (voir page sui- vante), reconnue par le diocèse de Besançon. Fraternité Saint- Pierre (“tradis” offi- ciels) et Fraterni- té Saint-Pie-X (“tradis” officieux)

“Pour eux, on n’a pas le droit de ne pas croire.”

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online