La Presse Bisontine 172 - Janvier 2016

24 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 172 - Janvier 2016

O.N.F. Des essais avec le cèdre de l’Atlas La forêt devra s’adapter au climat Modification du régime annuel de pluviométrie, bilans hydriques de plus en plus déficitaires, augmentation des événements climatiques extrêmes comme des épisodes de pluies violentes, des sècheresses extrêmes, des vagues de chaleur ou des vents forts… La forêt souffre et doit s’adapter à ces changements. L’O.N.F. y veille et agit.

P our faire face à ces bouleversements liés au réchauffement cli- matique, l’Office National des Forêts étudie d’abord la structure des peuplements existants et dres- se un diagnostic qui permettra d’évaluer les perspectives d’avenir du peuplement selon des critères précis expliquent les techniciens : “Le stade de développement tout d’abord à savoir s’il s’agit d’un jeune peu- plement, d’un peuplement adul- te ou proche de la maturité et du temps nécessaire pour atteindre la maturité.” Il est éga- lement indispensable de jauger les risques de perte de produc- tion ou de valeur des produits en cas de dépérissement. “Sans oublier de définir la vulnérabi- lité aux aléas et la capacité de

ra probablement de recourir à des déplacements volontaires d’espèces. Il faut déjà s’y pré- parer, en maintenant et valori- sant les essais de provenance et les arboretums. “Ils peuvent en effet nous apporter de pré- cieuses informations sur les essences de reboisement utili- sables en cas de dépérissements massifs.” Ainsi, des essais com- paratifs d’introduction de cèdres de l’Atlas et du Liban, de pins laricio de Calabre et noir d’Autriche, de sapins pectinés, de Bornmüller et de Nordmann ont été installés depuis plusieurs années en Petite Montagne du massif du Jura. “Dans les contextes difficiles des stations sèches et chaudes, il s’agit de trouver une alternative aux épi- céas victimes des scolytes, aux sapins pectinés qui ont des pro-

régénération naturelle.” Ce bilan effectué, les techniciens doivent justement travailler à limiter la fragilité : “En préser- vant le capital sol et en évitant le tassement ou encore avec une gestion raisonnée du bois éner- gie par exemple.” Dans ce même souci, l’O.N.F. accroît la sur- veillance phytosanitaire “Et nous favorisons le mélange d’essences en privilégiant l’étagement de

L’O.N.F. travaille déjà à expérimenter quelles seront les espèces présentes dans les forêts franc-comtoises de demain.

la végétation par strates, pour amé- liorer la résilien- ce des peuple- ments et mieux affronter les catas- trophes natu- relles.” À plus long terme, l’ampleur des changements annoncés impose-

nettement en retrait. “Ces essais ont montré que le cèdre mérite d’être étudié dans ces régions comme une alternative à la plan- tation de pins. Ils restent à élar- gir pour tester le comportement de ces essences sur des stations plus favorables à la production forestière” notent les techniciens de l’O.N.F. Un essai testant sept provenances de cèdre de l’Atlas

en dehors de la zone méditer- ranéenne a été installé sur plu- sieurs sites, dans le Doubs notamment. De leurs résultats dépendra sans doute la confi- guration des forêts des généra- tions futures. Celles qui connaî- tront peut-être des climats aujourd’hui visibles dans les pays du Sud de l’Europe. Avec alors la végétation qui va avec.

blèmes de reprise et de sensibi- lité à la sécheresse, alors que les tentatives de valorisation par les pins se montrent décevantes car ces arbres sont sensibles aux neiges lourdes.” De bons résultats sont observés pour la croissance des pins lari- cio de Calabre et noirs d’Autriche et du cèdre de l’Atlas, tandis que les autres essences se situent

Des essais pour adapter les espèces.

Réflexion La Confédération paysanne Plaidoyer pour une autre agriculture Raréfaction de l’eau, sécheresses accentuées, fréquence accrue des inondations

S yndicat agricole très impliqué sur les questions environne- mentales, la Confédération pay- sanne dresse un tableau bien pessimiste de la situation actuelle de l’agriculture, en Franche-Comté com- me ailleurs : “Le changement clima- tique provoque aussi une modification des cycles biologiques et de la biodi- versité rendant la pratique agricole de plus en plus difficile pour les paysans, obligés de s’adapter à un calendrier saisonnier perturbé” explique le res- ponsable qui comme tous ses collègues constate en plus des épisodes canicu- laires en été des hivers plus courts, “c’est-à-dire une terre moins reposée et moins vive, donc des récoltes finale- ment moindres.” Toutes ces modifica- tions nécessitent de faire évoluer les pratiques agricoles. Pour Nicolas Girod, éleveur qui produit du lait à comté, la solution est avant tout locale et doit répondre à une recherche toujours plus importante de produits de qualité. “L’industrialisation de l’agriculture a créé une partie des pollutions respon- sables du changement climatique” lan- ce-t-il, inquiet de voir les épisodes météorologiques extrêmes se multi- plier et durer, qu’il s’agisse de séche- resses ou de longs épisodes pluvieux. “Cette intensification s’est accompa- gnée d’une chute phénoménale du nombre de paysans, remplacés par un recours croissant aux intrants chi- miques comme les engrais et les pesti- cides dont la production est fortement consommatrice d’énergie fossile.” Pour lui, pas de mystères, l’intensification et l’industrialisation de l’élevage ont provoqué une accen- tuation des émissions polluantes et sont donc dénoncées depuis longtemps

par la Confédération paysanne qui défend de nouvelles pratiques. “On doit pouvoir produire autrement sans pour autant réaliser moins de bénéfices. En remettant par exemple en adéquation le nombre d’animaux avec le potentiel agronomique de la ferme pour arriver à une autonomie fourragère et donc en diminuant les charges en parallèle, on s’y retrouve” poursuit le jeune paysan. “Faire moins et faire mieux est possible surtout quand on a la chance d’avoir un produit A.O.C. comme le comté, un produit à forte valeur ajoutée.” Nicolas Girod évoque donc des pistes qui vont au-delà de la question de la production laitière. “Nous devons aus- si mieux maîtriser la commercialisa- tion avec des solutions locales qui exis- tent déjà. Je pense par exemple à favoriser l’utilisation des produits de nos fermes dans les cantines proches ou à la vente directe via des groupe- ments qui ont déjà fait leurs preuves.” La question de la viande bovine, mon- trée du doigt pour le fort impact néga- tif sur le bilan carbone nécessite éga- lement selon lui une remise en question : “Là encore, on est en balan-

et événements climatiques extrêmes provoquent des dégâts importants, parfois irréversibles, sur la nature. En première ligne pour les constater, les agriculteurs doivent s’adapter. Témoignage de Nicolas Girod de la Confédération paysanne, exploitant dans le Jura voisin.

ce entre quantité et quali- té : il vaut sans doute mieux manger moins de viande mais manger de la meilleu- re viande.” Une évolution du métier que ce paysan militant défend au nom de la Confédération paysan- ne dont les idées, si elles ne sont aujourd’hui pas majoritaires dans la pro- fession, ont le mérite d’alimenter le débat. Et peut-être même de faire bouger les lignes.

Le bonheur est dans le… secteur.

Nicolas Girod est éleveur de montbéliardes et vend son lait pour la production de comté.

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