La Presse Bisontine 172 - Janvier 2016

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 172 - Janvier 2016

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Histoire

Un scientifique bisontin

Les lacs jurassiens pour comprendre l’évolution du climat Les travaux menés par Michel Magny sur les niveaux des lacs du Jura reconstituent l’histoire du climat sur 12 000 ans. Depuis un siècle, les températures n’ont jamais autant augmenté…

C ette fois, c’est certain, le réchauffement climatique est enclenché. Impossible de fairemarche arrière.Àmoins d’attendre l’an 3 400 de notre ère annoncé comme le retour possible d’un nouveau petit âge glaciaire pour espérer voir un peu ralentir la haus- se des températures, le processus est lancé. Au cours des 12 000 dernières années, l’amplitude des variations de tempé- ratures fut d’environ 1,2 °C et le réchauf- fement actuel atteint déjà + 0,85 °C en à peine un demi-siècle. “C’est ce que l’on appelle la Grande Accélération. Les choses s’accélèrent depuis 1950 même si le processus a commencé au XIX ème siècle” témoigne Michel Magny, directeur de recherche au C.N.R.S. au laboratoire chrono-environnement de l’Université de Franche-Comté à Besan- çon. Pour bien comprendre ce qui nous attend, encore fallait-il connaître notre

passé climatique. Grâce à des carot- tages réalisés dans les lacs du Jura français et suisse, le chercheur est par- venu à reconstruire une histoire du climat dans l’Arc jurassien. “On peut remonter à 15 000 ans… Car avant, il y avait de la glace dans les lacs que nous connaissons” dit-il. Les résultats sont clairs. Depuis 1 mil- lion d’années, le climat de la Terre suit des cycles de 100 000 ans, alternant glaciations et périodes interglaciaires, qui, beaucoup plus clé- mentes, durent

Michel Magny est chercheur au C.N.R.S. à l’Université de Besançon.

L’homme est entré dans le circuit cli- matique. En moins d’un siècle, les tem- pératures ont plus évolué qu’au cours des 7 000 dernières années. “Au fond de certains lacs du Jura, on aperçoit aujourd’hui des “dead zones” (zones mortes). En dehors du climat, nous per- turbons les écosystèmes.” L’homme est entré dans le circuit climatique, son impact devient plus prégnant que celui des facteurs naturels du climat. C’est pourquoi Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie, a proposé de baptiser “Anthro- pocène” la période que nous vivons depuis 1750, caractérisée par les débuts de la machine à vapeur, l’emballement

de la révolution industrielle au XIX è- me siècle. Nous entrons dans une nouvelle ère géologique. Quid de nos sapins duHaut- Doubs ? “En 100 ans, nous avons récu- péré le climat de Lyon des années 1900. Pour un degré supplémentaire, on des- cend de 200 km vers le Sud. Et d’ici 2100, nous pourrions connaître tous les deux ans la même canicule que cel- le de 2003. Il semble difficile d’échapper au réchauffement de + 2 °C” conclut Michel Magny. En 2080, Besançon cul- tivera des melons ! Les pistes de ski de Métabief pourraient rester vertes en plein hiver.

rations de l’activité volcanique et de la circulation océanique. “Notre climat s’inscrit dans une période interglaciaire (Holocène), démarrée voilà 11 700 ans. Les températures ont suivi une courbe ascendante jusqu’à atteindre un opti- mum climatique, aux environs de 5 000 ans avant J.-C. Depuis, la courbe de température suit un refroidissement progressif, ponctuée d’oscillations prin- cipalement associées aux variations de l’activité solaire” explique le chercheur. Mais depuis le début XIX ème siècle, un troisième facteur s’est greffé : les acti- vités humaines avec surtout l’industrialisation.

10 000 à 20 000 ans. Ces phases correspon- dent aux variations de l’orbite de la Terre autour du Soleil. À l’intérieur de ces grands cycles, on observe des oscillations du climat, dues à des variations de l’activité du soleil, que renforcent les alté-

Au fond de certains lacs, des “dead zones”.

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