La Presse Bisontine 172 - Janvier 2016

DOSSIER

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La Presse Bisontine n° 172 - Janvier 2016

Prospectives

Encore beaucoup d’incertitudes Besançon aujourd’hui, c’est Lyon il y a cent ans

Les auteurs du livre étaient en conférence en novembre dernier à Pontarlier. De gauche à droite, assis : Bruno Vermot- Desroches, Pierre Gresser, Hervé Richard et debout Michel Magny et Vincent

Bichet. Il manque Emmanuel Garnier.

Six chercheurs ont collaboré à la rédaction du livre “Histoire du climat en Franche-Comté, du Jurassique à nos jours”. Une vision réaliste et objective qui lais- se présager de conséquences moins catastrophiques qu’on ne pourrait le craindre pour notre région.

P ublié aux Éditions du Belvé- dère, cet ouvrage est le pre- mier du genre qui a pour cadre une région. Il est le fruit d’une équipe pluridisciplinaire associant géo- logue, historien, météorologue, paléo- climatologue et paléoenvironnemen- taliste. L’occasion pour Vincent Bichet le géologue de revenir 25 000 ans en arrière pour nous rappeler que le Jura était alors recouvert d’une immense calotte glaciaire. “Les glaciations se reproduisent environ tous les 150 000 ans. C’est dû à la relation entre la Ter- re et le soleil. Le cycle se reproduit depuis plus d’1 million d’années et met en jeu une combinaison de paramètres qui évoluent dans le temps et qui vont se poursuivre. On peut faire du pré- dictif. Actuellement, on est dans une ère interglaciaire.” Cette période climatique suit d’abord une courbe des températures ascen- dante favorable à l’installation pro- gressive d’une chênaie dominante. Le réchauffement provoque une baisse du niveau des lacs jusqu’à l’optimum climatique où le phénomène s’inverse

et le climat tend à se refroidir. Ou plu- tôt devrait tendre à se refroidir. Car aux facteurs volcaniques et solaires qui modifient à la hausse ou à la bais- se les températures est venu s’en ajou- ter un troisième qui bouleverse l’ordre naturel des choses : les gaz à effet de serre (G.E.S.). Visible à partir de la révolution industrielle, l’impact des G.E.S. progresse de façon exponen- tielle. “Il excède de très loin l’amplitude du forçage solaire. Le réchauffement en cours n’a plus rien à voir avec les facteurs naturels. Avec l’irruption du facteur humain, certains parlent d’une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. L’homme est ainsi devenu un facteur d’érosion dominant” , explique Michel Magny, paloéclimatologue bisontin. Tout s’accélère. Par le passé, les Com- tois ont aussi eu à subir des périodes rigoureuses. On pense par exemple au petit âge glaciaire qui s’est déroulé du XIV ème siècle jusqu’en 1850. De cette époque, il reste peu de traces comp- tables. Des mesures sont parfois prises face aux catastrophes climatiques. “Au milieu du XV ème siècle, le duc-comte de

La flambée des gaz à effet de serre (G.E.S.). Le réchauffement de la planète varie habituellement selon les éruptions volcaniques et l’activité solaire. Sauf que depuis 1800, les G.E.S. liés au développement de l’industrie prennent une part de plus en plus prépondérante dans le forçage climatique.

tivise : “Si on prend des mesures aujour- d’hui, on en verra l’incidence seulement dans 50 ou 60 ans.Ce qui se passe actuel- lement va se poursuivre encore pendant 20 à 30 ans. En étant vraiment très dras- tique pour freiner le réchauffement, on migrera seulement à Lyon et non pas jusqu’à Athènes.” Face au réchauffement, la Franche- Comté n’est pas des plus mal loties. Selon les prévisions de l’Agence de l’eau, la moitié nord de la France sera sans doute plus arrosée et la situation sera de plus en plus complexe en se rap- prochant de la ceinture méditerra- néenne. “L’agriculture franc-comtoise sera plus propice au retour des céréales. On vérifie d’ailleurs ce phénomène depuis quelques années sur les seconds pla- teaux au-delà de 700mètres d’altitude.” Quant à estimer l’ampleur du réchauf- fement, bien malin celui qui pourra le dire. “On n’a plus d’incertitude sur le réchauffement du climat mais il en sub- siste beaucoup dans l’évaluation du changement” , conclut Michel Magny. F.C.

Bourgogne interdit par exemple l’exportation des céréales pour que ces sujets aient suffisamment à manger. Autre document intéressant, les bans de vendanges bisontins qui sont archi- vés depuis 1525. L’un des facteurs les plus marquants, c’est la pluie. Pendant ce petit âge glaciaire, on constate aus- si des embâcles sur le Doubs et l’importance des inondations liées aux précipitations ou à la fonte des glaces” , décrit Pierre Gresser, historien. On a une idée beaucoup plus précise des évolutions climatiques à partir de 1850 avec l’apparition des stations. Bruno Vermot-Desroches le chef du centre météorologique de Besançon est formel. “Dans la région, on est sous l’influence d’un climat continental dégradé océanique et non pas conti- nental qui est beaucoup plus froid. Les ouvrages sont faux. Quand on parle de petite Sibérie, c’est seulement l’affaire de quelques jours.” Le météorologue invite à se méfier des conclusions hâtives et des tendances épisodiques. “Quand on étudie les températures

moyennes annuelles, 10 ans, ce n’est rien. En terme de recul météorologique, il faut au moins 30 ans. Depuis 1880, on constate que les températures mini- males augmentent plus régulièrement que les maximales.” Il fait plus chaud surtout parce qu’il fait moins froid. La température moyenne a pratique- ment augmenté de 1 °C à Besançon en cinquante ans. La capitale comtoise bénéficie aujourd’hui des conditions qui régnaient à Lyon au début du XX ème siècle. Globalement, on descend vers le Sud de 10 mètres par an, soit 40 km en

10 ans et 400 km en 100 ans. Dans le même temps, on perd 1 cm d’altitude par jour, soit 4 mètres par an, 40 m en 10 ans et 400 m en 100 ans. Conséquence, il nei- ge toujours mais moins souvent sur les sommets jurassiens. En parlant des décisions prises à l’issue de la COP 21, le météorologue rela-

Il fait plus chaud surtout parce qu’il fait moins froid.

Évolution des températures de Besançon comparées à celles de Lyon.

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