La Presse Bisontine 171 - Décembre 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 171 - Décembre 2015

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SOCIAL

Démarrage le 30 novembre “Je pense qu’on aura besoin de nous encore un bon moment”

À l’approche de la 31 ème campagne d’hiver des Restos du Cœur, le nouveau président départemental de l’association fondée par Coluche dresse l’état des lieux des besoins. Hélas toujours plus nombreux.

L a Presse Bisontine : Vous êtes depuis le 26 septembre dernier le nouveau président départemental des Restos. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette responsabilité ? Bernard Guyon : Jacques Martinet mon prédécesseur a passé 5 ans à la tête des Restos du Doubs, il a pris des res- ponsabilités régionales. Je n’étais pas forcément candidat à sa succession, mais j’ai accepté cette responsabilité. Je suis impliqué dans l’association depuis cinq ans. L’engagement asso- ciatif, je le conçois à travers deux choses : la convivialité et le service. L.P.B. : Quand démarre la 31 ème campagne des Restos et comment se présente-t-elle ? B.G. : Le 30 novembre, c’est parti pour 16 semaines. La campagne d’hiver se prolongera jusqu’à fin mars. Les 600 bénévoles du Doubs sont mobilisés, les inscriptions ont commencé début novembre. Sur le Doubs, il y a 11 centres, dont un à Besançon-Belin, vers l’hôpital, et un autre à Chalezeule. Notre objec- tif est qu’à court terme, ils soient tous ouverts toute l’année. 9 centres sur 11 sont déjà dans ce cas. L’an dernier, nous avions enregistré une hausse du nombre de bénéficiaires de 2 à 3 % par rapport à l’année précédente. Cette augmen- tation a été plus légère que les années précédentes. L.P.B. : Cela signifie que la précarité se stabi- lise ? B.G. : Cette augmentation plus légère est surtout due au fait que les Restos ont dû “serrer un peu la vis” puisque sur le plan national l’association a accu- sé un déficit de 10 millions d’euros pen- dant trois ans, dû un nombre toujours plus important de besoins. La préca- rité continue d’augmenter, le volume actuel des inscriptions montre que nous ne serons pas en baisse, bien au contrai- re. Il faut poursuivre nos efforts pour améliorer encore notre activité et nos performances. Actuellement, nous ne pouvons pas distribuer plus de 6 repas par personne et par semaine. Nous ne pouvons pas faire plus. L.P.B. : Comment faire mieux ? B.G. : Notamment par une meilleure “ramasse” auprès des grandes surfaces. La loi sur le gaspillage alimentaire nous permet déjà de récupérer gratui- tement auprès des grandes surfaces des produits à dates de péremption courtes et à les distribuer. Cette loi devrait être encore assouplie et nous permettre de récupérer encore plus de denrées car si la loi actuellement en discussion est adoptée, elle interdira les grandes surfaces de jeter leurs sur- plus et les obligera à les donner aux associations. Cela nous permettra de poursuivre notre mission dans d’excellentes conditions. L.P.B. : Au sujet de la “ramasse” auprès des grandes surfaces du Grand Besançon, n’êtes- vous pas en concurrence avec la Banque ali- mentaire ?

B.G. : Il n’y a pas de concurrence ici. Au contraire, c’est une vraie collaboration qui a été mise en place entre nous.Avec eux, nous avons trouvé un arrange- ment qui permet de mutualiser cette ramasse. Et tout le monde s’y retrou- ve. Cette même collaboration, on s’apprête à l’initier sur Pontarlier, et on espère le faire aussi plus tard sur Montbéliard et Audincourt. L.P.B. : Qui fait appel aux Restos du Cœur en 2015 ? B.G. : Il n’y a plus une catégorie à part, le phénomène touche toutes les caté- gories de population. Entre 7 et 8 % de nos bénéficiaires dans le Doubs sont des étudiants, et plus de 10 % main- tenant sont des retraités. Si on pense que pour les premiers la situation est transitoire, hélas pour les seconds, elle risque de perdurer. Mais la grande majorité des bénéficiaires sont désor- mais les famillesmonoparentales, essen- tiellement des jeunes mamans avec leurs enfants. On voit aussi de plus en plus de travailleurs pauvres, des gens qui ont un travail mais qui n’arrivent pas à s’en sortir. On ne parle pas non plus de tous ces gens qui auraient droit de venir aux Restos mais qui ne font pas la démarche. Je pense par exemple à ces veuves d’agriculteurs en milieu rural qu’on ne peut pas forcément aller chercher ou qui ne voudraient pas. Sur ce point, nous réfléchissons d’ailleurs à mettre en place dans certains sec- teurs du Doubs un système de Restos ambulants, comme ces camions-épice- ries d’antan. Une expérience est lan- cée sur le secteur de Valdahon. L.P.B. : Les Restos ne vivent que par les dons. Les citoyens sont-ils généreux ? B.G. : Le nombre de dons est en baisse mais le don moyen est en augmenta- tion, ce qui permet de compenser. Les Restos tendent à nouveau vers l’équilibre financier. À noter que les concerts et les disques des Enfoirés permettent de récolter 13 % du budget des Restos qui atteint 180 millions d’euros par an. À

Zoom Les Restos en chiffres Dans le Doubs - Nombre de repas distribués lors de la campagne dʼhiver 2014-2015 : 511 784, dont 121 002 à Besançon et 70 612 à Chalezeule. - Nombre de bénéficiaires : 7 699 (380 bébés), dont 1 671 à Besan- çon (108 bébés) et 1 183 à Chalezeule (69 bébés). - 611 bénévoles mobilisés. En France - 1 million de personnes accueillies - 130 millions de repas distribués - 67 600 bénévoles sur 2 090 centres et antennes - 40 000 bébés de moins de 18 mois aidés D’où proviennent les fonds ? Sur 100 euros de ressources : 44,9 % de dons et legs, 12,5 % des concerts et C.D.-D.V.D. des Enfoirés, 11,3 % de lʼUnion Européenne, 18,6 % autres subventions, 5,8 % produits divers et financiers…

Bernard Guyon, bénévole des Restos du Cœur comme les 600 autres dans le Doubs, est président de l’association du Doubs depuis le 26 septembre.

temps. L’essentiel des troupes est com- posé de gens qui ont du temps, de retrai- tés. Nous réfléchissons à ouvrir cer- tains centres le samedi matin pour attirer, pourquoi pas, des bénévoles étu- diants ou ceux qui travaillent en semai- ne et qui n’auraient pas le temps de venir autrement. Nous allons faire cet- te expérience dans un de nos centres. L.P.B. : Voilà trente ans que les Restos sont ouverts. Vont-ils un jour fermer leurs portes ? B.G. : Je pense qu’on aura besoin de nous encore un bon moment… Mais cette question pose plus largement le pro- blème du bénévolat. Car s’il n’y avait plus de bénévolat, il n’y aurait tout sim- plement plus de Restos. Même si les collectivités locales nous aident bien, il faudra quand même bien que l’État se pose un jour ce genre de questions. Imaginons un jour que les Restos dis- paraissent. Que deviendraient les gens ? Et imaginons aussi qu’il n’y ait plus de bénévolat. Ce serait la révolution. Cet- te question pose un vrai problème de société. Propos recueillis par J.-F.H.

Nous faisons également du suivi bud- gétaire, du micro-crédit. Récemment, nous avons permis de faire un micro- crédit de 700 euros à un bénéficiaire qui a pu acheter une voiture et donc retrouver un emploi. Il y a aussi les cours de cuisine, la coiffure avec des coiffeurs qui interviennent bénévole- ment, les départs en vacances, l’organisation de sorties familiales. Et toute une activité spécifique pour les bébés avec du matériel de puéricultu- re et de la nourriture adaptée. Enfin, nous avons une activité “vestiaire” avec des vêtements, et une activité biblio- thèque avec des livres. On s’était aper- çu que des gens venaient aux Restos mais ne voyaient personne d’autre. On essaie donc de les aider dans les autres aspects de leur quotidien. L.P.B. : Vous êtes 611 bénévoles Restos dans le Doubs. C’est suffisant ? B.G. : Nous nous organisons au mieux mais nous recherchons tous les ans de nouveaux bénévoles car on fait atten- tion à ne pas surcharger les gens. Plus il y a de bénévoles, plus ils restent long-

ce propos, on emmène 550 bénévoles du Doubs au concert des Restos qui aura lieu fin janvier à Bercy. L.P.B. : La mission des Res- tos ne se limite pas à la dis- tribution de nourriture. Que font aussi les bénévoles ? B.G. : L’aide à la person- ne est la grande priori- té des Restos désormais, qui dépasse en effet la simple distribution de nourriture. L’aide à la personne couvre beau- coup de domaines d’intervention comme le soutien au retour à l’emploi. Nos bénévoles accompagnent les béné- ficiaires à des entretiens d’embauche par exemple.

“Plus de 10 % maintenant sont des retraités.”

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