La Presse Bisontine 171 - Décembre 2015

POLITIQUE

La Presse Bisontine n° 171 - Décembre 2015 36

INTERCOMMUNALITÉ Le spécialiste de la commune nouvelle “Il faut que les élus locaux se remettent en question” Thierry Speitel est maire de la commune de Sigolsheim en Alsace. Avec deux autres communes voisines, il a décidé de créer une commune nouvelle, comme sont en train d’y réfléchir notamment Routelle et Osselle. Devenu le spécialiste de cette question, l’élu alsacien apporte son éclairage, sans langue de bois, dans un contexte où la coopération intercommunale est au cœur de l’actualité.

L a Presse Bisontine : Comme veu- lent le faire de plus en plus de communes y compris dans le Doubs, vous vous êtes engagés dans un processus de commune nouvelle. Où en êtes-vous dans la démarche ? Thierry Speitel : L’arrêté préfecto- ral a été pris le 14 juillet der- nier, l’entrée en vigueur de la commune nouvelle sera effecti- ve le 1 er janvier prochain. Cet- te commune nouvelle regrou- pera les trois communes actuelles de Kaysersberg,Kientz- heim et Sigolsheim. L.P.B. : Vous en serez le futur maire ? T.S. : J’ai dit que je me mettais en retrait pour ces questions- là. Je ne veux pas être bloquant pour la réussite de ce projet. L.P.B. : Quel est l’intérêt pour les com- munes de se regrouper au sein d’une commune nouvelle ? T.S. : C’est la première loi depuis Napoléon qui nous permet, nous les communes, d’écrire notre propre histoire. Cette récente loi sur les communes nouvelles, que l’on doit à Jacques Pélis- sard le maire de Lons-le-Sau- nier et ancien président de l’association des maires de Fran- ce est basée sur le volontariat. Et ça change tout car elle inci- te les communes à se prendre en main. Je m’étais rendu qu’avec les baisses des dota- tions, notre commune aurait perdu beaucoup d’argent en 2017. Avec la création de cette commune nouvelle qui s’appellera “Kaysersberg vignoble”, on fera un gain de 2 millions d’euros d’ici 2020. Ce mouvement est inéluctable et c’est à nous, maires des petites communes, de l’engager. Le sys- tème avec des communautés de communes de quelques milliers d’habitants est à bout de souffle. Je crois vraiment à cet échelon

qu’est la commune, mais il faut lui donner plus de consistance. L’intérêt de se grouper en com- mune nouvelle est encore plus fort quand cette commune couvre le périmètre d’une communau- té de communes car on y gagne sur les deux tableaux : les dota- tions de la commune nouvelle sont bonifiées de 5 % et vous gardez les dotations de la com- munauté de communes. La com- munauté d’agglomération de Cherbourg est devenue com- mune nouvelle. Pour elle, c’est tout bénéfice. L’autre avantage des communes nouvelles, c’est qu’elles vont per- mettre localement de ne pas réduire les services à la popu- lation grâce aux économies d’échelle que ça permet. Enfin, avec 10 maires dans une com- munauté de communes, ça fait 10 coqs dans le poulailler. Avoir un vrai chef permet aussi de mieux avancer. L.P.B. : Vous prônez donc la dispari- tion des petites communes ? T.S. : Les communes de 50 habi- tants, ça n’a plus de sens aujour- d’hui ! Tout ce qui sera en des-

l’a fait l’Allemagne et je ne crois pas que ça fonctionne mal en Allemagne. Il faut changer notre raisonnement. L.P.B. : En quel sens ? T.S. : En se posant la question de ce qu’on va laisser aux géné- rations futures. Des dettes ? C’est la raison principale qui me fait avancer en politique. Nous sommes en train de vivre à crédit sur le dos de nos enfants. Si on continue avec ce raison- nement-là, on va se retrouver avec une société qui se crispe de plus en plus. Il faut poser les choses, repartir de la base de l’organisation démocratique qu’est la commune. Mais en ce moment c’est tout le contraire qui se passe. On est en train de faire des grandes Régions alors que la question des Départe- ments n’est même pas réglée, alors même qu’on aurait dû com- mencer par revoir ce socle qu’est la commune. L.P.B. : Le regroupement des com- munes peut être un début de répon- se ? T.S. : Oui. Il faut aussi prendre des décisions concrètes et com- mencer par exemple par fermer l’E.N.A. Cette école dans laquel- le les futures élites marchent sur 4 cm de moquette ne sert plus à grand-chose, qu’à emmer- der la vie des Français. Les conséquences de ces crispations, on les voit dans les urnes. L.P.B. : Ces dysfonctionnements de nos institutions encourageraient le vote extrémiste selon vous ? T.S. : Évidemment. Et le vote extrémiste, comme on le voit notamment chez moi en Alsa- ce, n’est pas un vote raciste, c’est un vote ras-le-bol. Je suis d’autant plus à l’aise de parler de ça car je suis un centriste

Thierry Speitel, maire de Sigolsheim, est devenu le spécialiste de cette question des communes nouvelles au sein de l’association des maires de France.

pour qui les mandats sont deve- nus “alimentaires”. Le problè- me français, c’est qu’on est tout le temps en train de vouloir reca- ser les uns ou les autres, c’est comme ça que la politique ne se renouvelle pas. Il faut absolu- ment que les élus se remettent en question s’ils veulent à nou- veau être crédibles. Ils sont sou- vent déconnectés. Ce que je dis ne peut pas être considéré com- me démagogique parce que j’applique ce que je dis. J’ai eu aussi quelques soucis avec d’autres élus : par exemple, je n’ai pas eu l’investiture d’un parti pour des élections locales parce que j’ai été le premier mai- re à me marier avec un autre homme… L.P.B. : Vous continuez pourtant à fai- re de la politique ? T.S. : Beaucoup de mes amis me disent “qu’est-ce tu t’emmerdes à faire de la politique alors que tu as une entreprise ?” et si je continue, c’est vraiment pour ceux qui vont nous succéder. Nous avons une vraie respon- sabilité envers eux. Je continue à faire de la politique car je conti- nue à y croire. Le jour où je n’y croirai plus, j’arrêterai. Propos recueillis par J.-F.H.

modéré très éloigné des thèses du F.N. On constate aujourd’hui que des avocats, des médecins, des gens instruits sont prêts à voter Le Pen, sans même adhé- rer aux idées du F.N., mais par simple contestation. C’est le vote-défouloir simplement par- ce que le menu que la classe politique leur propose, ils ne l’aiment plus. L.P.B. : Les maires sont vent debout contre l’État qui leur coupe les vivres. Mais les communes ne doivent-elles pas aussi faire des efforts ? T.S. : Bien sûr que si ! Les com- munes ne doivent pas se consi- dérer que comme des victimes. L’effort doit être commun et col- lectif. Combien y a-t-il de sec- teurs où l’on voit, à parfois 500m de distance, deux salles des fêtes ? Tout ça parce que les maires veulent flatter leur ego et laisser une trace. C’est une aberration. Il faut que dans ces cas-là, les collectivités territo- riales aussi soient responsables et quand un projet n’est pas structurant, elles arrêtent de distribuer des subventions. L.P.B. : Comment expliquer aux habi- tants attachés à leur clocher que la commune nouvelle peut être la solu-

tion ? T.S. : Quand j’ai lancé le proces- sus, j’ai rencon- tré 350 familles en trois réunions. Je n’ai pas eu de retour négatif. Les viticulteurs qui ont été obli- gés de se regrou- per en coopéra- tives ont bien compris l’intérêt des regroupe- ments. Quand j’ai expliqué aux anciens que les

“Le vote extrémiste, n’est pas un vote raciste, c’est un vote ras-le-bol.”

sous de 1 000 habitants, ça va devenir très compliqué. Les maires des petites com- munes vont finir par être cantonnés aux crottes de chien ! Il devient néces- saire de se regrouper. Il y a 36 000 com- munes en France, il fau- drait diviser ce nombre par trois. Comme

“Les communes de 50 habitants, ça n’a plus de sens aujourd’hui !”

caisses du Crédit Mutuel fusion- naient, ils ont tout de suite éga- lement visualisé les choses. Il suffit d’un peu de pédagogie. Les gens ne sont pas stupides. L.P.B. :Votre discours doit parfois déton- ner dans les sphères politiques ? T.S. : Certaines de mes idées dérangent : quand je dis par exemple que je suis pour le non- cumul total des mandats selon le principe “un élu-un mandat”, oui, parfois, ça dérange. Je ne suis pas un professionnel de la politique, je n’en vis pas, j’ai une entreprise à faire vivre, contrai- rement à beaucoup d’autres élus

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