La Presse Bisontine 169 - Octobre 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 169 - Octobre 2015

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POLITIQUE

Marie-Guite Dufay “Je suis une adepte de la politique par la preuve”

L a Presse Bisontine : La plupart des candidats ont rencontré des difficultés à constituer une liste. Cela a-t-il été votre cas ? Marie-Guite Dufay : Nous venons de clore un épisode qu’il me tardait de voir s’achever. Pour constituer la liste, il a fallu trouver des compétences, veiller à ce que chaque bassin de vie soit représenté, s’ouvrir à des personnes de la société civile et accorder de la place à nos alliés. L.P.B. : Une fois de plus, les Verts ont refusé de fai- re alliance avec le P.S. au premier tour de l’élection. La gauche se présente désunie face à une droite unie. Vous le regrettez ? M.-G.D. : Je ne peux en effet que le déplorer d’autant que nous avons très bien travaillé avec les Verts en Franche-Comté pendant tout le mandat. C’est dommageable. Mais je ne peux rien contre cette décision natio- nale. Les Verts veulent faire entendre leur voix au premier tour. En revanche, ce qui dépend de moi, c’est de parvenir à créer le rassemblement le plus large possible à gauche malgré l’absence des Verts. Je suis intransigeante sur les alliances au premier tour. Nous nous retrouverons avec les Verts au second tour, à condition qu’ils fassent plus de 5 %. L.P.B. : Le contexte de politique en France est défa- vorable à la gauche. Avez-vous hésité à conduire cette liste en sachant que la partie s’annoncerait difficile ? M.-G.D. : J’ai hésité à me présenter. Mais finalement je ne regrette pas mon choix. Je sais que la situation est compliquée, qu’il y a des doutes dans notre famille poli- tique, que les gens sont inquiets, mais c’est justement pour cela qu’il est nécessaire d’amener du débat, du dialogue, des expli- cations. Ce qui compte pour moi, c’est de défendre les valeurs qui m’animent. Le moment est crucial pour cela. Perdre une élection fait partie du jeu, mais je rentre dans le jeu avec ma propre musique. Il y a des énergies. Je vais les fédérer. L.P.B. : La vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne, Safia Otokoré, a indiqué qu’elle refu- sait de faire partie de votre liste, estimant ce qu’elle ne pouvait pas “se contenter du flou” après avoir travaillé avec “l’homme d’exception” François Patriat. Comment recevez-vous cette critique indi- recte à votre égard ? prononce sur les enjeux qui attendent le nouveau territoire Bourgogne-Franche-Comté. Tête de liste aux prochaines élections régionales, la socialiste Marie-Guite Dufay se

gé. Il faut parvenir à constituer un terri- toire. Cela prendra au moins un mandat. C’est une élection régionale, mais pour une nouvelle région. L’enjeu est de créer la dynamique qui va nous permettre de don- ner son identité à ce nouveau territoire et d’amener les habitants à y adhérer. C’est un défi. Il faut mettre à contribution tout le monde. Cela passe par la culture qui, à mon sens, doit tenir une place importan- te pour faire naître cette identité nouvel- le, et par la mise en mouvement de tous les habitants. Je le répète, cela prendra sept ans, mais la campagne électorale dans laquelle je suis engagée donne le “la”. L.P.B. : Votre bureau sera à Dijon. N’allez-vous pas de prendre vos distances avec le territoire franc- comtois par la force des choses ? M.-G.D. : En tant que présidente, je passe aujourd’hui plus de temps sur le territoi- re que dans mon bureau à Besançon ! Ma place est aux côtés de celles et ceux qui prennent des initiatives qui peuvent débou- cher sur un développement local. Je suis attentive à tout ce qui se crée dans nos bassins de vie. Nous sommes en pleine mutation. Les repères d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Notre rôle d’élu est de préparer le monde de demain en encoura- geant l’initiative, tout en assurant la pro- tection sociale de ceux qui en ont besoin. Si je suis élue, je ne serai pas à Dijon, mais je serai présente partout en Bourgogne- Franche-Comté. L.P.B. : Vous défendez “l’économie de la qualité”. De quoi s’agit-il ? M.-G.D. : Je vais me battre pendant cette campagne pour défendre l’économie de la qualité qui n’est pas soumise au diktat des marchés et de la finance. Je parle de l’économie de nos T.P.E. et P.M.E., des entre- prises familiales, des entreprises qui inno- vent. L’économie de la qualité, c’est l’économie des ressources locales et en par- ticulier de l’économie verte, de l’économie sociale et solidaire.

Marie-Guite Dufay : “Ce monde a des besoins et on peut y répondre.”

Bio express

re, des start-up , des entreprises de luxe, des chercheurs. Le véhicule du futur, c’est ici qu’on l’invente ! Sur le plan de la san- té, à Dijon comme à Besançon, des labo- ratoires travaillent sur les thérapies de demain pour lutter, par exemple, contre le cancer. Nous avons aussi une industrie de luxe. Ce n’est pas un hasard si Hermès s’installe à Héricourt. Le premier atout de la Franche-Comté est l’habileté de sa main- d’œuvre et la performance de ces filières de formation. Pour les énergies nouvelles, il y a Alstom, Le Creusot. La Bourgogne- Franche-Comté a des atouts pour construi- re le monde de demain. Elle a des armes pour affronter des défis mondiaux. La cam- pagne électorale est l’occasion de le rap- peler. Je suis une adepte de la politique par la preuve. Mais dans cette période de transition, il faut faire en sorte de proté- ger les salariés qui sont inquiets. L.P.B. : Que dites-vous à ceux qui contestent enco- re cette réforme territoriale ? M.-G.D. : Je ne regarde pas en arrière, mais vers l’avenir. La grande région ne va pas bouleverser le quotidien des gens. Il y a beaucoup de fantasmes autour de cela. Si on fusionne, c’est pour se donner les moyens de booster l’action économique principale- ment. En unissant nos forces, nous aurons un budget plus fort et nous pèserons davan- tage aux yeux de l’Europe pour obtenir des financements européens. L.P.B. : Quel rôle va tenir Besançon dans ce nou- veau territoire ? M.-G.D. : La D.I.R.E.C.C.T.E., la D.R.E.A.L., l’A.D.E.M.E. restent à Besançon. Cela montre que l’État qui a voulu cette réfor- me ne veut pas paupériser les villes qui ne sont plus capitales régionales. Il faut que Dijon et Besançon, deux villes qui se sont longtemps ignorées, croissent ensemble désormais. Propos recueillis par T.C.

L.P.B. :Quel genre de région voulez-vous construire ? M.-G.D. : Je crois en la force du territoire. Je veux construire une région solidaire, une région responsable engagée dans la mutation écologique et énergétique. La mutation est aussi démocratique. Le poli- tique perd le lien avec la population. Je veux que le Conseil régional ait un lien avec les habitants, comme il l’a été lors des journées citoyennes que nous avons orga- nisées. Nous sommes d’ailleurs la seule région à l’avoir fait. Je ferai des proposi- tions en ce sens. Sur le plan financier, je viserai également la sobriété, comme je l’ai fait au Conseil régional de Franche-Com- té qui a été le mieux géré de France. Je veux tenir un langage de vérité car les gens sont inquiets dans ce monde en muta- tion. Il est nécessaire d’expliquer ce qui est en train de se passer, et de s’appuyer sur ce qui va bien pour ouvrir des pers- pectives d’avenir. L.P.B. : Vous prétendez vouloir défendre l’emploi. Or, on le voit, le taux de chômage ne cesse de croître y compris dans la plupart des bassins d’emplois de Franche-Comté. Une région a-t-elle réellement le pouvoir de changer le cours des choses sur le plan de l’emploi ? M.-G.D. : Il y a des emplois perdus, mais il y en a de nouveaux qui se créent. Il faut inves- tir dans la recherche pour que les entre- prises innovantes produisent de la valeur ajoutée. L’union de la Bourgogne et de la Franche-Comté permet de donner du tonus à tout cela. Arrêtons de nous plaindre. Il y a des initiatives positives. Il faut savoir les repérer et les accompagner.Je veuxm’appuyer sur tout ce qui est source d’espoir.De l’espoir, il y en a aussi dans la société civile. L.P.B. : Quelles sont les chances de la Bourgogne- Franche-Comté dans la concurrence des territoires en France et sur le plan international ? M.-G.D. : Ce monde a des besoins et on peut y répondre. Nous avons sur notre territoi-

1989 - 1995 Conseillère municipale Ville de Besançon 1995 - 2001 Conseillère Municipale déléguée à la politique de la ville à Besançon 2001 - 2008 4ème adjointe à la ville de Besançon : Action Sociale (personnes âgées, handicapés, lutte contre les exclusions) 2004 - 2008 1ère vice-présidente du Conseil régional de Franche- Comté 2008 Élue présidente du Conseil régional de Franche-Comté suite au décès de Raymond Forni. 2010 Élue présidente du Conseil Régional de Franche-Comté 2015 Candidate aux

M.-G.D. : C’est son jugement, point. Je ne suis pas à l’abri des coups. L.P.B. : Redoutez-vous que le défi- cit d’image que vous avez en Bour- gogne vous soit préjudiciable ? M.-G.D. : Je me donne les moyens de me faire connaître en Bourgogne en sillonnant le territoire. Je reçois un accueil chaleureux là où je vais. Du point de vue de la notoriété, François Sauvadet (N.D.L.R. : le candidat Union de la Droite) rencontre en Franche-Comté le même pro- blème que moi en Bourgogne. L.P.B. : Si vous êtes élue, comment espérez-vous donner sa cohéren- ce à cette nouvelle grande région ? M.-G.D. : Ce qui change la don- ne, c’est que la carte a chan-

“Je ne regarde pas en arrière.”

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