La Presse Bisontine 166 - Juin 2015

LE PORTRAIT

43 La Presse Bisontine n° 166 - Juin 2015

BESANÇON

Lauréate d’un prix national Emmeline danse avec l’histoire

“L a saline d’Arc-et-Senans :manu- facture, utopie et patrimoine”. Sous ce titre, une somme de 815 pages, fruit de neuf années de recherche pour Emmeline Scachetti, doc- teur en histoire contemporaine à l’Université de Franche-Comté. Ce tra- vail original lui a valu le titre national d’histoire des entreprises que lui a décer- né le Crédit Agricole à l’occasion d’une cérémonie qui s’est tenue le 21 avril der- nier à Micropolis. À la clé, un beau chèque de 15 000 euros, dont la moitié sera ver- sée directement aux éditions François- Rabelais de Tours qui se chargeront de l’édition et de la diffusion de cette thèse d’ici la fin de l’année. Le reste, beau pécu- le, permettra à Emmeline Scachetti de “payer mes dettes et de mener à bien mes autres projets” sourit la lauréate, élégan- te brune de 36 ans au large sourire. Ce travail inédit sur la saline d’Arc-et- Senans est le fruit de longues années de recherche et d’études. Après un Bac L obtenu avec un an d’avance, c’est vers les lettres supérieures que se tourne l’étudiante d’alors, au lycée Pasteur à Besançon. Elle embraye ensuite directement sur une licence de géographie à la fac de Besan- çon. “Mais l’histoire, une discipline que j’affectionne depuis longtemps, m’a man- qué. J’ai alors décidé d’enchaîner sur une seconde licence, d’histoire cette fois-ci.” La rencontre en maîtrise avec son futur direc- teur de thèse Jean-Claude Daumas l’amènera à se pencher sur l’histoire de la saline d’Arc-et-Senans, paradoxalement encore très méconnue du point de vue his- torique, contrairement à l’aspect archi- tectural et sociologique qui ont déjà fait l’objet de nombreuses études.Mais Emme- pour sa thèse consacrée à la saline royale d’Arc-et-Senans. Docteur en histoire contem- poraine, c’est vers une autre discipline, très contemporai- ne, que la jeune femme amorce un virage à 180°… Un parcours décoiffant. La Bisontine Emmeline Scachetti vient de recevoir le prix national Crédit Agricole d’histoire des entreprises

Emmeline Scachetti a mis au jour une histoire de la saline royale d’Arc-et-Senans paradoxalement méconnue.

line n’est pas du genre à se presser. “J’ai fait ma maîtrise en deux ans car je tra- vaillais à côté.Mes parents m’avaient entre- tenu jusqu’ici, ils n’avaient pas forcément les moyens de le faire encore pendant des années” dit la chercheuse qui a enchaîné les petits boulots de vendeuse ou de ser- veuse pour poursuivre son long cursus. Puis vient le temps du D.E.A., et de la thè- se qu’elle mettra donc neuf ans à boucler. “Ce qui explique ce si long délai, c’est que d’une part je travaillais en parallèle et que d’autre part, ce genre de travail ne se pas- se pas dans un laboratoire, il a fallu d’innombrables déplacements aux archives du Doubs, du Jura, à Arc-et-Senans mais surtout aux archives nationales à Paris. Et ces archives-là ne sont pas numérisées. J’ai travaillé sur du papier qui n’avait quasi- ment jamais été ouvert.” À travers son fastidieux travail, Emmeli- ne Scachetti s’est attachée à démontrer que Claude-Nicolas Ledoux, contrairement à la manière dont on a construit sa légen- de bien plus tard, n’avait jamais voulu fai- re de cette saline royale un modèle de cité idéale. “La saline a été construite en 1774. Ce n’est que dans un livre de 1804 que Ledoux a imaginé une ville à l’architecture idéale. L’idée de la cité idéale a été imagi- née très récemment, dans les années soixan-

que l’on voit danser par des filles effeuillées dans les cabarets interlopes. “Non, je ne serai pas la première docteure de l’histoire à faire du strip-tease, plaisante-t-elle. La pole dance est une discipline sportive à part entière qui espère même intégrer les sports olympiques. Je suis en train de créer ma société qui sera baptisée Dragon Pole Dan- ce, avec deux adresses, une à Montbéliard et l’autre à Besançon où je suis sur le point de trouver un local sur le secteur des Cha- prais.” Sa thèse n’aura pas été vaine pour son pro- jet professionnel puisque c’est aussi par l’intermédiaire du Crédit Agricole qu’elle a été mise en relation avec Franche-Com- té Active, l’organisme qui l’aide à finaliser la création de son entreprise. “La boucle se boucle bien. Je garde un pied dans l’histoire car je suis toujours en relation avec la saline pour des conseils scienti- fiques, mais je mets les deux mains et le reste du corps dans la danse” dit-elle, plei- ne d’énergie pour entamer, en souplesse, ce grand écart qui la mène vers une nou- velle aventure professionnelle, tout aussi passionnante,mais sans doute plus pétillan- te que les archives austères d’une saline, fût-elle royale. J.-F.H.

te, quand on s’est retrouvé avec un bâti- ment magnifique, majestueux mais vide et sans histoire, à une époque où on a lancé sa réhabilitation. La saline est entourée de nombreux mythes, mais qu’est-ce que sa véritable histoire ? C’est tout ce la que je montre dansma thèse” explicite l’historienne. La principale difficulté à laquelle a été confrontée la chercheuse aura été de trou- ver des archives sur la saline, quasiment inexistantes et dont la plupart avaient dis- paru lors de l’incendie de la maison du directeur en 1918. C’est donc en recoupant d’autres documents historiques, notam- ment les archives des ingénieurs des mines, de la ferme générale, de l’enquête sur les sels de 1868, qu’Emmeline Scachetti est parvenue au bout de ses investigations. Sa thèse en poche et avec la satisfaction du long devoir accompli, Emmeline Sca- chetti ne fera pourtant pas carrière dans l’histoire. Elle vient de décider de réaliser le grand écart en faisant d’une autre de ses passions, la danse, son futur métier. “Je passe de l’histoire d’une entreprise à la création d’entreprise.Voilà quelques années que j’ai découvert la pole dance, cette gym- nastique acrobatique sur barre verticale. J’ai décidé d’en faire monmétier en ouvrant une école de pole dance.” Pour les esprits mal tournés, la pole dance n’est pas celle

Bio express Naissance en 1979. Collège à Saint- Hippolyte, lycée à Valentigney. S’installe en 1996 à Besançon. Lycée Pasteur, puis Université de Franche- Comté. Novembre 2013 : soutenance de sa thèse. 21 avril 2015 : lauréate du prix national Crédit Agricole Juin 2015 : création de sa société Dragon Pole Dance. Passions : l’histoire, la danse, les voyages, la culture japonaise, le billard, les jeux de rôle, la musique, le chant et “refaire le monde avec mes amis.” histoire des entreprises.

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CRÉDIT PHOTO : OLIVIER PERRENOUD / RECETTE : THIERRY PERROD, L’AVANT-GOÛT

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