La Presse Bisontine 165 - Mai 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 165 - Mai 2015

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POLITIQUE

La nouvelle présidente du Département du Doubs “La vie publique, c’est toute ma vie”

L a Presse Bisontine : On vous avait quitté effondrée suite à votre échec aux sénato- riales en septembre dernier. Vous aviez même laissé entendre que vous laisseriez tomber la politique et six mois plus tard, vous êtes portée à la présidente du Doubs. Qu’est-ce qui vous a incité à repartir au combat ? Christine Bouquin : Ce qui m’a remotivée pour dépasser cette déception, c’est tout simple- ment de me retrouver au milieu des miens, de mes proches, des gens du Haut-Doubs et de l’action publique. Je me suis rapide- ment dit : “Tu ne peux pas arrêter comme ça” et les plus jeunes m’ont dit “Il faut que tu continues.” Et en prenant cette place aujourd’hui, je me rends compte plus que jamais que la vie publique, c’est toute ma vie. Depuis le début du mois, ce sentiment se confirme à 100 %. L.P.B. : Oubliés donc les griefs et rancœurs contre Jacques Grosperrin, Jean-François Longeot ou d’autres ? C.B. : Il n’y a chez moi aucune rancœur, aucu- ne rancune. Cette élection s’est déroulée dans la plus parfaite sérénité. Je suis tel- lement satisfaite de rassembler l’ensemble de l’union de la droite et centre, avec toutes ces personnes issues également de la socié- té civile. Quant à Jacques Grosperrin, tout va très bien entre nous. L.P.B. : Pensez-vous réintégrer l’U.M.P. que vous aviez quittée en 2008 ? C.B. : Pas du tout. Je reste divers droite et en étant à la tête d’une équipe d’union de la droite, ce serait plutôt ambigu et malve- nu de retourner dans un parti. C’est très bien ainsi. L.P.B. : Est-on préparé psychologiquement à entrer dans cette fonction de président de Département ? C.B. : Je m’étais préparée à la victoire, com- me à la défaite. J’ai appris cela avec l’expérience. Et une fois que vous êtes élu, c’est un grandmoment d’émotion, je nem’en suis pas cachée, et je mesure aujourd’hui la responsabilité qui est la mienne. Je suis élue au Département depuis 2001 mais le fait d’être à la tête de cette assemblée, ça change tout.Une chose est sûre néanmoins : ma personnalité ne changera pas ! L.P.B. : À quoi avez-vous occupé vos premiers jours de présidente ? le basculement politique du 29 mars dernier. Elle évoque son parcours et ses projets pour le département. Christine Bouquin est désormais installée dans le fauteuil de présidente du Conseil départemental du Doubs après

Christine Bouquin, première femme de l’histoire à être élue présidente du Département du Doubs.

positions, à tous les échelons.

2016 et c’est là que nous marquerons notre empreinte. J’ai demandé à l’ensemble des directeurs de services de faire un état des lieux précis des actions déjà engagées et de leur coût. Quand on reprend les clés d’une maison, on se doit de faire un état des lieux. Il est nécessaire d’évaluer les politiques menées afin de voir ce qu’il faut éventuel- lement réorienter. On a la chance d’avoir six ans pour mener notre action. L.P.B. : Et vos dossiers prioritaires ? C.B. : Nous allons relancer une vraie pro- grammation pluri-annuelle sur les infra- structures routières. Ce sera un des objec- tifs principaux de ce mandat. On commence par engager un état des lieux complet sur la R.D. 461 (route des Microtechniques), la R.D. 437 (transversale entre le Haut-Doubs et le Haut-Jura), la R.N. 57 route d’État et la partie bisontine bien sûr. Naturellement il faudra faire des choix, mais onmettra les priorités là où on doit les mettre, objecti- vement. Les routes seront une priorité,mais pas au détriment du reste. Un symbole fort : les routes feront l’objet d’une commission à part entière, présidée par le conseiller Alain Marguet. L’autre grande priorité relève des solidari- tés naturellement. Par exemple au bénéfi- ce des personnes âgées, nous mettrons en place des structures intermédiaires aux maisons de retraite, genre co-locations ou maisons multi-générationnelles pour que les personnes âgées puissent rester au cœur de leur quartier, de leur village. L.P.B. : La parité et le fait qu’une femme soit à la tête du Département, qu’est-ce que ça peut chan- ger ? C.B. : L’approche des femmes n’est pas tout à fait la même. D’abord, c’est hélas un a priori, on doit faire ses preuves beaucoup plus que les hommes. L’œil féminin est peut- être plus averti, plus pragmatique. La sub- tilité va jouer aussi (rires). Mais ça fait tel- lement de bien de voir cette nouvelle assemblée féminisée, rajeunie, souriante,

venant d’horizons professionnels si diffé- rents ! L.P.B. : Comment concilier vos projets avec les contraintes budgétaires actuelles ? C.B. : Si nous voulons aboutir à des résul- tats satisfaisants, il faudra être très vigi- lant et faire des économies. Ne pas avoir peur de dire, après une analyse fine, que certains postes ne seront peut-être pas renouvelés, qu’il faudra faire des économies d’échelle par rapport aux achats, aller enco- re plus loin dans le souci de limiter les dépenses. C’est comme ça aussi que l’on pourra investir. L.P.B. : Reviendrez-vous sur certains dossiers de la majorité précédente ? C.B. : Il n’y a pas de raison de supprimer ce qui marche. Des dossiers comme la voie ver- te, non, nous ne reviendrons pas dessus. Les investissements àMétabief, qui avaient été initiés par Claude Girard d’ailleurs, nous approuvons aussi. Le salon Les Mots Doubs, même chose : c’est le genre de mani- festations, également marque de fabrique de Claude Girard, qui permet de faire rayon- ner le Doubs au-delà de ses frontières. L.P.B. : On se souvient de certains grands projets de votre mentor Claude Girard comme l’idée d’un télé- phérique entre Malbuisson et le Mont d’Or, finale- ment abandonné. Avez-vous en tête de tels grands projets pour faire rayonner ce département ? C.B. : Joker… Oui, il y a des idées. Et sans doute y aura-t-il des surprises par rapport à des dossiers où on ne nous attend pas for- cément… L.P.B. : Plus de place pour la vie privée et les loi- sirs ? C.B. : Je vais essayer de m’accorder un petit espace de vie, mais ça n’a jamais été ma priorité. Je pense plutôt aux autres, je suis comme ça…

Bio express

L.P.B. : Vous avez lâché toutes vos autres respon- sabilités d’élue et de cadre dans le privé pour vous consacrer à votre mandat départemental. Pourquoi ? C.B. : Pour réussir dans ce mandat-là, il est nécessaire d’y consacrer tout son temps. Je ne veux pas me précipiter, nous avons six ans pour réussir. Lâcher mon poste de mai- re de Charquemont a été difficile, j’ai com- mencé là-bas en tant que conseillère en 1989. Même chose dans mon entreprise : quand j’ai badgé pour la dernière fois, il y a eu un gros pincement au cœur.Pour autant, je n’abandonne pas ma commune puisque je reste au conseil. J’y ai depuis peu une maison, qui sera mon havre de paix pour le week-end. L.P.B. :Vous emmenez dans vos bagages votre direc- teur des services de Charquemont Daniel Benaze- raf qui devient votre directeur de cabinet ici. Pour- quoi ce choix ? C.B. : C’est mon homme de confiance, il fait partie de ma garde rapprochée, il travaille avec moi depuis vingt ans.Avec lui, je pour- rai travailler sereinement. Ici, j’ai besoin de compétence et d’amitié. L.P.B. : Quels changements allez-vous imprimer par rapport à votre prédécesseur Claude Jeannerot ? C.B. : Je souhaite notamment que le Dépar- tement ait beaucoup plus de relations avec les autres collectivités, communes et com- munautés de communes. C’est indispen- sable surtout dans le contexte de fusion pro- chaine des Régions. Je compte aussi faire les choses autrement, plus simplement. L’idée n’est pas de mettre un coup de pied dans la fourmilière de ce qui est en place mais après une période d’observation, nous travaillerons différemment. L.P.B. : Sur le plan du projet politique, quelle sera la méthode Bouquin ? C.B. : Le budget 2015 préparé par nos pré- décesseurs étant voté, nous nous tournons déjà vers la préparation des priorités pour

Christine Bouquin est née Christine Bernard il y a 53 ans. Elle a été élue maire de Charquemont en juin 1995. Elle a été élue le 28 mars 2001 conseillère départementale du canton de Maîche. En 2015, elle se représente aux élections départementales pour le canton de Maîche. En binôme avec Serge Cagnon, elle remporte le siège de conseillère départementale face à la liste F.N. de Didier Lenfant et Élisabeth Renaud. Le 2 avril 2015, elle est élue présidente du Conseil départemental du Doubs.

C.B. : Dès la prise de fonction, on entre dans un tourbillon. J’ai commencé par un acte plus que symbolique le lendemain demon élection à la présidence en allant au cimetière de Pin sur la tom- be de Claude Girard. Ensuite, les choses s’enchaînent très vite. Pour commencer, je mets un point d’honneur à rencontrer tous les services du Conseil départemental car je compte sur la qualité des agents, à tous les niveaux. Cela me semble indis- pensable que j’aille à la ren- contre de tout le monde, 2 400 personnes travaillent dans cet- te collectivité. Il y a certes le projet politique que nous allons appliquer, mais il y a aussi, et c’est tout aussi important, l’administration tout entière sur qui je compte pour faire des pro-

“Nous avons six ans pour réussir.”

Propos recueillis par J.-F.H.

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