La Presse Bisontine 165 - Mai 2015

LE PORTRAIT

43 La Presse Bisontine n° 165 - Mai 2015

BESANÇON

Accueil des étrangers Jacques Jouët, le frère des migrants

M arie-Aimée, Gérard, Nathalie. Ils sont là ce soir. Comme tous les jours, au moins deux per- sonnes membres de l’équipe de coordination de la paroisse Sainte Jean- ne-Antide mangent dans cette salle à man- ger du quartier Palente en compagnie de la famille de migrants hébergée ici. Depuis la veille de Pâques, une maman et ses trois enfants de 20, 23 et 25 ans dorment dans ce bâtiment.Venu d’un pays des Bal- kans, ils attendent des jours meilleurs, que la France accepte d’être pour eux cet- te terre d’accueil dont ils ont tant rêvé en quittant précipitamment leur pays trou- blé. Ils sont dignes et dans leurs yeux on perçoit aisément toute la reconnaissance qu’ils doivent à ces bénévoles de la parois- se qui ont contribué à ouvrir ce nouvel abri le 9 mars dernier. Une semaine avant, la petite famille dormait dans la rue. “Je me sens ici comme à la maison” commente la plus jeune, une jolie fille de 20 ans. “Ce qu’on souhaite, c’est continuer nos études en France” ajoutent ses deux grands frères. Jeanne-Antide a ouvert ses portes à Palente. Mais que les besoins sont grands ! Membre de la petite communauté franciscaine de la Chapelle-des-Buis, le frère Jacques Jouët œuvre pour améliorer l’accueil des migrants à Besançon. Un nouvel abri de nuit créé par la paroisse Sainte

Le frère Jacques Jouët, bénévole de l’accueil. En arrière-plan, des membres de la paroisse Sainte Jeanne-Antide qui ont créé ce nouvel abri de nuit où réside une famille.

long, jusqu’à deux ans. Au bout du comp- te peut tomber la sanction-couperet : une O.Q.T.F., comme Obligation de quitter le territoire français. Témoin de l’ampleur de ce drame humain, le frère Jacques Jouët, franciscain instal- lé à la Chapelle-des-Buis, est au cœur de ce dispositif d’accueil des étrangers. Depuis son arrivée à Besançon il y a huit ans, il fréquente quasi quotidiennement la Bou- tique Jeanne-Antide rue Champrond au plus près des démunis et le Secours catho- lique. “J’ai saisi l’ampleur du phénomène il y a un an et demi, quand j’ai vu des migrants dormir dans leur voiture ou dehors. J’ai alors lancé un appel à Antoine Aumo- nier, le directeur du Secours catholique de Besançon en disant qu’on ne pouvait pas rester comme ça” se souvient Jacques Jouët. Le frère franciscain est également présent ce soir-là à Palente, aux côtés de cette famil- le. Il partage le repas avec eux et les béné- voles de Jeanne-Antide. Il engage aussi la discussion avec la famille, dans un anglais un peu hésitant, comme tous ces bénévoles.

Mais les paroles ne sont pas essentielles à la compréhension. Les siennes sont apai- santes, distillées par une voix douce, à l’image de son physique bonhomme. “Plus qu’un toit, ce qu’on offre à ces gens, c’est avant tout une relation humaine, c’est essen- tiel” note le franciscain. Frère Jacques, Breton d’origine, est arri- vé à Besançon il y a huit ans avec une mis- sion bien précise confiée par le diocèse : “Être auprès des démunis” dit-il, à l’image de François d’Assise, le fondateur de son ordre religieux. “On pourrait se découra- ger en disant qu’il y a de plus en plus de travail mais pour nous,membres de l’Église, je considère que c’est une chance parce que ça nous booste . Et une fois les barrières de la langue franchies, on voit les cœurs qui se délient. Dans un contexte où les gens ne savent plus trop où aller et se réfugient dans des votes contestataires, ils doivent pouvoir saisir que cette notion d’accueil de l’autre peut être formidable dans leur propre vie, que c’est une ressource magnifique qu’ils sous-estiment. À tel point qu’au final, on

ne sait plus qui accueille qui, tant l’échange est fort avec ces étrangers. On est là en plein dans le message que tente actuellement de faire passer l’Église, à travers la voix du pape François qui veut faire une révolu- tion en prônant l’accueil des plus petits. C’est ce renoncement de l’Église hiérar- chique qu’il nous est demandé de prati- quer” développe le frère Jacques. Une activité spirituelle et sociale, l’une nourrissant l’autre, c’est ainsi que va la vie du frère Jacques, sans prosélytisme. Il y a un troisième pilier à la vie de Jacques Jouët, aussi enraciné que les deux pre- miers, c’est la musique. Auteur d’un pre- mier album en 2011 qui a bénéficié d’un large écho, bien au-delà du cercle fermé des amateurs de musique “catho”, il vient de récidiver en sortant un second album intitulé “Libre de vivre en toi”. Là encore, il est complètement en phase avec la socié- té dans laquelle il vit et il s’implique. Tour- né vers les plus petits.

Bio express Frère Jacques Jouët, 48 ans

C’est la deuxième famille qui transite par ici. La pre- mière a pu obtenir un héber- gement par l’intermédiaire du C.A.D.A., le centre d’accueil des demandeurs d’asile, de plus en plus nom- breux à Besançon. Le dis- positif d’accueil bisontin conçu pour accueillir 300 à 400 personnes est débordé. En 2012, 700 personnes ont demandé l’asile dans la capi- tale comtoise, ils étaient 800 en 2013 et 900 en 2014 ! Pour ces personnes déraci- nées, souvent victimes de passeurs malhonnêtes, le temps d’examen de leurs dossiers peut être long, très

Franciscain depuis

“On ne sait plus qui accueille qui, tant l’échange est fort.”

1996

Membre de la communauté des franciscains de la Chapelle-des-Buis depuis septembre 2008 Bénévole à la Boutique Jeanne- Antide et au Secours catholique Musicien

J.-F.H.

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