La Presse Bisontine 163 - Mars 2015

LE PORTRAIT

43 La Presse Bisontine n° 163 - Mars 2015

BESANÇON

Une nouvelle piscine Les “enfants” de Pierre Croppet

E lle n’aime pas être mise en vedet- te dit-elle. Et ce n’est pas la fausse modestie dont usent beaucoup de gens mis à l’honneur. Humble et tout aussi fière à la fois, Lucette Croppet - 95 ans - a été unanimement saluée le 7 février dernier par les bénévoles, les sala- riés et les partenaires institutionnels du centre Pierre-Croppet qui inaugurait ce jour-là sa nouvelle piscine. L’aboutissement d’un nouveau combat pour celle qui lutte depuis plus de quarante pour que l’on trai- te à égalité les valides et les invalides. Ce combat pourtant n’était pas gagné quand au début des années soixante-dix, six mois après le décès de son époux (l’ancien chef d’entreprise spécialisé dans la boucherie), elle faisait don de 5 hectares à la Ville de Besançon, d’un terrain situé à la lisière entre Besançon et Pirey. La seule condi- tion de ce don : qu’il serve au développe- ment de la structure destinée aux handi- capés qu’avait créée quelques années auparavant le bisontin Jean-ClaudeGomet. toujours d’aussi près les actions de la fondation qui porte le nom de son époux et de leur fille. Le centre Pierre-Croppet perpétue l’action initiée par l’épouse de Pierre Croppet, alerte nonagénaire, qui suit

Jean-Jacques Démonet, président et Laurent Fauter, directeur du centre Pierre-Croppet, perpétuent l’action initiée il y a 40 ans par Pierre, Lucette et Noëlle Croppet.

cap était caché” confirme M me Croppet. La mixité, cette riche idée, semble d’ailleurs apporter encore plus aux valides qu’aux invalides. “Les gamins des écoles qui vien- nent ici sont tellement habitués à croiser des personnes handicapées qu’ils ne sont plus du tout étonnés. Et quand ils s’aperçoivent que ces personnes handica- pées font les mêmes exercices qu’eux, dans la piscine ou à cheval, il n’y a plus aucun sentiment de différence” note Laurent Fau- ter. Le centre Pierre-Croppet reste à ce jour le seul de Franche-Comté à fonctionner sur ce principe de mixité. Le centre Pierre-Croppet emploie 25 sala- riés, dont 17 permanents, le reste étant constitué des travailleurs du chantier d’insertion associé au centre. Ce sont eux qui notamment font le ramassage des déchets en ville à l’aide d’un cheval attelé ou qui entretiennent les arpents de vigne appartenant à la Ville de Besançon. Le centre Pierre-Croppet compte quelque 3 000 adhérents. Ils sont tous en quelque sorte les “enfants” de Pierre et Lucette Croppet. L’ouverture de la nouvelle piscine (elle a coûté 2,5 millions d’euros financés à hau- teur d’1,6 million par la fondation, le res- te par des aides publiques) marque une

étape de plus dans l’implication du centre Croppet en faveur du handicap. Doté de ce bassin de 20 m sur 10, l’esprit du centre reste le même : “Nous sommes ouverts à tous : au public handicapé bien sûr, mais aussi aux valides, aux scolaires, aux per- sonnes voulant faire de l’aquagym. Une équipe de water-polo vient même d’être créée” note Jean-Jacques Démonet, le président du centre qui a reçu unemédaille d’honneur de la Ville de Besançon à l’occasion de cet- te récente inauguration. En 1974, lorsque la famille Croppet lègue le terrain à la Ville, le don est assorti d’un bail emphytéotique de 66 ans. “Jem’aperçois que ce bail arrive bientôt à échéance… Il va falloir qu’on s’attaque au chantier de rénovation du centre équestre” souffle Lucet- te Croppet, étonnante d’allant et d’optimisme. Elle a déjà sa petite idée, le moment venu, quand elle ira solliciter les partenaires publics pour financer les pro- chains projets du centre : “J’ai dit aux élus présents que quand nous aurons besoin de leur aide, j’irai les voir avec la médaille qu’ils m’ont remise, autour du cou…” sou- rit-elle avec malice.

“À cette époque, l’association se heurtait à l’impossibilité d’obtenir un terrain pour développer ses activités. J’ai donc voulu que ce don soit une garantie pour l’avenir” explique aujourd’hui Lucette Croppet. La piscine qui vient d’être inaugurée por- te d’ailleurs le nom de Noëlle Croppet, la fille de Pierre et de Lucette qui s’était retrouvée lourdement handicapée après un accident de voiture alors qu’elle avait 20 ans. C’est pour elle bien sûr et pour la cause du handicap en général que M me Croppet a créé la fondation Croppet qui récemment a encore pu rendre possible la construction de ce nouveau bassin nau- tique ouvert à tous les publics. Il faut dire qu’à l’époque, peu de monde se souciait de l’avenir des personnes inva- lides. Cloîtrés à domicile, au mieux héber- gés dans des centres de réadaptation, ils n’étaient quasiment jamais en relation avec le monde des valides. “C’est ce qui fait la particularité du centre Pierre-Croppet. Depuis toujours, la mixité entre valides et invalides a été la règle ici, souligne Lau- rent Fauter, l’actuel directeur du centre. Il faudra attendre la loi de 2005 pour que la mixité soit officiellement reconnue comme la norme.” “Il y a quarante ans, le handi-

Lucette Croppet assistait avec émotion à l’inauguration de la nouvelle piscine le 7 février dernier (photo

L. Georges - C.G. 25).

J.-F.H.

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