La Presse Bisontine 163 - Mars 2015

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 163 - Mars 2015

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COLÈRE

L a présidente du Conseil régional des notaires de Franche-Comté Brigitte Racle a fait ses comptes : la réforme du notariat pourrait coûter cher en matière sociale. En appliquant les ratios sur les tarifs issus de la loi Macron, c’est une véritable saignée qui attend cette profession qui comp- te 742 salariés sur le plan régio- nal (pour 157 notaires). Rien à la valeur exprimée en actes. Un bien vendu 2 000 euros le mètre carré ici sera vendu 20 000 euros à Paris. Évidemment, les notaires parisiens voient leurs revenus gonfler proportionnellement. La réalité, cʼest quʼun notaire en région, ça peut être bien rému- néré, mais ça ne gagne pas plus quʼun bon artisan.” Selon ce sala- rié du notariat, plusieurs études notariales de Franche-Comté nʼont pas pu payer toutes leurs charges lʼan dernier. “Fatalement, quand une entreprise ne peut même plus honorer ses charges, elle fait des coupes sur ses frais de person- nel.” Solidaires des notaires installés, les collaborateurs montent éga- lement au créneau pour “com- battre les trop nombreux préju- gés qui circulent sur les notaires.” Parmi les collaborateurs des notaires, nombreux sont ceux qui gagnent moins de 1 500 euros par mois. “Nos patrons défendent leur peau et leurs études, et nous, nous défendons nos emplois” résu- me Patrick C. Au sujet de la liber- té dʼinstallation, ce dernier aurait été plutôt favorable à “multiplier le nombre de notaires au sein des études existantes. La liberté dʼinstallation contenue dans la loi est un leurre car actuellement déjà, tous les postes de nouveaux notaires créés ne sont pas pour- vus. Cʼest excessivement cher de sʼinstaller.” Notaires et collaborateurs, même combat que dans le Doubs, 123 emplois pourraient être supprimés, soit un tiers des effectifs salariés. Les proportions sont sensible- ment les mêmes dans les trois autres départements francs- comtois : 27 emplois menacés dans le Territoire-de-Belfort, 40 en Haute-Saône et 61 autres dans le Jura, soit plus de 250 au total. “Si on baisse encore nos tarifs, ces conséquences seront La profession, qu’ils soient notaires installés ou collaborateurs du notariat, est toujours vent debout contre les dispositions de la loi Macron qui pourrait avoir des consé- quences catastro- phiques sur l’emploi. Q uʼils gagnent 1 200 euros par mois, 3 500, 10 000 ou même20 000peut-êtrepour quelques-uns, les notaires et leurs salariés tiennent lemêmediscours. Cʼest toute la profession du nota- riat qui est menacée et partant, les emplois des collaborateurs. Patrick C. est collaborateur expérimenté dansuneétudenotarialedeBesan- çon. Son salaire, correct, loindʼêtre mirobolant, tourne autour de 3 500 euros par mois. Ce qui lʼexaspère, cʼest quecette loi érigée depuis Paris ne tient aucun comp- tedelaréalitédesétudesenrégions. “Ce quʼil faut réformer, ce sont les rémunérations excessives des notaires parisiens et de la Rivie- ra. Leur revenu est proportionnel Les conséquences de la loi Macron Le notariat franc-comtois

pourrait licencier 250 salariés

inévitables. Les trésoreries de la plupart des études sont déjà mises à mal par plusieurs fac- teurs, notamment la baisse de l’immobilier. Avec cette réforme, elles ne pourront plus tenir le choc” tempête M tre Brigitte Racle qui prédit d’ores et déjà “la fer- meture de certaines études déjà fragilisées.” Avec l’encadrement des tarifs, c’est à une baisse de la qualité des prestations qu’il faut s’attendre selon la présidente Racle, sachant qu’aujourd’hui en France, à peine un acte nota- rié sur 1 000 est contesté devant les tribunaux. Dans certains pays où la libre concurrence a été instaurée, le taux de judi- ciarisation des actes a grimpé en flèche, jusqu’à un sur trois. Brigitte Racle ajoute un autre argument contre la réforme. “Ce sont les notaires qui collectent, gratuitement pour l’État, nombre de taxes : droits de mutation, de succession, T.V.A., etc. Nous le faisons très bien depuis long- temps. En nous affaiblissant et en s’attaquant à la qualité de notre travail, c’est l’État qui va s’affaiblir indirectement.” Même les plus récentes avan- cées - ou les reculades c’est selon - duministreMacron sur le sujet ne calment pas la colère des notaires. “Le ministre nous annonce début février qu’il s’est trompé et que le corridor tari-

Les notaires, et leurs collaborateurs, ont déjà défilé plusieurs fois, à Paris ou à Besançon comme ici, pour faire entendre leur voix.

fuir les notaires des secteurs ruraux pour se précipiter dans les villes où l’activité est censée être la plus prolifique. Dans le Doubs actuellement, les 35 can- tons sont couverts par la pré- sence d’une étude notariale. “La réforme va créer un exode des notaires de campagne” estime le conseil régional des notaires. Depuis plusieurs semaines, ce projet de réforme a semé le trouble dans la plupart des études notariales de Franche- Comté. Certains salariés atten- dent avec angoisse de connaître leur sort. Certains notaires savent aussi que leur étude ne sera plus viable. J.-F.H.

faire est supprimé et on découvre dans la foulée qu’un seuil mini- mal et maximal a été fixé, avec des remises possibles. Qu’est-ce d’autre sinon un corridor tari- faire ? Et les remises, elles seront faites à la tête du client ? C’est une prime à l’abattage et au mauvais travail. Tout cela n’a aucun sens” ajoute M tre Racle qui dénonce “des méthodes de voyou.” Un autre volet de la réforme, tout aussi pernicieux selon les professionnels, c’est l’ouverture du capital des études notariales aux investisseurs extérieurs. La porte ouverte, selon les notaires, à tous les abus, à une course aux tarifs dangereuse qui fera

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