La Presse Bisontine 163 - Mars 2015

22 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 163 - Mars 2015

Besançon, champion de la transplantation L’équipe du professeur Didier Ducloux est spécialisée dans la greffe de rein. Elle s’intéresse particulièrement aux complications cardio-vasculaires après transplantation. Chirurgie Transplantations

P our beaucoup, c’est une renaissance. Une nouvelle vie. En Franche-Comté, un malade en attente d’une greffe de rein patiente en moyenne entre 12 et 36 mois avant d’être opéré au C.H.R.U. de Besançon. Ce délai s’est allon- gé mais les mentalités évoluent à en croire le professeur Didier Ducloux : “Beaucoup de patients viennent désormais dès la pre- mière consultation avec leur don- neur qui est un frère, une sœur, leur père, leur conjoint. Cela révolutionne la façon d’envisager la transplantation car une gref- fe de rein à partir d’un donneur vivant augmente la survie du greffon et raccourcit le délai d’attente. Cela ouvre la trans- plantation à un plus grand nombre” commente le néphro- logue qui dirige une équipe cli- nique composée de 9 médecins et de 15 chercheurs à l’hôpital Minjoz. Entretien. La Presse Bisontine : Le C.H.R.U. de Besançon s’est forgé une renommée en matière de transplantation du rein. D’où vient-elle ? Didier Ducloux (Professeur de méde- cine, porteur de l’axe transplantation du Centre d’investigation clinique et coordonnateur du Fédération Hospi- talière Universitaire des maladies inflammatoires) : Il existe à Besan- çon une histoire car la premiè- re transplantation d’un rein a eu lieu dans les années soixan- te-dix. Nous avons fêté la 1 000ème il y a quelques années. Actuellement, entre 650 et 750 transplantés rénaux sont régu- lièrement suivis à Besançon. L.P.B. : Vos recherches s’intéressent particulièrement aux complications cardio-vasculaires après transplan- tation. Cela veut-il dire que la méde- cine doit encore progresser dans ce domaine car les rechutes sont nom-

La transplantation du rein, une spécialité bisontine.

patients de différents centres hospitaliers de l’inter-région. En plus des données cliniques, nous possédons une collection biologique qui nous a permis d’identifier les potentiels risques de rejets ou risques cardiovas- culaires chez les patients trans- plantés. Notre thématique est de rechercher des biomarqueurs. Le but est d’identifier chez des patients des particularités bio- logiques qui vont être prédic- tives des complications qui pour- ront survenir pendant la greffe et d’individualiser les traite- ments. Si par exemple nous découvrons un biomarqueur associé à un risque accru de rejet, nous allons pouvoir alors dire que ce patient a besoin d’une immuno-supression plus impor- tante. L.P.B. : Combien de personnes soi- gnez-vous enmoyenne par an à Besan- çon ? D.D. : Nous faisons 50 greffes par an. Au regard de la population franc-comtoise, c’est très impor- tant. Nous sommes dans les cinq

régions qui transplantons le plus. Et lorsque nous regardons la part de transplantés par rap- port au nombre de dialysés, nous sommes la deuxième région de France avec aujourd’hui plus de transplantés que de dialy- sés. L.P.B. :Vos résultats post-opératoires sont-ils comparables aux autres centres hospitaliers français ? D.D. : Depuis 10 ans, l’agence de biomédecine publie des résul- tats sur les équipes. Toutes ont des résultats quasi-équivalents. Nous sommes de notre côté en tête de peloton. L.P.B. : Votre équipe a également démontré un lien entre cancer post- greffe et vitamine D. Expliquez-nous ? D.D. : Effectivement, nous avons montré qu’il existe une relation entre le déficit de vitamine D et la survenue du cancer post- greffe. Au-delà de ses proprié- tés sur l’os, cette vitamine joue un rôle protecteur vis-à-vis de certains cancers. Propos recueillis par E.Ch.

breuses ? D.D. : La transplantation réna- le a fait d’énormes progrès. Aujourd’hui,moins de 5 patients sur 100 ont un échec précoce de la greffe dans la première année. À plus long terme, l’espérance de vie de la greffe est de 14 ans lorsque l’on reçoit un rein d’un patient décédé. Si le rein vient d’un donneur vivant, c’est 20 ans de survie en moyenne. En

2015, on peut esti- mer que 25 % des greffes se feront à partir d’un don- neur vivant à Besançon alors que ce chiffre n’était encore que de 10 %. Les patients sont mieux informés. L.P.B. : L’étude pros- pective menée par votre équipe obtient- elle des résultats ? D.D. : Cette étude regroupe 850

“La cinquième région où l’on transplante le plus.”

Le professeur Didier Ducloux et ses équipes réalisent en moyenne 50 greffes par an.

Parasite Une trentaine de cas par an Besançon, référence mondiale pour l’échinococcose Le C.H.R.U. Minjoz Besançon abrite un des rares centres nationaux de réfé- rence (C.N.R.) qui ne soit pas hébergé à l’institut Pasteur à Paris. Laurence Millon dirige le service qui traque notamment l’échinococcose alvéolaire.

L’ échinococcose alvéo- laire, cette maladie parasitaire qui ronge le foie à la manière d’un cancer à marche lente, est une maladie rare, mais qui n’est pas en voie de disparition, au contraire. Elle progresse lente- ment. Chaque année désormais une trentaine de patients sont détectés en France, porteurs de ce parasite transmis via les déjec- tions des renards infectés, contre une quinzaine de cas il y a une vingtaine d’années. Particula- rité de l’échinococcose alvéolai- re : la moitié des cas signalés au plan national sont localisés en Franche-Comté. Et dans cer- taines zones de notre région, on estime que 50 % des renards sont infectés par le parasite. “Dans 70 % des cas, l’échinococcose est localisée dans

les départements de Franche- Comté, dans les Vosges ou en Haute-Savoie. La maladie est aussi liée au climat” note Lau- renceMillon, professeur de para- sitologie et grande spécialiste de cette maladie qui détruit pro- gressivement le foie. Un médi- cament existe désormais, mais

diagnostics permet de pouvoir enlever des petites parties du foie sans recourir forcément à une greffe.” Fort de l’expérience bisontine enmatière d’échinococcose alvéo- laire, le C.H.R.U. de Besançon est devenu centre national de référence (C.N.R.) pour cette maladie. Il y a 47 C.N.R. en Fran- ce, agréés par l’institut de veille sanitaire, la plupart étant cen- tralisés à Paris. Besançon comp- te parmi les exceptions fran- çaises. “En tant que C.N.R., nous avons quatre missions poursuit Laurence Millon. Une mission de surveillance pour connaître le nombre de cas qui survien- nent chaque année en France, une mission d’expertise biolo- gique pour mieux connaître le parasite, une mission d’information au grand public

qui ne fait que limi- ter le développe- ment du parasite dans le foie, qui ne guérit donc pas de l’échinococcose. La solution ultime en cas de maladie avancée, c’est la greffe du foie dont Besançon s’est fait une spécialité il y a plusieurs décen- nies déjà. “Aujour- d’hui, le progrès des

Professeur de parasitologie, Laurence Millon est chef du service bactériologie et parasitologie du C.H.R.U.

Un traitement inspiré de la médecine chinoise.

tenter de faire avancer la recherche et viser à soigner la maladie dont le nombre de cas trop limité intéresse peu l’industrie pharmaceutique, l’équipe du Professeur Millon s’apprête à tester un traitement à base de molécules de la méde- cine traditionnelle chinoise. J.-F.H.

et une mission d’alerte en cas d’épidémie.” En mars dernier, la C.H.R.U. organisait un colloque interna- tional sur le sujet qui a mobili- sé 160 participants venus de 28 pays des cinq continents. “En avril prochain, nous aurons à Besançon une rencontre avec nos pays voisins (Suisse, Alle-

magne…) où seront invités des collègues d’Europe Centrale et des Pays Baltes, puisque ce sont des pays qui ont un climat sem- blable au nôtre et donc poten- tiellement favorable à la mala- die” ajoute la spécialiste dont le service est en train d’organiser un registre européen des cas d’échinococcose alvéolaire. Pour

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