La Presse Bisontine 162 - Février 2015

BESANÇON 18

La Presse Bisontine n° 162 - Février 2015

SOCIAL Veille hivernale Réduits à dormir dans des voitures À Besançon, des demandeurs d’asile dormaient début janvier dans leur véhicule quai de Strasbourg. Manque de place ? Trop d’arrivées ? Sur le terrain, la situation se tend.

20 personnes dorment dans rue, dont cer- tains dans leurs voi- tures, quai de Strasbourg à Besançon (photo D.R.).

Les phrases-clés des élus Conseil municipal du 11 décembre 2014 Le replay du conseil Jacques Grosperrin , leader de l’opposition, rappelle le mauvais classement de Besançon dans les villes accessibles aux handicapés : “M. Fousseret, je veux juste rappeler que Besançon est à la 48 ème place nationale. Je ne veux pas être désagréable avec vous, surtout en ces périodes de fêtes, mais je tenais juste à vous le rappeler.” Réponse de Jean-Louis Fousseret : “Soyez naturels, comme toujours…” Le maire à propos de l’augmentation des tarifs de stationnement ose cette phrase : “Nous sommes très peu chers par rapport à d’autres villes.” Il poursuit : “C’est sans doute un tort de ne pas avoir régulièrement augmenté nos tarifs. On a voulu trop bien faire jusque-là, on est pénalisés aujourd’hui.” Philippe Gonon (U.D.I.) en remet une couche : “Vous n’y êtes pas allés de main morte avec cette hausse massive et brutale des tarifs. 20 % déjà en 2010 pour les parkings, 60 % pour la carte Diabolo, 17 % pour les parkings cette fois- ci… De combien a augmenté le S.M.I.C. : 1 % Et les retraites ? 0 %. Cette équipe est à ce point déconnectée de la vie des Bisontins ? Toutes ces décisions conduisent au déclin programmé du centre-ville.” Réaction de M. Fousseret : “Tout ce qui est excessif est insignifiant. Nous sommes dans une période où l’ensemble de nos concitoyens savent qu’ils doivent faire des efforts.” Nouvelle passe d’armes entre Gonon et Fousseret au sujet des Passages Pasteur dont l’élu U.D.I. dénonce les délais interminables : “Vous êtes certainement un magicien M. Gonon, qui peut s’abstraire du plan de prévention des inondations, des contraintes archéologiques. Vous êtes bien plus fort que tout le monde hein ?” Marie Zehaf, adjointe à la voirie : “Avant à Chamars, il y avait 800 places gratuites, elles étaient toujours occupées. Aujourd’hui, avec 352 places payantes, il y a toujours de la place !” Rires sarcastiques de l’opposition. Pascal Bonnet (U.M.P.) sur ce sujet : “Vous voulez enfin reprendre notre idée de stationnement intelligent qu’on proposait dans notre programme électoral. Je vois que vous avez de bonnes sources !” Jean-Louis Fousseret : “On ne peut pas tout faire gratos ! La gratuité, à un moment donné, il y a toujours quelqu’un qui la paye.” L’adjoint Michel Loyat au sujet de l’augmentation des tarifs des transports en commun : “C’est en grande partie lié à l’augmentation de la T.V.A. décidée par le gouvernement. Certes la T.V.A. est un impôt récent si on la compare à la gabelle. Mais c’est un impôt déjà installé depuis quelque temps dans le paysage, et je suis surpris que certains ici n’aient pas encore compris son mécanisme.” Ludovic Fagaut (opposition) au sujet du prix des cantines : “Besançon est de loin la ville de sa catégorie où le ticket de cantine est le plus cher. Cette augmentation des tarifs n’est-elle pas une manière déguisée de faire payer la réforme des rythmes scolaires aux Bisontins ? La méthode est mauvaise, démodée et contre-productive.” Réaction du maire : “D’ici le mois de mars, je m’attends M. Fagaut à ce que vous transformiez cette assemblée en tribune pour les élections cantonales.” Ludovic Fagaut : “C’est petit comme réaction.” Jacques Grosperrin sur le comportement des cyclistes en ville, n’y va pas par quatre chemins : “Qu’on mette des amendes à tous ces cyclistes qui grillent des feux et qui posent leurs vélos partout dans la ville !” Réponse du maire : “M. Grosperrin, vous revenez à vos vieux démons d’opposer les catégories les unes aux autres. Que l’on soit cycliste ou automobiliste, on doit respecter la loi, point.” Jacques Grosperrin : “À vous entendre, c’est un peu comme la comtesse de Ségur : après la pluie, le beau temps.” Petit moment de nostalgie du maire à l’évocation de Jean Rosselot , le précédent leader de la droite. Jean-Louis Fousseret : “Ce n’est pas qu’il me manque, mais… il disait souvent des choses très intéressantes, c’est vrai…”

A u Kosovo, les parents d’Arlind et Irmane, 19 et 20 ans, tenaient un commerce. Comme beaucoup de leurs compatriotes, ils ont fui un lieu gangrené par la violence et la corruption et ont atterri à Besançon. “Ils y arri- vent, pour beaucoup, la boule au ventre”témoigne Stéphane Soso- lic, président de laBoutique Jean- ne-AntideàBesançonqui accueille chaque jour les réfugiés. Pour- quoi sont-ils arrivés Besançon ? “On n’en sait rien” dit le fils cadet dont les parents ont vendu leurs biens pour migrer et se réfugier dans une “terre d’accueil.” La famille a déboursé 4 000 euros par personne à des passeurs. “Aujourd’hui,moi etma sœur dor- mons dehors, dans une voiture quemonpère aachetée.Avec nous, il y a deux autres personnes car eux non plus n’ont pas de lieu pour dormir” témoigne Arlind qui comprend le français. Lui et sa sœur ne sont pas les seuls dans ce cas à Besançon. “20 personnes dorment depuis décembre dans Zoom Le département du Doubs dis- pose dʼenviron 350 places dʼurgence (dont 44 places nou- velles). Lʼancienne maternité Saint-Jacques est toujours ouverte. À ce chiffre sʼajoutent 223 places en logement tem- poraire, 962 en résidences sociales, 87 en maisons-relais et 259 en réinsertion sociale.

grossi finnovembre avec une cen- taine de demandeurs parmi les- quels 90 % sont originaires du Kosovo.Des places en structures hôtelières ont été activées. Visi- blement pas suffisantes. Interrogée sur le cas de ces indi- vidus dormant à la belle étoile, dont certains étaient âgés de 9 ans, la préfecture botte - légère- ment - en touche : “La préfectu- re a eu connaissance de la pré- sence de personnes sur le quai de Strasbourg, elle les a invitées à se faire connaître du 115 afin que leur soit proposée une solution d’hébergement au plus vite comp- te tenu de la période hivernale.” Ce qu’elles ont fait : “Mais quand onappelle le 115,onnous dit qu’il n’y a plus de places !” déclare un jeuneAlbanais,venuavec sa peti- te amie. Toute la difficulté de l’accueil, résume le sous-préfet, “est de ne pas laisser les demandeurs d’asile à la ruemais sans non plus créer unappel d’air” qui ferait deBesan- çon un lieu d’accueil privilégié. Faux débat pourThierryLebeau- pin, qui défend les réfugiés : “Ces personnes ne viennent pas par plaisir.Il faut combattre à la sour- ce les mafias” dit-il. Deux asso- ciations ont co-signé un commu- niqué dans lequel elles dénoncent “que pour lapremière fois àBesan- çon, les institutions responsables de l’accueil desdemandeursd’asile ont décidéd’exclure certainsd’entre eux du plus élémentaires des droits : celui de manger.”

des voitures sur le quai de Strasbourg à Besançon. Il y a un véritable manqued’humanité de l’État qui a l’obligationde trou- ver un lieu d’hébergement pour ces réfugiés, décla- reThierry Lebeau- pin,membre du col- lectif de défense des droits et libertés des étrangers

“Un manque d’humanité de l’État.”

(C.D.D.L.E.) à Besançon. L’État dit qu’il n’y a plus d’argent :bien- tôt, il nous dira qu’il n’y a plus d’argent pour l’emploi, la santé.” C’est un Bisontin, qui veut res- ter anonyme, qui a alerté le pre- mier sur cet afflux de population mi-décembre. “En 2015,enFran- ce, on peut mourir de froid dans la rue” lâche-t-il désabusé. Ces populations sont néanmoins identifiéespar les services sociaux. “Il y a une réunion une fois par semaine des acteurs (associations, État,collectivités).Cela fonctionne assez bien et c’est un point fort du Doubs” dit Jean-Philippe Setbon, le nouveau secrétaire général de la préfecture venu visiter le 31 décembre la Boutique Jean- ne-Antide, structure d’accueil de jour située quai de Strasbourg. “Il y a deux ans, 30 000 repas étaient distribués à l’année ici. Nous en sommes à 80 000 aujour- d’hui” déclare Stéphane Sosolic, le président de la Boutique. Après une baisse d’arrivées des demandeurs d’asile, le “flux” a

E.Ch.

Un groupe de réfugiés qui dort dans la rue mais qui bénéfice de l’accueil de jour du S.A.A.S.

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