La Presse Bisontine 162 - Février 2015

BESANÇON 12

La Presse Bisontine n° 162 - Février 2015

SOCIÉTÉ

Les 250 ans de la première loge Les francs-maçons bisontins lèvent une partie du voile

Besançon est une des premières villes maçonniques de France. 250 ans après la création de la première loge dans la capitale comtoise, comment se porte la franc-maçonnerie, combien compte-t-elle de membres ? Éléments de réponse et colloque public le 24 janvier.

L a franc-maçonnerie bisontine lève une partie du voile. La sor- tie récente en librairie d’un ouvra- ge intitulé “250 ans de franc- maçonnerie à Besançon” (éditions du Belvédère) permet de comprendre la longue évolution des loges maçonniques dans la capitale comtoise. Besançon compte aujourd’hui treize loges diffé- rentes qui regroupent au total 370 francs-maçons. La première, la loge Sincérité (qui fait l’objet de ce livre) remonte donc à 1764 selon les premiers documents officiels, la der- nière a été créée très récemment, en 2012. Baptisée “Noli me tangere”, elle est de l’obédience de l’ordre initiatique et traditionnel de l’Art royal. Il semble que la franc-maçonnerie reprenne une certaine vigueur depuis quelques années. Depuis 1998, six nou- velles loges ont ouvert leurs portes à Besançon : la loge “Pierre-Joseph Proud- hon” en 1998, la loge “Lumière et sym- Le programme des commémorations U n colloque ouvert au public se tiendra toute la journée du samedi 24 janvier au Kursaal à Besançon, à partir de 9 heures, sur le thème de la permanence de lʼesprit de la franc-maçonnerie, avec notamment lʼintervention en fin dʼaprès-midi de Daniel Keller, le grand maître du Grand Orient de France. Le lendemain, une grande tenue solennelle, cette fois-ci réser- vée aux seuls francs-maçons, se tiendra également au Kursaal.

bolisme” et la loge Montségur en 2000, la loge “Chemin d’humanité” en 2004, la loge “Sincérité 1780/467” en 2009 et donc la loge “Noli me tangere” en 2012. Toutes ont établi leur quartier général au centre-ville, dans un bâti- ment qui fait l’angle entre la rue Émi- le-Zola et la rue du Lycée, qui abritait autrefois la chapelle des Antonins. À tour de rôle, elles partagent ces locaux disposant de deux temples, répartis sur deux étages, entièrement rénovés il y a deux ans. À cette occasion, la principale loge bisontine, “Sincérité, parfaite union et constante amitié réunies”, ou S.P.U.C.A.R., a déposé l’intégralité de ses archives à la biblio- thèque municipale de Besançon,“consul- tables sur demande” précise Jean-Clau- de Fontaine, président du cercle patrimonial du Grand Orient de Fran- ce à Besançon. Avec la sortie de ce livre, le dépôt de ses archives dans une bibliothèque municipale, la franc-maçonnerie pour- suit son ouverture sur l’extérieur. Cer- taines loges bisontines sont mixtes et la plupart recrutent des jeunes. “À S.P.U.C.A.R., nous avons une recru-

descence de candidats jeunes. 6 ou 7 appren- tis ont moins de 30 ans, le plus jeune a 22 ans” note Jean-Jacques Werthe, membre de la loge. En ces périodes troublées où l’individualisme règne en maître, entrer en maçonnerie est “une façon de trouver autre chose, des relations plus profondes, une maniè- re d’accéder à une élé- vation personnelle.” Pour

Treize loges différentes à Besançon.

La franc-maçonnerie (ici le temple de la rue Zola) compte 370 membres à Besançon.

d’autres, devenir franc-maçon, c’est aussi “pour fréquenter d’autres milieux, sortir de sonmilieu professionnel, avoir une lumière différente sur la société.” Les loges (sauf quelques-unes qui res- tent campées sur leurs traditions) s’ouvrent également de plus en plus aux femmes. À Besançon, on compte environ 80 femmes maçonnes (voir l’article ci-dessous). Le délai minimal

pour intégrer une loge à Besançon est de six mois. “Actuellement, nous avons deux personnes en attente” note M. Fon- taine. Reste la question du secret qui entou- re l’identité et les activités des francs- maçons. Si beaucoup de fantasmes tournent encore autour de ces ques- tions, le secret se justifierait aujour- d’hui car être franc-maçon, “ça peut

être encore mal vu, donc préjudiciable dans certaines entreprises ou milieux professionnels” indique ce franc-maçon bisontin. Le colloque organisé par les francs-maçons bisontins le 24 janvier donnera d’autres clés de compréhen- sion à ceux, nombreux, qui se posent encore beaucoup de questions sur le sujet. J.-F.H.

TÉMOIGNAGE La franc-maçonnerie au féminin “C’est un très bon outil de réflexion et de compréhension de la vie” La Bisontine Nicole Picart appartient à une loge mixte depuis 25 ans. Pour elle, la franc-maçonnerie est avant tout un moyen de progresser au contact des autres. Témoignage.

maçons, c’est aussi de s’engager dans la société, en terme asso- ciatif notamment, ou politique. Dans mon travail aussi, je m’efforce de porter ces valeurs que l’on travaille en loge. L.P.B. : Tout le monde peut intégrer une loge ? N.P. : Bien sûr. Il faut avoir un certain bagage intellectuel, c’est sûr, mais tout le monde est sus- ceptible de pouvoir devenir franc- maçon. Les travaux que l’on y mène sont toutefois exigeants. Dans une tenue régulière, il y

ou de sacrifices…

L.P.B. : Concrètement, que vous appor- te votre appartenance à une loge maçonnique ? N.P. : Au bout de quelques années, on se dit qu’on a évolué. On s’enrichit du travail des autres et on acquiert une vraie ouver- ture d’esprit. Ce n’est pas quelque chose qui est indis- pensable a priori , mais quand on y va, on y va toujours avec plaisir et on en ressort grandi. En somme, c’est une société en petit qui évolue avec ses diffé- rences. L.P.B. :Finalement,où se situe le fameux secret des francs-maçons ? N.P. : Il n’y a pas de réel secret. Le secret maçonnique, c’est le vécu et ce qu’on vit, ça ne se transmet pas avec des mots. Au sein des loges, il y a des moments de chaleur humaine réels, avec des gens qui rayonnent de fra- ternité. On y fait de belles ren- contres, personne ne vient là pour se donner en spectacle. On y débat avec retenue, dans le respect. C’est l’inverse d’une dis- cussion de comptoir. Propos recueillis par J.-F.H.

L a Presse Bisontine : À quelle loge maçonnique bisontine apparte- nez-vous ? Nicole Picart : La loge “Chemin d’humanité” créée enmars 2004. Elle est de l’obédience “le droit humain”, la première obédien- ce mixte créée à la fin du XIX è- me siècle. J’avais été initiée dans une autre loge du droit humain il y a 25 ans, la loge “Déméter”. Cette dernière a essaimé en 2004 car elle comprenait trop de maçons, et nous avons créé la loge “Chemin d’humanité”. Nous sommes une bonne trentaine dans cette loge composée d’environ deux tiers de femmes et d’un tiers d’hommes. L.P.B. : Pourquoi avoir voulu devenir franc-maçon ? N.P. : Mon ex-mari avait été ini-

tié au début des années quatre- vingt. Mais à cette époque, je n’avais pas le temps de l’engager. C’est en arrivant sur Besançon, connaissant un ami franc-maçon, que j’ai fait la demande. Quand on devient franc-maçon, on est à la recherche d’un groupe sans jugement et sans étiquette poli- tique ou confessionnelle, un grou- pe dans lequel on peut s’exprimer librement, dans lequel on peut réfléchir avec d’autres, sans a priori . C’est un très bon outil de réflexion et de compréhension de la vie. Chacun y trouve ce qu’il vient y chercher. L.P.B. : Et pourquoi avoir choisi une loge mixte et non 100 % féminine ? N.P. : Professionnellement, j’ai toujours travaillé en mixité. On peut très bien travailler avec

des hommes et des femmes très naturellement, sans différences. La franc-maçonnerie est une réflexion sur soi et une ouver- ture sur le monde. C’est bien l’homme et la femme ensemble qui vont tendre vers le progrès, et pas chacun de son côté. Et la féminisation des loges est iné- luctable. On ne peut pas lais- ser la moitié de l’humanité de côté. L.P.B. : La franc-maçonnerie, c’est quoi au juste : un réseau d’influence, un cercle de réflexion ? Comment se déroulent les tenues ? N.P. : Quand on parle d’influence, c’est l’influence des personnes sur soi par rapport à tout ce que les autres peuvent nous appor- ter et qui fait qu’on progresse. Chacun de nous est chargé de

travailler au moins une ques- tion sociale par an sur des sujets de société qui nous intéressent. Cette année, le thème de réflexion commun à toutes les loges du droit humain, c’est de tenter d’expliquer la montée de l’abstention dans les différentes élections. Chaque loge travaille en commission, puis ensuite au niveau de la loge, puis sur le plan régional et tout remonte au plan national et l’obédience en fait une synthèse qu’elle com- munique à la presse. Les sujets que l’on aborde traitent des valeurs républicaines, de la laï- cité, de l’égalité hommes-femmes, etc. On peut parler de religion, mais jamais de manière parti- sane ou dogmatique. Parallèle- ment à nos travaux en loges, ce qui est demandé aux francs-

a au moins ce qu’on appelle une “planche”, c’est-à-dire un exposé d’un frè- re ou d’une sœur qui ont travaillé sur un sujet. Il y a aus- si des planches sur les symboles maçonniques, qui permettent aussi de se construire soi. Pour ceux qui le croient encore, il n’y a pas de messes noires

“Il n’y a pas de messes noires ou de sacrifices…”

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