La Presse Bisontine 160 - Décembre 2014

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 160 - Décembre 2014 36

FISCALITÉ

Un quart des recettes départementales

Les frontaliers sont les plus

gros contribuables du Doubs

D ans le Haut-Doubs, les recettes fiscales générées par le prélève- ment de l’impôt sur le revenu sont hors normes. C’est la consé- quence d’un nombre important de contri- buables qui sont domiciliés en France mais qui travaillent en Suisse. À cause d’un rapport monétaire franc suisse- euro qui leur est favorable, les fronta- liers ont des revenus plus élevés que la moyenne des Français et qui ne passent pas inaperçus au moment d’être tami- sés par le service des impôts. Les chiffres fournis par la Direction Régionale des Finances Publiques du Doubs sont élo- quents. “Dans ce département, le reve- nu moyen par foyer fiscal est de 26 000 euros. Mais il y a de grandes dis- parités d’un secteur à l’autre. Dans le détail, on remarque que ce revenu est de 23 300 euros dans le pays de Montbé- liard et de 24 100 euros à Besançon. En revanche, il atteint 30 600 euros sur Pon- tarlier et Morteau. À ce niveau-là, on s’approche des revenus de la banlieue parisienne” observe Jean-Christophe Royer, directeur du pôle fiscal de la DRFiP du Doubs. Il ne fait aucun doute à ses yeux que l’influence des revenus des travailleurs frontaliers est considérable dans ce constat. Le Haut-Doubs reste une zone rurale certes, mais une zone rurale dorée Dans le Haut-Doubs, le résultat de la collecte des impôts sur le revenu atteint 128 millions d’euros ! Une somme exceptionnelle pour un territoire rural, mais qui s’explique par le nombre de travailleurs frontaliers qui sont de précieux contribu- teurs aux finances de l’État.

où vivent de précieux contributeurs aux finances de l’État. Preuve encore s’il en fallait de cette réalité, le montant total des impositions s’élève dans la région de Pontarlier à 75 millions d’euros envi- ron. Dans le secteur de Morteau cette fois, il avoisine les 53 millions d’euros. Au final, ces deux secteurs confondus représentent plus d’un quart du mon- tant total des impositions dans le Doubs qui est de 486 millions d’euros. Sur l’ensemble de la bande frontalière, les contribuables sont aussi plus nom- breux que la moyenne départementa- le et nationale à payer des impôts. Cela donne à la fois une indication sur le niveau de revenu des ménages et le niveau d’activité de ce territoire où le taux de chômage reste inférieur à la moyenne nationale (entre 7 et 7,5 % à Pontarlier et entre 5 et 6 % à Morteau). “Dans le Doubs, il y a près de 290 000 foyers fiscaux dont 58 % sont imposés. C’est plus que la moyenne nationale puisqu’en France, 53 % des foyers paient des impôts” poursuit Jean-Christophe Royer. Là encore, le Haut-Doubs fait

Jean- Christophe Royer, directeur des services fiscaux du

Doubs : “Dans le Haut-Doubs, on s’approche des revenus de la banlieue parisienne.” (photo archive L.P.B.).

figure d’exception : 63 % des foyers fiscaux sont imposés à Pontarlier et 67 % à Morteau ! 20 500 foyers fiscaux paient donc des impôts sur la région de Pon- tarlier qui en compte 32 500. Ils sont 12 500 dans la région de Morteau sur un ensemble de 18 500. “Sur les 50 000 contribuables qui sont dans le Haut-Doubs, on estime que la moitié environ sont des travailleurs fron- taliers” précise encore Jean- Christophe Royer. Jamais selon la DGFiP, ces chiffres n’avaient été aussi élevés, malgré le léger ralentisse- ment économique qui

Un revenu moyen à 30 600 euros.

s’amorce en Suisse. “Nous sommes sur le haut de la vague, ce qui a pour effet de générer des tensions sur le marché de l’immobilier entre autres.” Le traitement des frontaliers occupe désormais une grande partie du temps des services fis- caux du Doubs chargés de recouvrir l’impôt sur le revenu. T.C.

ÉTUDE Salaire mensuel

50 % des frontaliers gagnent 4 000 euros et plus Un rapport d’État indique que les frontaliers perçoivent en moyenne un salaire 2,5 fois supérieur à celui des salariés français dans les départements limitrophes à la Suisse.

VERSEMENT

Un jackpot pour la Suisse

D ans son rapport publié en juillet 2013 sur l’assurance-maladie des travailleurs frontaliers, la mis- sion I.G.A.S.-I.G.F. (Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale des finances), observe que les tra- vailleurs frontaliers des six départements frontaliers “gagnent en moyenne 2,5 fois plus que les autres salariés de ces mêmes départements.” À partir des données commu- niquées par la Direction géné- rale des finances publiques, elle a pu comparer les salaires moyens des travailleurs fron- taliers résidant en France avec ceux perçus par les salariés de

La France passe à la caisse pour les frontaliers À la fin de l’été, la France a versé 292 millions de francs suisses à la Suisse. Quelques mois plus tôt, elle avait déjà fait un chèque de 276 millions de francs à nos voisins helvètes au nom d’un accord signé en 1983 relatif à l’imposition des travailleurs frontaliers.

ces mêmes départements qui regroupent 98 % de la popula- tion franco-suisse frontalière. Il ressort de l’étude que le reve- nu moyen annuel est de “53 988 euros pour les premiers contre 20 122 euros pour les seconds. Cet écart très signifi- catif peut même être plus impor- tant, notamment sur les dépar- tements de l’Ain où les frontaliers gagnent plus de trois fois le salai- re moyen du travailleur en Fran- ce sur ce même département.” Alors que 6 % des salariés en France gagnent un salaire men- suel de plus de 4 000 euros, ils sont en moyenne 50 % des sala- riés frontaliers à percevoir un salaire aussi élevé.

U n accord de 1983 signé entre la France et la Suis- se prévoit que les tra- vailleurs frontaliers soient imposés dans leur pays de rési- dence. En échange, la France est engagée à reverser chaque année une compensation finan- cière à la Confédération Hel- vétique au nom des huit can- tons signataires de l’accord en question (Soleure, Berne, Neu- châtel, Vaud, Jura,Valais, Bâle- Ville et Bâle-Campagne). En quelque sorte, la France dédommage la Suisse pour l’utilisation et l’entretien des infrastructures routières par exemple. Cette redevance cor- respond à 4,5 % de la masse totale des rémunérations

brutes annuelles des tra- vailleurs frontaliers ! Au bout du compte, cela représente un joli pactole pour nos voisins helvètes : 276millions de francs suisses (224 millions d’euros)

cette somme ce qui n’avait pas manqué d’agacer les autorités helvétiques. Pendant que Paris rechigne à régler l’ardoise, Berne se frot- te les mains. Il y a de quoi. Au nomde cet accord qui surprend dans un contexte fiscal tendu en France, plus le nombre de frontaliers augmente et plus “la rente” est importante pour la Suisse. Entre 2002 et 2012, le nombre de frontaliers qui vivent en France et travaillent en Suisse sur l’Arc jurassien a doublé ! En 2013, le compteur de la redevance a encore grimpé de quelques millions, mais cette fois la France a réglé la fac- ture sans trop sourciller. Pour-

tant, il s’agissait de s’acquitter d’une dette de 292 millions de francs suisses (240 millions d’euros). C’est 16 millions de francs suisses de plus que l’année précédente. La rétro- cession pour le canton deVaud signataire de l’accord de 1983 est coquette : 93 millions de francs suisses pour les Vau- dois, soit une augmentation de 9 millions par rapport à 2012. Le jackpot ! Heureusement peut-être pour la France, ce dispositif spéci- fique n’est pas généralisé en Suisse. Il coexiste avec un autre système fiscal appliqué dans les 18 autres cantons qui impo- sent les frontaliers à la sour- ce.

en 2012, dont 80 millions sont tombés directe- ment dans l’escarcelle du canton de Vaud où travaillent près de 23 000 frontaliers. À l’époque, Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, avait d’ailleurs tardé à payer

Salaires annuels moyens des frontaliers et des autres salariés dans les six principaux départements frontaliers

93 millions de francs suisses pour Vaud.

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