La Presse Bisontine 160 - Décembre 2014

22 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 160 - Décembre 2014

Accueil de jour

La Boutique Jeanne-Antide

La grande misère a son adresse C’est au 3, rue Champrond que la Boutique Jeanne-Antide accueille en journée les sans domicile et les paumés de la vie. Ils y trouvent de quoi manger chaud, nouer du lien et tenter de trouver des issues plus heureuses.

L’ ambiance est plutôt détendue en cette jour- née pluvieuse de novembre. Certains regardent sans trop d’intérêt une émission à la télé tandis que d’autres boivent leur café en silen- ce. Plus loin, rassemblées autour d’une table, des jeunes gens dis- cutent à voix basse. Le repas est terminé, quelques-uns laissent couler le temps doucement, ils ne sauraient pas où aller ailleurs, d’autres plus pressés retournent à leurs vacations quotidiennes dans la rue. Née de la fusion en 2006 du Fourneau économique tenu par les sœurs de la Chari- té et de la Boutique qui était ins- tallée avenue Cusenier, la Bou- tique Jeanne-Antide aéludomicile au 3, rue Champrond à deux pas du quai de Strasbourg. Ici sont réunies les deux activités d’accueil de jour et de restauration socia- le. C’est le seul lieu d’accueil pour les personnes précaires à Besan- çon. Les gens y viennent spon- tanément, ou ils y sont envoyés par les services sociaux ou l’abri de nuit des Glacis. Plus qu’un repas chaud ou un café, que le petit-déjeuner, la douche ou un service de laverie, la Boutique Jeanne-Antide ten-

te d’apporter à ces sans-abri une autre forme de réconfort avec les animations que les salariés de la Boutique mettent en place. “Nous avons tout un volet ani- mations, indique Philippe Petit- pas, le directeur de l’association. Nous nouons des partenariats avec des institutions comme le musée des beaux-arts par exemple qui permettent aux précaires de s’exprimer artistiquement.” Pour preuve, les étonnantes toiles accrochées au mur d’une des salles de la Boutique, signées Olivier Leblond, un “pension- naire” régulier du 3, rue Cham- prond. Chaque année, fin

35 000 repas et 20 100 petits- déjeuners servis en un an.

La Boutique Jeanne-Antide est ouverte tous les jours de l’année.

décembre, la Bou- tique met sur pied un festival de musique salle Bat- tant dans lequel les sans-abri mélo- manes peuvent s’exprimer. “Le pro- chain aura lieu le 26 décembre.” Des intervenants extérieurs liés à la santé interviennent également ici :asso- ciation Soléa pour les addictions, le

centre de prévention de l’alcoolisme, Aides, un médecin, un vétérinaire tous les quinze jours, etc. “Des bénévoles animent un atelier d’écriture.” Au total, une vingtaine de salariés et une vingtaine de bénévoles font“tour- ner” la Boutique. Tous les midis, une centaine de repas sont servis aux personnes accueillies, plus une trentaine le soir. En 2013, la Boutique Jean- ne-Antide a accueilli 2 571 per- sonnes, soit au total 62 525 pas-

sages. “Nous avons servi en un an 35 000 repas et 20 100 petits- déjeuners” détaille Philippe Petit- pas. 70%des personnes accueillies sont des hommes. Pour l’année 2014, plusieurs constats : “Une augmentation des personnes de plus de 60 ans, et parmi eux, de plus en plus de retraités avec des petites res- sources, ainsi qu’une augmenta- tion des jeunes de moins de 25 ans qui n’ont pas de boulot, qui ne perçoivent pas le R.S.A. et qui

sont en rupture familiale” ana- lyse Philippe Petitpas. Une pré- carisation rampante touche donc les plus jeunes, et “même ceux qui ont un emploi” poursuit le directeur. Depuis septembre, les perma- nents de la Boutique Jeanne- Antide ont constaté une forte hausse de la fréquentation. Si la Boutique est un lieu de passage pour les bénéficiaires qui sou- vent, “taillent la route”, certaines personnes fréquentent les lieux

depuis près d’une quinzaine d’années. Il arrive pourtant par- fois que les salariés de la Bou- tique réussissent à remettre cer- tains au travail. Mais hélas, le phénomène inverse est le plus fréquent : des personnes qui per- dent leur travail, qui se retrou- vent en rupture familiale et qui n’ont d’autre solution que la rue. La Boutique Jeanne-Antide est pour eux la seule bouée pour ten- ter de surnager. J.-F.H.

Université

150 bénéficiaires De plus en plus étudiants se dépannent à La dépanne D amien a 22 ans. Il est étu- diant à la faculté de sciences humaines et sociales de Besançon. Ses finances sont cuisinés et surgelés, et tant que pos- sibles quelques produits frais en fonc- tion des arrivages de la Banque ali- mentaire qui livre La dépanne une fois par semaine. “On fait de notre mieux pour que ce soit équilibré. Ce qui manque, c’est du poisson, un produit extrêmement rare” remarque Vincent Gayet. L’épicerie solidaire La dépanne qui vient en aide aux étudiants a ouvert ses portes il y a moins d’un an. En quelques mois, par le bouche à oreille, son activité est montée en flèche.

du leur job. Un peu par- tout en France, dans les villes de plus de 100 000 habitants, on a vu émer- ger des épiceries sociales pour ce public. À Besan- çon, c’est l’association la Caborde qui assurait sa prise en charge en plus de celle des familles. Face à un surcroît d’activité, elle a souhaité donner priorité aux familles. Nous avons pris le relais pour les étudiants” racon- te Vincent Gayet, prési- dent de l’association qu’il gère avec Elza Van Gastel, Benjamin Chapotte et Isman Douxié. La dépanne est rattachée au disposi- tif d’aide alimentaire de la ville. Elle est ouverte une fois par semaine, le jeudi de 18 heures à 21 heures. C’est là qu’une dizaine de bénévoles s’occupe de la distribution des denrées ali- mentaires, rue Haag, dans les mêmes locaux que ceux de la Caborbe. En quelques mois, la fréquentation est montée en flèche. “Quand nous avons commencé, lors de la première distri- bution, on a reçu deux personnes.Depuis, avec le bouche à oreille, nous accom- pagnons 150 étudiants. La majorité d’entre eux passe chaque semaine. La distribution se passe dans un bon esprit d’échange. C’est le plus important pour nous” ajoute-t-il. Les bénéficiaires repartent avec dans leur cabas des produits secs, des plats “De notre mieux pour que ce soit équilibré.”

Lorsqu’il parvient à dégager 180 euros par mois pour manger, c’est le bout du monde. En général, Damien compose avec moins que cela. Alors, pour évi- ter le régime sec et subvenir à ses besoins, il a pris l’habitude, non pas par choix, mais par nécessité, de se tourner vers les associations carita- tives de la place auprès desquelles il trouve de quoi remplir le frigo, aumoins pour un temps. L’une d’elle est exclusivement réser- vée à l’accueil des étudiants en galè- re. Il s’agit de “La dépanne”. Cette épi-

cerie solidaire a été créée à Besançon par des étudiants de l’I.R.T.S. (Insti- tut régional du travail social) en jan- vier dernier avec le soutien du Rota- ry et de la municipalité. Ils ont fondé cette association après avoir réalisé une enquête sur la précarité étudian- te, un phénomène difficile à cerner. “Beaucoup d’étudiants ne sont pas en mesure de dégager 150 euros par mois pour manger. Le plus difficile est pour les étudiants en situation d’isolement et de rupture familiale. Depuis 2008 et la crise, beaucoup d’étudiants ont per-

usées jusqu’à la corde autant que les coutures du sac qu’il trimbale. “Je suis boursier, Je perçois l’aide au logement. L’ensemble de mes ressources men- suelles avoisine les 650 euros. C’est clair qu’entre le loyer et les charges à payer, les dépenses en nourriture et de santé, le téléphone portable, le prix des trans- ports et des fournitures, les fins de mois sont raides” avoue le jeune homme.

L’activité de La dépanne ne fait qu’augmenter sans que l’on sache à combien est évalué le nombre d’étudiants en situation de précarité. “Je suis convaincu qu’ils sont nom- breux à être en galère, mais ils ne fré- quentent pas nos structures pour des raisons diverses. Il y a toutefois une différence entre un étudiant en situa- tion de précarité et les autres personnes. L’étudiant “choisit” cette situation pour faire des études qui doivent l’amener vers un avenir meilleur. Alors que pour les autres, elle est subie.” Pour assurer sa mission dans les meilleures conditions, l’association cherche un local à Besançon qui lui permettrait de proposer à son public d’autres services. “Comme nous n’avons pas de locaux propres, nous ne pouvons pas stocker. On fonctionne à flux ten- du. L’idéal serait de disposer d’une sal- le qui servirait de lieu d’échange en parallèle de la distribution. Nous avons plein de projets. Des discussions sont en cours à ce sujet avec la Ville et le C.C.A.S.” La dépanne cherche un lieu de vie permanent, et pas seulement un local pour dépanner. T.C.

La dépanne est logée pour

l’instant dans les

locaux de la Caborde rue Haag. Elle cherche un autre lieu pour se développer.

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