La Presse Bisontine 159 - Novembre 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 159 - Novembre 2014

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POLITIQUE

Réaction de Tahar Belhadj “Les musulmans de France n’ont pas à culpabiliser”

Tahar Belhadj prépare actuellement une “semaine du vivre ensemble” pour le mois de janvier.

Tahar Belhadj, président de la Fédération Régionale Franche-Comté-Alsace de la Grande Mosquée de Paris, dénonce haut et fort lesagissements de l’État Islamique qui “insulte l’islam.”

tout le contraire. Quand je vois mes conci- toyens décapités par ces barbares que j’ai du mal à qualifier, oui je suis choqué. Je voudrais dire aussi que des milliers de musulmans sont victimes de ces fous. Nous lançons un cri d’alarme pour qu’ils cessent de parler au nom de l’islam : “Not in my name !” L.P.B. : Craignez-vous malgré tout que se renforce l’islamophobie en France ? T.B. : Il y a aura toujours des personnes isla- mophobes, nous n’y pourrons rien. Mais je ne crois pas à une progression de l’islamophobie. Vous savez, au lendemain des attentats du 11-Septembre, les musul- mans n’ont pas été persécutés aux États- Unis. Je suis certain que les Français qui ne sont pas de notre confession sauront faire preuve de discernement. J’ai totale confiance en la République. Elle veille, elle est garante des valeurs, de la liberté, en particulier de la liberté de culte. L.P.B. : Comment expliquez-vous que des jeunes en France soient candidat au d jihad ? T.B. : Là encore, c’est l’ignorance qui les conduit au d jihad . Ils ne savent pas que le d jihad n’est pas celui prôné par l’État Islamique. Le grand d jihad , c’est un tra- vail sur soi, c’est être au service de l’autre, de la société, c’est aimer sa patrie, et non pas répandre la haine et tuer comme le demandent ces fous. L.P.B. : Êtes-vous en danger lorsque vous dénon- cez haut et fort les agissements “des fous” de l’État Islamique ? T.B. : J’ai déjà vécu ce fléau en Algérie pen- dant la décennie noire. Je l’ai dénoncé.

Nous sommes en sécurité en France où l’immense majorité des musulmans pratiquent un islammodé- ré en harmonie avec la société. Cette majorité dénonce ce fléau. L.P.B. : De quels outils disposez- vous pour dissuader les jeunes d’être candidat au d jihad ?

Bio express

Tahar Belhadj est ethno-psychologue 22 juin 2014 : installation officielle à Besançon en tant que président de la Fédération Régionale Franche-Comté-Alsace de la Grande Mosquée de Paris.

L a Presse Bisontine : Récemment un por- celet mort a été déposé devant la mos- quée de Pontarlier. Avant cela, des tags nazis avaient été découverts sur les portes du lieu de culte comme sur l’enceinte de la mosquée Souna à Besançon d’ailleurs. Redou- tez-vous que dans le contexte international actuel, les provocations à l’égard de la communauté musul- mane se multiplient ?

taire n’est pas une solution.

“C’est l’ignorance qui les conduit au djihad.”

L.P.B. :Comprenez-vous que des intellectuels deman- dent aux musulmans de France de condamner ouvertement l’État Islamique, ce qui à défaut pour- rait laisser croire que vous le cautionnez ? T.B. : Il ne faut pas en effet qu’à chaque acte de folie et de barbarie, les musulmans se justifient. Je rappelle que l’islam a fait ses preuves depuis quatorze siècles. Ses textes fondateurs dénoncent le bellicisme et la violence, et prônent l’altérité et surtout la sacralisation de la vie humaine. Ce mes- sage est passé lors de la fête de l’aïd. Les musulmans de France n’ont pas à culpa- biliser par rapport à des actes qui ne sont pas les leurs. L.P.B. : Une meilleure connaissance de l’islam est donc un rempart contre les amalgames qui por- tent préjudice à toute la communauté ? T.B. : L’islam est une grande méconnue en France. Mon rôle est de faire connaître notre religion car c’est l’ignorance qui engendre les peurs. On me pose souvent la question “faut-il avoir peur de l’islam ?” À l’évidence non. L’islam est à l’origine d’un apport civilisationnel à l’humanité. Je comp- te sur la capacité de discernement de cha- cun pour comprendre qu’il n’y a pas de lien avec les fous qui politisent l’islam, qui en font une tradition sauvage, alors que c’est

T.B. : Il faut leur passer le message des véritables valeurs de l’islam notam- ment dans nos mosquées. Je déplore que certains d’entre eux reviennent à l’islam par la mauvaise voie. C’est cela qu’il faut éviter. L.P.B. : Vous préparez actuellement une semaine “du vivre ensemble” pour le mois de janvier. Pou- vez-vous nous en dire plus sur cette initiative ? T.B. : L’objectif est toujours le même de fai- re découvrir l’islam. Une charte a été dic- tée par la mosquée de Paris sur la notion du vivre ensemble. J’ai voulu l’appliquer dans notre région qui est sereine. Il y aura des rencontres, des conférences, des échanges. Elle sera ouverte à tout le mon- de. Je me bas depuis longtemps pour le dialogue inter-religieux. Je reçois le sou- tien total dans ma démarche des autres communautés religieuses. J’ai de très bonnes relations avec l'archevêché, les protestants, les bouddhistes, et toute la famille humai- ne. J’ai également le soutien des autorités publiques locales car je travaille dans un objectif noble. Propos recueillis par T.C.

Tahar Belhadj : Je ne le pense pas. Pour moi, il s’agit d’actes isolés. Ce ne sont pas des bandes organisées qui se livrent à ce genre de choses qui toutefois ne sont pas anodines. Le rejet de l’autre tel qu’il s’exprime à travers ces actes a toujours des conséquences graves. Mais l’islamophobie existait déjà avant l’avènement de l’État Islamique qui regroupe une bande d’illuminés qui n’appartient qu’à la folie humaine. L’E.I. n’a rien d’un État et il insulte l’islam. L’islamophobie qui s’exprime est liée surtout à une mécon- naissance de l’islam en occi- dent et en France en parti- culier. C’est à notre communauté d’en parler. Se

“Se taire n’est pas une solution.”

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