La Presse Bisontine 159 - Novembre 2014

LE GRAND BESANÇON 34

La Presse Bisontine n° 159 - Novembre 2014

SANTÉ

Les professionnels inquiets Professions libérales : ils restent mobilisés Médecins, dentistes, pharmaciens, vent debout contre le projet de déréglementation voulu par l’État. Un chirurgien-dentiste explique les conséquences qui pèsent sur la profession et les patients. Une nouvelle manifestation est prévue.

“N ous avons été écou- tés. Mais cela ne veut pas dire que nous avons été entendus.” Le docteur Patrick Nicoulaud, président du syndi- cat des chirurgiens-dentistes, maintient la pression contre la réforme gouvernementale qui

promeut la déréglementation de leurs activités, mesure visant “à redonner du pouvoir d’achat aux Français.” Représentant des chirurgiens- dentistes de Franche-Comté, il a défilé comme nombre de ses confrères lors de la journée “sans professionnels libéraux” ponc-

tuée par une manifestationmar- di 30 septembre à Besançon. Une nouvelle journée d’action au niveau national est prévue d’ici la fin d’année. Lui sera de la partie. “Nous sommes assez satisfaits de la mobilisation à Besançon d’autant que les notaires ont manifesté de leur

Les libéraux de Franche-Comté réunis devant la préfecture de Besançon le 30 septembre.

en effet “faire de l’abattage” pour s’en sortir. Quid de la sécurité sanitaire ? Alors que “des cabinets dentaires ne se vendent pas ou mal”, dixit le représentant, un tel projet de loi mettrait encore un peu dans la difficulté cette activité qui emploie 250 personnes dans le Doubs. Des postes de secrétaires médicaux pourraient être par exemple supprimés. En Franche-Comté, les profes- sions libérales sont au nombre de 11 000. En 2011, 1 518 entre- prises libérales ont vu le jour. Elles emploient 15 000 salariés et représentent 22 % des entre- prises régionales. Ce poids éco- nomique est dans la balance. Pas question d’arriver à une marchandisation de la santé…

côté. Le mécontentement est grand” résume le patricien qui s’inquiète pour le devenir des cabinets de Franche-Comté et du Doubs. Les mesures prévues par ce pro- jet de loi, telles que la suppres- sion du numerus clausus , la dis- sociation de l’acte prothétique, l’ouverture aux capitaux exté- rieurs, “induiront une concur- rence sauvage, des règles déon- tologiques bafouées, une iniquité en matière de formation” rap- porte le président. L’ouverture du capital des entreprises libé- rales aux groupes financiers, prévue par le projet de “Crois- sance et pouvoir d’achat” “crée- ra des monopoles capitalistiques dont le seul objet sera de pous- ser les usagers à consommer plus

et à payer toujours plus cher. Ce dont ils sont protégés aujour- d’hui, puisque les professionnels sont indépendants et que leurs tarifs sont administrés” affirme

de son côté l’Union des pro- fessions libé- rales de Franche-Com- té. La déréglemen- tation aurait de fâcheuses consé- quences dans le Doubs, région rurale touchée de plein fouet par la désertifi- cation médica- le. Les profes- sionnels devront

“Une mar- chandisation de la santé.”

Les chirurgiens- dentistes font partie de ces professions qui défendent leur statut.

SALAIRES

Les frontaliers pas si bien payés ? Sa vérité sur les salaires suisses : “On ment aux nouveaux venus” Son salaire à l’appui, ce

L’ histoire professionnelle de cet habitant de Jougne est peut- être révélatrice d’un nouvel état d’esprit chez les tra- vailleurs frontaliers confrontés à des bas salaires, notamment pour les nou- veaux venus après la suppression de la zone frontalière. David M. travaille depuis 30 ans de l’autre côté de la fron- tière et veut couper court à certaines vérités. Et notamment celle que le salaire médian était en 2012 de 5 100 francs suisses par mois (source Office fédéral de la statistique). “C’est faux. Aujourd’hui, les nouveaux sala- riés frontaliers qui sont embauchés sont plutôt à 2 500 à 3 300 francs suisses, chose qui n’existait pas avant. On ment aux nouveaux venus” dit David en expo- sant sa fiche de paye. Rencontré dans un café à Vallorbe, il interpelle la ser- veuse : “Et vous, touchez-vous 4 272 francs suisses bruts par mois pour votre poste ?” Réponse de l’employée, un peu gênée, “non, beau- frontalier explique que les rémunérations en Suisse sont aujourd’hui beaucoup moins alléchantes qu’elles ne l’étaient auparavant. Licencié économiquement, ce frontalier a choisi de créer sa boîte… à Vallorbe.

coup moins, dit cette frontalière. J’ai travaillé un mois dans un alpage en suisse comme serveuse à 100 % pour environ 1 600 euros” témoigne la jeu- ne femme. Licencié économiquement en mai 2013 d’une industrie spécialisée dans les câbleries à haute tension, David est resté quatre mois sans activité avant de s’inscrire dans une boîte d’intérim et trouver une mission. À 45 ans, ce père de famille qui a acheté une mai- son a, comme tout le monde, l’obligation de payer ses traites. “Lorsque vous représentez à un entretien, il ne faut pas rêver : on ne vous embauche plus à 4 500 francs suisses. Les entreprises ont tellement de C.V. venus de Bor- deaux, Paris, du Nord, d’Espagne, du Portugal, qu’elles choisissent les nou- veaux venus. Elles essayent de séparer des anciens frontaliers qui coûtent cher” estime-t-il. Les nouveaux frontaliers seraient à l’entendre moins regardant

David M. (à gauche) joue la transparence sur son ancien salaire suisse, pas si mirobolant. Il a créé sa boîte spécialisée dans la valorisation des pneus avec Franco Montinari.

sur les tarifs : “Il y a une désinformation : ceux qui arrivent ne savent pas ce qu’est le deuxième pilier ou qu’ils devront payer leur assurance-maladie, les trajets, plus d’impôts…” À l’entendre, le marché serait bouscu- lé par cette arrivée mas- sive de candidats à l’eldorado suisse qui

enchérit le prix de l’immobilier. David est finalement embauché en intérim par une société spécialisée dans le médical pour 18,79 francs suisses de l’heure. “C’est peu par rapport au pos- te à responsabilité que j’occupe en bout de chaîne” dit-il. “En brut, j’ai un salai- re de 3 320 francs, soit en nets 2 344 euros ! Moins les trajets, les impôts, la sécurité sociale, on est loin des chiffres annoncés…”

S’il dit ne pas être déçu du travail fron- talier, David a toutefois décidé d’être son propre patron. “Marre de travailler pour les autres” souffle-t-il. Il a créé une société spécialisée dans la vente et la valorisation de pneus usagés à l’export… en s’installant en Suisse, à Vallorbe, en s’associant avec Franco Montinari. “On a reçu une dizaine de C.V. de Français originaires de la région parisienne, de Strasbourg, des Pyré-

nées, qui voulaient tout quitter pour s’installer ici sans réfléchir” relate David. Son associé, de nationalité suis- se, enchaîne : “Certains demandent 5 000 ou 5 500 francs suisses, c’est jus- te impossible. Nous, on propose 4 000 francs.” Si la Suisse demeure attractive, elle n’est pas l’eldorado que beaucoup voudraient laisser entendre… E.Ch.

“2 500 euros nets par mois.”

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