La Presse Bisontine 159 - Novembre 2014

24 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 159 - Novembre 2014

Besançon

Jean-Louis Fousseret se positionne Toujours capitale ou future sous-préfecture ?

Le statut de l’actuelle capitale comtoise est au cœur des préoccupations du maire qui multiplie les contacts et les rencontres. Pour lui, la future région devra avoir une capitale administrative et une capitale politique.

I l lui a dit à Marie-Guite Dufay que laméthode n’était pas la bonne. Trop précipi- tée, à tel point que c’est dans les journaux que Jean-Louis Fousseret avait appris le projet de fusion des deux régions. “La forme est détestable” tranche Jean-Louis Fousseret. Le coup de colère passé, le mai- re de Besançon a préféré jouer le jeu, et il multiplie désormais les rencontres avec ses homo- logues dijonnais et avec les ministres, coiffé de sa casquet- te de premier vice-président de l’association des maires des grandes villes de France. “À par- tir du moment où la loi nous y oblige, soit on continue à râler et on reste sur le quai de la gare, soit on décide de prendre le train en marche et on travaille pour défendre les intérêts de Besan- çon dans ce projet. J’ai choisi la deuxième option” poursuit M. Fousseret. Alors depuis, il s’ef- force de voir dans cette fusion les avantages que pourra en tirer la Franche-Comté et par là même, sa capitale. “Nos régions sont deux petites régions. La Bourgogne a l’agro-alimen- taire, la chimie et le tourisme. De son côté, la Franche-Comté est une grande région indus-

suppose sans peine que Dijon prendra immédiatement le des- sus sur Besançon. Jean-Louis Fousseret n’imagine pas une seconde les choses ainsi. “La loi n’impose pas que la capitale administrative et politique soit la même. J’ai demandé au ministre Bernard Cazeneuve que soit inscrit dans la loi le droit à la dissociation. C’est-à-dire qu’il y aura une capitale de région mais tous les services n’y seront pas regroupés. Il y aura une capi- tale politique avec les services du Conseil régional par exemple et une capitale administrative avec de nombreux autres services de l’État. Les choses se passent déjà ainsi entre Nancy et Metz par exemple et tout le monde y trouve son compte” développe Jean-Louis Fousseret qui se refu- se pourtant à tomber dans un optimisme béat. Sur le plan des économies à attendre de la fusion, le maire de Besançon n’en voit “aucune à court terme. Ce n’est certainement pas l’argument à mettre en avant” dit-il. Demeurent les inévitables points d’achoppement qu’il reste à régler. Jean-Louis Fousseret en voit quatre principaux. D’abord la dette, supérieure en Bour- gogne. “On ne va pas payer pour

trielle et il y a une chose qu’on ne pourra pas lui retirer, c’est sa proximité avec la Suisse. Si on regarde du côté des villes, Besan- çon a pour elle son Université, la santé, la lutte contre le can- cer, les nano-technologies, le numérique, ce qu’a moins Dijon. On a besoin l’un de l’autre et il faut arrêter de dire qu’on va se faire bouffer. En ce qui me concer- ne, je n’ai aucun complexe d’in- fériorité par rapport à Dijon” tranche le maire qui a proposé à son homologue dijonnais la création d’un pôle métropolitain Dijon-Besançon. “Ce n’est pas une structure supplémentaire.

Le pôle n’aura ni locaux, ni prési- dents, ni indem- nités. Ce sera un outil destiné à mettre en place des politiques communes en termes de trans- port, de touris- me, de dévelop- pement économique, d’Université, de santé, etc.” Reste le problè- me de la capita- le régionale. On

“Que soit inscrit dans la loi le droit à la dissociation.”

Le maire Jean-Louis Fousseret : pas d’accord avec la méthode Dufay sur la forme, partant sur le fond.

sement, et que des filières soient présentes à Besançon, pour les Dijonnais, et d’autres à Dijon pour les étudiants bisontins. Troisième garantie à avoir : “Que Besançon garde le “U” de C.H.U. Il faut impérativement qu’il y ait deux C.H.R.U. Sur ce point, je suis très confiant” note M. Fousseret. Quatrième point

d’alerte : la lisibilité de la réfor- me et surtout la proximité à laquelle elle doit conduire. En clair, que dans les faits, la futu- re région Bourgogne-Franche- Comté soit un véritable acte de décentralisation et non de recen- tralisation. Problème : il reste tout à inventer… J.-F.H.

les Dijonnais. Il faut un enga- gement de la Bourgogne pour rééquilibrer les choses en inves- tissant plus en Franche-Comté.” Deuxième écueil possible : l’Uni- versité. Il a insisté auprès de la ministre Geneviève Fioraso pour que Besançon soit confirmé com- me futur siège de la commu- nauté universitaire d’établis-

Réaction

Jean-Philippe Allenbach “La région n’est pas la propriété de ses élus”

Le chantre du fédéralisme tire, on s’en doutait, à boulets rouges sur le projet de fusion. En l’absence de référendum, il va lancer lui-même un sondage auprès des Francs-Comtois.

régions en Europe qui ont une taille équivalente à la Franche-Comté ont un budget parfois dix fois supérieur au nôtre. Le canton de Neuchâtel a un budget de 8 000 euros par habitant, contre à peine 450 euros en Franche- Comté. Il faut que l’État central relâche de l’argent aux Régions. Il ne faut lais- ser à l’État que le minimum du néces- saire et aux Régions le maximum du possible. En France, les deux tiers du budget tiré de l’impôt sert à l’État et à peine 30 % aux régions alors que par- tout ailleurs en Europe, c’est la pro- portion inverse. L.P.B. : Vous réclamez un référendum ? J.-P.A. : La région n’est pas la proprié- té de ses élus, mais de ses habitants. Si on ne fait pas un référendum, alors faisons pour le moins un sondage. C’est

Suisse ! Ce n’est pas un peu contradictoire ? J.-P.A. : J’avais rebondi à l’époque où la Wal- lonie belge voulait faire sécession et que certains élus français l’avaient invitée à venir se rattacher à la Fran- ce. En disant cela, j’affirme seulement que la Franche-Comté se porterait beaucoup mieux si elle était un can- ton suisse. C’est une évidence, il suf- fit de comparer les chiffres. L.P.B. : Pourquoi la Franche-Comté serait-elle perdante dans une future région dotée d’un budget qui sera au moins deux fois supérieur à l’actuel budget de la Franche-Comté ? J.-P.A. : Mais avec plus d’élus bourgui- gnons que d’élus francs-comtois, qui va décider ? Naturellement les Bour- guignons. On ne pourra plus dépen- ser aucun centime pour la Franche- Comté sans l’accord des Bourguignons et à l’inverse, on ne pourra s’opposer à aucune dépense pour la Bourgogne. Sauf si on a la certitude que dans la future assemblée, le nombre d’élus francs-comtois est supérieur alors là, je signe tout de suite pour la fusion. On peut être benêt et naïf, mais quand il y aura des choix à faire, c’est bien celui qui aura la supériorité qui déci- dera. Une preuve de plus : si l’avis des Bourguignons sur la fusion semble plu- tôt favorable, c’est bien parce que les Bourguignons savent qu’il y a aura un gagnant à cette fusion et que ce sera eux. L.P.B. :Vous êtes donc opposé à toute idée de réforme territoriale ? J.-P.A. : Je suis pour une profonde réfor- me territoriale, mais en donnant plus de moyens aux régions. La plupart des

L a Presse Bisontine : Il suffit de voir votre vitrine place du 8-Septembre pour com- prendre votre colère ! Pourquoi ce pro- jet de fusion a-t-il réveillé vos ardeurs ? Jean-PhilippeAllenbach : Ce projet de fusion est tout simplement une atteinte à notre liberté. Ne restera de la Franche- Comté que la cancoillotte et le jésus de Morteau, le reste n’existera plus. La Franche-Comté n’aura plus aucun pouvoir. Il est évident qu’il faut pour- suivre les partenariats avec la Bour-

gogne, mais de là à transférer toutes nos compétences, c’est une violation de la Constitution d’après laquelle les décisions doivent être prises au niveau le plus bas. Ce qui m’intéresse, c’est la Franche-Comté et rien d’autre. La mis- sion du Conseil régional est de défendre les intérêts de la Franche-Comté et de ses habitants. La seule question qui vaille est : cette réforme est-elle bon- ne ou mauvaise pour nous ? Si on nous répond qu’il y a tout à inventer, c’est

grave. Imaginez un projet de fusion d’entreprise où les dirigeants répon- draient qu’il y a tout à inventer ! Avec cette fusion, la Franche-Comté perd tout simplement sa personnalité juri- dique et son autonomie budgétaire et financière. Nous passons dans un état d’annexion total. L.P.B. :Vous refusez toute idée de fusion alors qu’il y a quelques mois seulement vous prô- niez l’intégration de la Franche-Comté à la

tout de même un peu fort que les élus ne cherchent même pas à se renseigner sur l’état de l’opinion. Ils n’en ont rien à faire, c’est effarant.Tous ces gens qui ont la démocratie participative à la bouche sont incapables d’appliquer leurs belles idées. Les élus sont pris en flagrant délit de déni de démocratie. C’est la raison pour laquelle je m’apprête à commander un son- dage officiel qui sera mené en Franche-Com- té et en Bourgogne. Propos recueillis par J.-F.H.

“Un flagrant délit de déni de démocratie.”

Jean-Philippe Allenbach : “On a tout à perdre et rien à gagner de cette réforme.”

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