La Presse Bisontine 158 - Octobre 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 158 - Octobre 2014

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POLITIQUE

Élections sénatoriales “Cette V ème République est à bout de souffle”

L a Presse Bisontine. : Comment est-ce possible de faire entendre sa voix com- me candidat aux sénatoriales dans un climat actuel où la classe politique est totalement décrédibilisée à cause de quelques brebis galeuses ? Christophe Lime : C’est compliqué en effet et c’est le sentiment qu’ont eux aussi les grands électeurs qui sont d’abord des citoyens. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé aux autres têtes de liste à ces sénatoriales d’organiser un ou plusieurs débats publics afin de débattre. Éric Durand pour les Verts est d’accord, tout comme Martial Bourquin pour le P.-S. et Jean-François Longeot. Seul Jacques Grosperrin ne m’a pas répondu… J’ai pensé que c’était une manière d’ouvrir le débat à tous et que les citoyens ne pen- sent pas que le Sénat est une façon pour les hommes politiques de se répartir des postes. L.P.B. : On aurait eu tendance à penser que le Sénat et les communistes, ça faisait deux. En somme, que les communistes pensaient que le Sénat était une “anomalie démocratique” ? C.L. : Je suis un républicain avant tout et je considère donc que le fonctionnement de la République, même s’il ne me convient pas toujours, doit être respecté. Par consé- quent, je me bats pour mes idées mais à l’intérieur de ces institutions. On sent bien que cette République est à bout de souffle, c’est pourquoi il faut porter un autre mes- sage. L.P.B. : Quels sont justement les messages que vous portez auprès des élus que vous rencontrez ? C.L. : Le principal message est que la poli- tique d’austérité du gouvernement actuel mène dans le mur. Un élu comme Martial Bourquin, je le considère comme un séna- teur de droite et unmaire de gauche. Quand il est à Paris, il vote tous les textes condui- sant à l’austérité et quand il est dans sa mairie, il met les difficultés financières des communes sur le dos de l’État. La baisse des dotations aux collectivités est drama- tique. L.P.B. : N’est-elle pourtant pas indispensable pour redresser les comptes de la France ? C.L. : D’un côté on a les aides publiques accordées aux entreprises et pour finan- cer ces aides, on baisse de 11 milliards les dotations aux collectivités. C’est 11 mil- du Parti communiste, mène une liste citoyenne de gauche pour le prochain scrutin sénatorial du 28 septembre. Pour faire entendre une voix dissonante. L’adjoint au maire de Besançon Christophe Lime, cadre local

Christophe Lime, adjoint bisontin chargé de l’eau et de l’assainissement, est candidat pour la deuxième fois à une élection sénatoriale.

lon capital, c’est la commune. Pour le res- te, on est ouvert à toutes les discussions. L.P.B. : Pensez-vous avoir la légitimité pour être un bon sénateur ? C.L. : Je pense que quand on fait de la poli- tique, il faut faire ses preuves par les actes et mettre en application ce qu’on dit. C’est ce que je m’attache à faire depuis toujours et si on veut que les citoyens se réconci- lient un peu avec la politique, c’est ce que tous les élus devraient faire. Je pense fai- re mes preuves dans plusieurs domaines. Cela fait 13 ans que je gère un service d’eau et d’assainissement à Besançon et nous avons l’eau la moins chère de France. Ceux qui disent que je ne sais pas gérer repas- seront. Je pense incarner une forme alter- native et réaliste de la politique. Je garan- tis que ça dépoterait avec un sénateur comme moi ! Je ne serais pas un sénateur assis au coin du feu. L.P.B. : Ce n’est pas difficile de porter l’étiquette “communiste” pour une telle élection ? Vous n’avez jamais songé à changer d’étiquette ? C.L. : Non. Car il faut être honnête et c’est une des valeurs que je souhaite porter. J’ai adhéré au Parti communiste quand plus personne ne voulait y adhérer et je suis particulièrement satisfait que ce parti ait beaucoup évolué sur trois points : l’aspect démocratique, les problèmes de société et les questions environnementales. L.P.B. : Dans votre programme, vous prônez l’instauration d’une VIème République. Concrète- ment, ça signifie quoi ? C.L. : C’est une idée qui fait son chemin depuis une dizaine d’années au sein du Front de gauche. Une VIème République, c’est plus de démocratie en rendant au peuple sa souveraineté. C’est aussi plus de proportionnelle aux élections.

sentant des collectivités locales. Admettez-vous qu’une vaste réforme territoriale est nécessaire en France ? C.L. : Oui, il en faut une, mais il ne faut sur- tout pas s’éloigner des citoyens. Les mêmes qui disent aujourd’hui qu’il faut réformer sont ceux qui ont créé le fameux mille- feuille institutionnel avec les communau- tés de communes, les Pays, etc. Les petites communes ont déjà un budget très faible. Leur baisser leurs dotations revient àmoyen terme à supprimer l’échelon communal. Il faut bien que les élus locaux comprennent qu’à ce rythme-là, les communes n’existeront plus dans quelques années. C’est bien cela que souhaitent les dirigeants, mais ils n’oseront jamais le dire clairement. L’échelon communal va être supprimé car peu à peu les compétences sont transférées. Bientôt le P.L.U., puis à partir de juin prochain la D.D.T. qui dit qu’elle n’instruira plus les permis de construire pour les communes, sans parler de la baisse des dotations. Un maire qui vote pour un candidat socialis- te vote pour la fin des communes. L.P.B. : Pourtant la France avec 36 000 communes et une anomalie dans l’Europe non ? C.L. : Vouloir supprimer cet échelon de proxi- mité qu’est la commune ne fera aucune économie, sachant que 80 à 90 % des élus dans les communes ne sont même pas rému- nérés et que les “petits” maires touchent à peine 450 euros par mois. Et transférer aux intercommunalités entraînera forcé- ment des charges supplémentaires en per- sonnel notamment. Avant de vouloir sup- primer des échelons, il faut déjà qu’on clarifie enfin les compétences entre cha- cune des collectivités. La Ville a son tou- risme, l’Agglo a son tourisme, le Départe- ment a son tourisme, la Région a son tourisme. Cela ne peut plus continuer com- me ça. Je le dis clairement : s’il y a un éche-

Bio express Christophe Lime a 52 ans Membre du P.C.F., il est élu depuis 2001 à la mairie de Besançon dans l’équipe de Jean-Louis Fousseret. Il est adjoint au maire de Besançon, chargé de l’eau et de l’assainissement. Il est conseiller communautaire du Grand Besançon. Depuis juillet dernier, il est président national (bénévole) d’une structure de promotion et de gestion publique de l’eau.

L.P.B. : Ce qui signifie au moins 50 députés Front National à l’Assemblée ! C.L. : Et alors ? Ce n’est pas parce qu’on casse le ther- momètre que la fièvre bais- se. Il faut combattre les gens sur les idées, pas sur le plan des institutions. Et quel que soit le mur, il finit toujours par tomber. L.P.B. : Comment réconcilier le grand électeur, et surtout le citoyen de base, avec la poli- tique ?

“50 députés Front

National ? Et alors !”

C.L. : En étant utile. Des membres du P.C. de Besançon sont allés récemment dans le Sud chercher des fruits et des légumes chez un maraîcher et sont revenus, à la ren- contre des habitants, les vendre sur un marché de Palente-Orchamps à prix coû- tant. Ce genre d’action vaut 10 000 tracts. Ce type d’actions symboliques, c’est cela qu’on doit travailler, c’est dans ces quar- tiers populaires, en ville et en périphérie, qu’il faut aller, c’est la seule façon pour les élus que nous sommes de ramener ces citoyens aux urnes. L.P.B. : Si les élections municipales existent enco- re en 2020, c’est un mandat qui pourrait vous conve- nir et est-il compatible avec votre étiquette poli- tique ? C.L. : Je ne fais pas de politique pour avoir un poste et je suis très bien là où je suis. Je ne pense pas au mandat de maire en me rasant le matin… Et en effet, il faut avoir un parti puissant derrière soi. Enfin, je ne suis pas sûr que celui qui sera mai- re de Besançon en 2020 soit connu aujour- d’hui… Propos recueillis par J.-F.H.

liards de moins en inves- tissements. La première chose qu’ont donc fait les collectivités est de baisser de 30 % leurs investisse- ments et sachant que ces mêmes collectivités font essentiellement vivre des entreprises locales, c’est toute l’économie qui s’en ressent. Je ne conteste pas le fait qu’il faille aider les entreprises à recréer de l’emploi, mais ces aides publiques sont littérale- ment pompées par les grandes entreprises. Je ne comprends que ce disposi- tif n’ait pas visé plutôt les P.M.E. et les P.M.I. dont beaucoup en effet souffrent actuellement.

“Martial Bourquin : un sénateur de droite et un maire de gauche.”

L.P.B. :Le Sénat est aussi le repré-

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