La Presse Bisontine 156 - Juillet-Août 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 156 - Juillet-août 2014

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TOURISME

La Franche-Comté manque toujours de notoriété “Arrêtons de nous flageller et de complexer”

Directeur du comité régional du tourisme depuis un an, Jean-Jacques Micoud a

la - lourde - tâche de développer le tourisme

L a Presse Bisontine : Le comité régional du Tourisme (C.R.T.) de Franche-Comté dispo- se d’un budget de 3,5 millions euros finan- cé à 78 % par la Région. Ce budget sert au fonc- tionnement, à la communication, aux formations. Malgré ces moyens importants, force est de consta- ter que tourisme peine à trouver sa place. Admet- tez-vous cette critique ? Jean-Jacques Micoud : C’est votre constat, pas le mien. L’idée, c’est d’être efficace. Il faut (re)formater notre mode de pensée dans le tourisme. Aujourd’hui, il faut revoir par exemple les campagnes d’affichage du type “4 par 3” ou les déplacements sur les salons. Ce genre de campagne, c’est terminé, même si dans certains cas, cela reste pertinent. Notre job, c’est le marketing. L’argent est cher et on ne peut plus se permettre d’arroser. On peut communiquer partout, mais il faut concentrer les moyens et tra- vailler sur des thématiques.Avec la marque “Montagnes du Jura” par exemple, nous avons gagné 10 points de notoriété… Du coup, on talonne les Vosges et le Massif Central alors que l’on en était loin il y a peu de temps. L.P.B. : Vous n’avez pas répondu sur le travail de vos équipes au C.R.T. et la lisibilité des actions menées qui semblent parfois floues… J.-J.M. : C’est un métier de l’ombre mais qui est essentiel. Dans nos équipes, des per- sonnes travaillent sur l’ingénierie pour développer par exemple l’accueil vélo,d’autres créent le catalogue de formation, d’autres la labellisation…C’est difficile de mesurer les retombées mais c’est essentiel. L.P.B. : On a l’impression que les offices de touris- me, les comités départementaux et le C.R.T. se font concurrence. L’empilement des structures est-il un frein à la réussite ? peu lisibles, défis à relever, le directeur n’élude aucune question. Pourtant la région Franche-Comté a tant d’atouts à faire-valoir. franc-comtois qui ne représente qu’1,5 % des voyages des Fran- çais. Empilement des structures, campagne de communications

Jean-Jacques Micoud, directeur du comité régional du tourisme en Franche-Comté.

tié de l’activité du département du Mor- bihan (N.D.L.R. : il a dirigé le C.D.T. du Morbihan). Il y a néanmoins une prise de conscience. Il y a également des destina- tions de niche : on le voit avec la Chapel- le de Ronchamp qui attire de plus en plus de cars chinois. L.P.B. : Pour autant, la communication de notre région à l’extérieur a semblé coûteuse et parfois désastreuse, notamment avec l’Originale Franche- Comté. J.-J.M. : Cette communication est arrivée pour le lancement de la L.G.V. Elle nous a ouvert des portes dans les médias alle- mands par exemple et a généré 2 100 articles dans la presse dont la moitié enAllemagne, une de nos cibles. Nous sommes dans un marché, une guerre commerciale. Il faut communiquer pour “piquer” des clients potentiels qui sont souvent proches de chez nous. L.P.B. : Vous faites donc concurrence à la Bour- gogne, une région avec laquelle vous devrez bien- tôt fusionner. Qu’en est-il d’un futur regroupement avec le C.R.T. bourguignon ? J.-J.M. : Je vais d’ici fin juin rencontrer mon homologue. Nous collaborons déjà dans une action commune menée aux Pays-Bas avec la Bourgogne, la Lorraine, Cham- pagne-Ardennes. Avec une seule ou deux régions, on ne déplacera pas la Citadelle de Besançon. S’il faut mutualiser lesmoyens, nous le ferons.“L’homo touristicus” semoque de savoir s’il est dans tel ou tel départe- ment. Mon job, c’est le faire venir et reve- nir. L.P.B. : Pouvez-vous nous donner votre avis sur le tourisme à Besançon au moment où la Citadelle perd son directeur ? J.-J.M. : On a un produit fantastique avec l’Unesco. Mais par rapport à la bagarre qu’il a fallu mener pour être classé, je trou- ve qu’on le sous-utilise alors que des sites comme Carnac (Bretagne) cherchent à l’avoir. Idem pour la Saline royale d’Arc- et-Senans. Besançon a chance d’être une ville à la campagne. Elle possède un tou- risme d’affaires, certes un peu moins éle- vé qu’à Belfort. Cette clientèle est celle qui consomme le plus : 150 euros en moyenne contre 36 euros pour un touriste et 70 euros pour touriste empruntant la véloroute. Propos recueillis par E.Ch.

seulement en 20 ème destination touristique (sur 22 régions) en France ? Sur les réseaux sociaux par exemple ? J.-J.M. : Par exemple, lorsque j’ai débuté mon job il y a 25 ans, on disait une per- sonne satisfaite du séjour, ce sont 10 per- sonnes qui en entendent parler. Une mécon- tente, ce sont 20 qui sont au courant. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est 100 000 voire 200 000. Tout va plus vite. Nous avons créé un club des ambassadeurs de personnes qui aiment la Franche-Com- té, qui en parlent sur leur blog. Elles le font gratuitement. Cela marche très bien. Les commentaires des blogeurs et des inter- nautes sont très importants : c’est un avis de consommateurs. Il y a des filtres éga- lement par pays. Un Allemand peut lire les commentaires d’un touriste allemand. Nous travaillons d’ailleurs sur une norme A.F.N.O.R. afin de montrer que ces com- mentaires sont réels. L.P.B. : Comment expliquer que notre région a connu une baisse de ses nuitées en 2013 (-2,2 % après - 0,6 % en 2012), alors qu’à l’inverse en France, la fréquentation a progressé de 0,8 % sur un an ? J.-J.M. : Le printemps 2013 a été pourri et le tourisme reste totalement dépendant de la météo. La conjoncture économique ne nous a pas aidés. Nous travaillons d’ailleurs avec Météo France pour connaître les impacts de la météo sur le tourisme. Le frein de notre région est sonmanque d’image et de notoriété. Il faut rassurer pour faire venir. Une fois que les touristes sont venus, ils reviennent. L.P.B. : Après un an, vous avez pris vos marques. Quels sont vos objectifs ? J.-J.M. : Le C.R.T. dispose d’une nouvelle politique depuis le vote du nouveau sché- ma régional qui s’étale sur une période de 5 ans. Un schéma comporte toujours trois volets. Ils concernent la structuration de l’offre (aide à l’hébergement), un volet orga- nisationnel, la mise en tourisme (promo- tion, commercialisation). L.P.B. : Dans ces trois volets, lequel est le plus ban- cal en Franche-Comté ? J.-J.M. : Il est difficile de se comparer à un autre territoire. Nous sommes bons dans l’offre, la mise en tourisme. Sur les hébergements, il reste du travail à faire sur la quantité et la qualité avec des disposi- tifs d’aide de la Région pour les campings.

L.P.B. : A-t-on pris du retard ? J.-J.M. : Oui. Il y a une évolution des com- portements des touristes. À nous de faire évoluer notre offre avec par exemple les yourtes, les bulles (il n’y en a quasiment pas en Franche-Comté), les cabanes sur l’eau. La demande des touristes s’exprime sous forme des 3 R : R comme rupture avec le travail, R comme retrouvailles, R com- me ressourcement. L.P.B. : La Franche-Comté a-t-elle les moyens de les offrir ? J.-J.M. : Elle a parfaitement sa place. Les 3 R, ils étaient vrais il y a soixante ans mais maintenant le touriste part moins souvent, moins longtemps, moins loin. Arrêtons de nous flageller et de complexer. L.P.B. : Mais comment attirer de nouveaux touristes qui ne savent pas placer notre région sur une carte ? J.-J.M. : En tant que metteur en tourisme, il faut mettre en place ces 3 R pour arri- ver aux 3 E qui sont le E d’émotion, le E d’économie, le E d’équilibre et enfin un quatrième, le E d’environnement. Chaque territoire a les ingrédients mais le point d’équilibre, c’est les hommes. Notre accueil est lié à notre histoire et une région qui n’est pas économiquement développée n’est touristiquement pas développée. Le tou- risme crée du lien social, il est contribu- teur du cadre de vie, il offre des retom- bées… En Franche-Comté, le tourisme n’était pas une priorité. Pour comparaison, l’activité touristique représente ici la moi-

Bio express

Après avoir dirigé successivement le C.D.T. (comité départemental du tourisme) de l’Ain (1998- 2004) puis du Morbihan qui est le 5ème département le plus visité de France (2004-2013), Jean-Jacques Micoud est directeur du C.R.T. de Franche-Comté (Comité régional du tourisme) depuis le 24 juin 2013. Il succède à Gilles Da Costa, directeur par intérim, suite au départ de Jean-Paul Garnier en août 2012.

J.-J.M. : Ni les comités dépar- tementaux, ni les offices de tourisme ni le C.R.T. ne se prennent les pieds dans le même tapis. Nous faisons lesmêmes chosesmais nous n’avons pas les mêmes cibles.Nous communiquons par exemple enAllemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, ce que ne font pas les C.D.T. Pour la communication en région parisienne, nous le faisons de manière concer- tée. Là est notre valeur ajoutée. L’observation (études, retombées écono- miques) est le fait du C.R.T. Les offices de tourisme ont eux l’accueil physique dont nous ne disposons pas. Cha- cun a son rôle, qui est rap- pelé par la loi de 1992. L.P.B. : Comment faire pour convaincre le touriste de venir en Franche-Comté qui pointe

“Nous avons gagné 10 points de notoriété.”

Chiffres clés 3,5 millions de voyages en Franche-Comté, soit 1,5 % des voyages des Français (20ème région). Jusquʼà 17 300 emplois salariés liés au tourisme (13 700 en moyenne sur lʼannée) soit 5,5 du P.I.B. régional. 3,5 % de lʼemploi salarié total en Franche-Comté (15ème rang). 670 millions dʼeuros dépensés par les touristes (en 2009). 36,50 euros de dépenses en moyenne. Une durée moyenne de voyages de 4,4 jours. 256 000 lits tou- ristiques. 200 lieux touristiques sont répertoriés. Le plus visité : la Cita- delle (244 525 visiteurs en 2012), 151 480 pour le Dinozoo, 115 269 pour la Saline royale. Plus de 81 000 lits dans les hébergements marchands, dont 43 % dans les campings, 20 % dans les meublés de tourisme et 18 % en hôtellerie.

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