La Presse Bisontine 156 - Juillet-Août 2014

ÉCONOMIE

40 La Presse Bisontine n° 156 - Juillet-août 2014

La vérité sur les salaires suisses

SUISSE

Les salaires bruts 2012 par branches économiques

Une augmentation de 13,4 % en 10 ans En Suisse, un salarié sur deux gagne plus de 5 100 euros bruts par mois

Salaires brut par mois en francs suisses

En 2012, selon l’étude de l’office fédéral de la statistique, le salaire médian s’élevait à 6 118 francs suisses bruts dans le secteur privé. Les disparités se creusent aussi de l’autre côté de la frontière.

salariaux entre le haut et le bas de la pyramide s’accroissent aussi dans le temps, passant de 2,6 en 2002 à 3 en 2012. Près de 339 000 per- sonnes occupent en 2012 des postes à bas salaires dont 66,9 % sont des femmes. On parle de bas salaire quand la rémunération est infé- rieure ou égale aux deux tiers du salaire médian, 4 037 francs bruts. Les syndicats suisses ont d’ailleurs soumis à votation la proposition d’instaurer l’équivalent d’un S.M.I.C. à 4 000 francs suisses à l’échelle du pays. Le peuple suisse a voté non à 76,3 % pour un scrutin avec un taux de participation de 56 %. Les différences de salaires entre branches économiques existent aus- si au niveau des cadres supérieurs. Elles varient par exemple de 21 528 francs dans l’industrie phar- maceutique à 8 495 francs dans la construction et 4 815 francs dans la restauration. La distorsion sala- riale est aussi d’actualité en Suis- se selon les sexes. La différence de salaires entre hommes et femmes dans le secteur privé est de 18,9 % en 2012. Ces écarts tendent d’ailleurs à augmenter en fonction du niveau de qualification et de responsabili- té. Les femmes exerçant des fonc- tions à haut niveau de responsabi- lité gagnent en moyenne 25,1 % de moins que leurs collègues mascu- lins. Les femmes n’occupant pas de fonction dirigeante et étant au béné- fice d’un apprentissage gagnent en moyenne 12,4 % de moins que leurs collègues masculins.

L’étude de l’O.F.S. met aussi en évi- dence l’importance croissante des primes dans le système salarial. En 2012, un salarié sur trois sur l’ensemble du secteur privé a tou- ché des primes. Cette proportion est plus élevée dans les branches à hauts salaires. comme la recherche et développement (41,3 %) ou les banques (80,4 %). La part des sala- riés touchant des primes est pas- sée de 25,5 % à 36,1 % entre 2002 et 2012. Le montant de ces primes progresse également de près de 2 800 francs suisses pour atteindre 11 143 francs en 2012. La rémunération de lamain-d’œuvre étrangère dépend du permis de séjour. Les salariés suisses gagnent plus que leurs collègues étrangers quel que soit le type d’autorisation de séjour. Les détenteurs d’un per- mis de courte durée perçoivent un salaire de 4 672 francs, d’un per- mis de séjour (B) 5 552 francs, d’un permis d’établissement (C) 5 671 francs et les frontaliers 5 896 francs. Pour les postes hié- rarchiques à haut niveau de res- ponsabilité, la main-d'œuvre étran- gère gagne plus que les Suisses. Ces derniers perçoivent un salaire de 9 683 francs alors que les fronta- liers gagnent 10 905 francs et les détenteurs d’un permis de séjour 12 726 francs. À l’inverse, pour les postes sans qualification, la rému- nération des salariés suisses (5 729 francs) est supérieure à celles des frontaliers (5 488 francs).

Secteurs

Salaire 6 118 9 823 9 775 8 939

Total

Banques

C es chiffres font rêver tout salarié français. Ils confir- ment en tout cas qu’on peut facilement doubler ses revenus en passant de l’autre côté de la frontière. La moitié des travailleurs en Suisse gagnent donc plus de 6 118 francs brut auxquels il faudrait soustrai- re environ 15 %pour obtenir le salai- re net perçu, soit un revenu de l’ordre de 5 201 francs suisses. Avec taux de change à 1,2, cela représente 4 334 euros.À la différence des Fran- çais et bientôt des frontaliers, les salariés suisses doivent aussi régler de leurs poches les cotisations d’assurance-maladie qui corres- pondent à 5,5 % du salaire brut. Ce salaire médian de 6 118 francs nets masque de fortes disparités. Les 10 % des salariés les moins bien rémunérés ont gagné moins de 3 886 francs alors que les 10 % les mieux payés ont reçu un salaire supérieur à 11 512 francs. Dispa- rités aussi selon les secteurs d’activité. Les niveaux de rémuné- rations les plus élevés se trouvent dans les branches à forte valeur ajoutée telles que la recherche et le développement (8 905 francs), l’industrie pharmaceutique (9 775 francs) et bien sûr les banques Des opportunités dans l’enseignement en Suisse C omme en France, lemétier nʼattire plus lesjeunesSuissesquipréfèrentsʼorienter dans le privé, attirés par des salaires plus élevés. Cette situation, comme lʼindique le site “Travailler en Suisse”, est probable- ment une source dʼopportunité pour les étran- gers qui veulent travailler en Suisse en tant que professeur. Le corps enseignant suis- se est vieillissant et la situation semble plus critique en Suisse alémanique quʼen Suis- se romande qui nʼest pas à lʼabri pour autant. Le phénomène est national. Cʼest dans les matières scientifiques : mathématiques, sciences physiques et chimie que les auto- rités ont le plus de mal à recruter des ensei- gnants. La faiblesse des rémunérations semble toute relative. Le salaire médian dans lʼenseignement privé est de 7 225 francs suisses bruts par mois. Selon le degré de qualification, les salaires vont de 4 368 à 8 162 francs suisses par mois. Le salaire médian dans le secteur public cantonal est de 8 448 francs suisses bruts par mois. Les salaires médians vont de 5 509 à 9 213 francs suisses par mois. Dans le secteur public communal, le salaire médian est de 8 115 francs suisses bruts men- suels. Les salaires vont de 4 324 à 8 363 francs suisses bruts par mois (Sour- ce : Office fédéral de la statistique).

Industrie pharmaceutique Industrie du tabac Recherche et développement scientifique Télécommunications Activités informatiques

(9 823 francs). Parmi les branches proches du salaire médian, on peut citer la métallurgie (5 766 francs), la construction (6 024 francs) ou encore la santé (6 186 francs). L’horlogerie se situe plutôt dans la moyenne industrielle avec un salai- re médian à 6 609 francs. Comme quoi ce qu’on pourrait apparenter au luxe ne rime pas avec salaires luxueux. En bas de l’échelle, on retrouve les classiques, à savoir le commerce de détail (4 691 francs), la restauration (4 272 francs), l’hébergement (4 230 francs) et les services personnels (3 887 francs).

8 905 8 901 8 571 8 024 7 691 7 225 6 609 6 024 5 952 5 706 4 691 4 272 4 230 3 887

Assurances Industrie chimique Enseignement

Fabrication produits informatiques, électroniques, horlogerie

Construction Métallurgie Restauration Hébergement Fabrication de meubles Commerce de détails Services personnels

Dans ces métiers- là, Suisse et Fran- ce, même combat. Entre 2002 et 2012, le niveau de salaire a augmenté de 13,4 %. Les 10 %des personnes les mieux payées ont vu le montant de leur rémunération pro- gresser de 22,5 % alors qu’à l’opposé, la hausse se monte à 9,5 % pour les 10 % des personnes les moins bien payées. Les écarts

Les frontaliers gagnent 5 896 francs suisses bruts.

Salaires selon régions (secteur privé)

Région Suisse Zürich

Cadres Non cadres

9 939 12 048

5 536 5 651 5 517 5 814 5 520 5 583 5 308 4 664

Région lémanique 10 637 Région nord-ouest 10 400 Espace Mittelland 9 140 Suisse centrale Suisse Orientale 9 278 8 390 8 000 Tessin

Bonus 2012

ENSEIGNEMENT 15 à 23 élèves par classe Prof : la tentation suisse

Secteurs

Cadres Non cadres

Commerce de détail 28 708 Industrie chimique 49 597

1 728 4 418

Assurances 8 016 Services financiers 132 410 12 129 Salaires selon la formation 2012 Formation Cadres Non cadres 94 105

C e n’est pas encore la vague horlogère, ni même le boom infirmier mais le mouve- ment prend forme. Les enseignants sont de plus en plus nombreux à vouloir tenter leur chance de l’autre côté de la frontière. C’est le cas de ce professeur du second degré, ori- ginaire du Haut-Doubs, que les contraintes inhé- rentes à l’Éducation nationale ont fini par décou- rager. Ses études universitaires terminées, C.A.P.E.S. en poche, elle est mutée dans le Nord de la Fran- ce. C’est un passage obligé, les années passées loin de sa région d’origine permettent d’accumuler les points nécessaires pour espérer y revenir. Après cinq années à ce régime, la mutation ne venant pas, décision est prise de revenir au ber- cail sous les sapins du Haut-Doubs. Au préalable et non sans mal, l’expatriée a obtenu une mise en disponibilité sur fond de rapprochement familial. Arrivée fin juin, elle décroche d’abord un emploi saisonnier au bord du Léman. À la fin de l’été, elle s’inscrit dans les agences d’intérim en France et en Suisse. Trois mois plus tard, on lui propose un premier contrat dans l’agro-alimentaire. Entre- temps, elle postule aussi dans plusieurs écoles vaudoises où sa candidature est d’abord refusée. On manque d’enseignants dans les écoles suisses, ce qui ouvre de nouvelles opportunités aux déçus de l’Éducation nationale. Témoignage en toute discrétion.

Jusqu’au jour où on la sollicite pour un rempla- cement dans un établissement de l’autre côté de la frontière. Juste quelques heures par semaine. “Cela m’a permis de mettre un pied dans le milieu” , poursuit celle qui engage les démarches néces- saires pour obtenir les équivalences de diplôme. Quelques heures de cours se libèrent et le poste est finalement mis en concours. En Suisse, le recru- tement des enseignants relève directement des chefs d’établissements. “J’ai été retenue. Il faut alors exercer une année avant d’être titularisée, complète l’enseignante en admettant avoir bénéfi- cié de conditions favorables. Je me suis présentée au bon endroit, au bon moment et avec le bon diplôme.”

Haute école universitaire Haute école spécialisée Maturité

13 791 11 592 8 773

7 863 7 550 5 743 5 617 4 585

Apprentissage (C.F.C.) 7 529

École obligatoire

6 588

Salariés suisses/étrangers

Si son ancienneté est prise en compte, elle doit cependant s’affranchir de deux inspections décisives pour avoir le droit de continuer à exercer. “Aujourd’hui, j’interviens en collège et dans un établissement post-obligatoire où l’on forme des apprentis et des tech- niciens.” L’emploi du temps d’un profes- seur en Suisse comprend 25 périodes de 45minutes, ce qui lais- se une demi-journée de répit par semaine. Pas de quoi l’effrayer même si elle déplore aussi le temps perdu dans les bouchons de la Clu- se. Fidèle au poste depuis quatre ans, elle apprécie plutôt son trai- tement. Pas seulement sur le plan

Cadres Non cadres

“On bénéficie d’une tout autre considération.”

Suisses

9 683 11 250 10 905

5 729 5 226 5 261 5 022 5 488

Etrangers (total) Permis C (établissement)

Permis B (autorisationde séjour) 12 726

Frontaliers

10 505

financier. “Les effectifs varient entre 15 et 23 élèves par classe. Il y a beaucoup plus de liberté dans les programmes qu’en France et on bénéficie d’une tout autre considération” , conclut celle qui se deman- de même si elle ne va pas s’installer définitive- ment en Suisse.

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