La Presse Bisontine 156 - Juillet-Août 2014

BESANÇON 10

La Presse Bisontine n° 156 - Juillet-août 2014

Quand nos anciens adoptent les chiens INITIATIVE Le chien créateur de lien social Présidente du Besançon club canin, Corinne Binétruy va avec ses chiens à la rencontre des personnes âgées de la maison de retraite des 4 Tilleuls, rue Paul-Bert. Des personnes jusque-là renfermées sur elles-mêmes s’ouvrent et communiquent. Un regard, une attention : le tour est joué.

F lamme s’assoit sur des deux pattes arrière et dit bonjour avec ses deux pattes avant. Ce numé- ro de clown fait rire aux éclats Renée. À 95 ans, cette pension-

naire de la maison de retraite des 4Tilleuls de Besançon, gérée par la Mutualité Française Doubs, participe pour la secon- de fois à l’animation du jeudi. “Je retrouve le contact avec les

animaux, dit-elle. J’avais deux chats dans mon appartement que j’ai dû laisser à ma fille.” L’après-midi “chiens” à la mai- son de retraite fait quasiment le plein. Mise en place entre la

Flamme fait la belle et amuse la maison de retraite des 4 Tilleuls.

maison de retraite et le club canin de Besançon, l’animation séduit les pensionnaires qui ne sont pas obligés d’y participer. Une vingtaine de résidents y participe. Un geste, une cares- se : voilà comment les pension- naires retrouvent le contact avec les bêtes. “J’ai commencé cette activité il y a quatre ans dans d’autres structures, explique Corinne Binétruy, présidente du Besançon club canin. On obtient de très bons résultats, notamment avec les personnes atteintes d’Alzheimer. Une per- sonne qui n’avait jamais com- muniqué s’est ouverte. Elle par-

dantes). L’animation, proposée par la maison de quartier, devrait se poursuivre encore quelque temps. Pour Corinne qui utili- se la méthode dite “tradition- nelle” pour éduquer ses chiens, le regard de l’animal en dit long sur son caractère. Lorsqu’ils viennent en maison de retrai- te, ses trois border-collies com- prendraient à quelle assistan- ce ils ont affaire. Avec des personnes âgées, ils maîtrise- raient davantage leurs faits et gestes. La communication entre l’animal et les personnes âgées est établie. Un beau résultat.

lait au chien alors qu’aucun son ne sortait de sa bouche aupa- ravant.” Durant 1 h 30, les pensionnaires caressent et félicitent les cani- dés qui le leur rendent bien. “Ils

Renée (95 ans) caresse le poil doux de ce border- collie en présence de Corinne Binétruy (à droite).

retrouvent contact avec des animaux qu’ils avaient par- fois chez eux” témoigne Danielle Amiot, directrice adjointe de l’E.H.P.A.D. (éta- blissement d’hébergement pour personnes âgées dépen-

Un contact qu’ils avaient perdu.

RECHERCHE

Les religieuses et la dépendance Les sœurs de la Charité intéressent les chercheurs Les sœurs vieillissent. Qui pour s’occuper d’elle ? À Besançon, la congrégation

de la Charité a pris les devants en ouvrant à Saint-Ferjeux une maison de retraite pour ses sœurs âgées encadrées par des laïques. Des sociologues français et suisses se penchent sur ce cas original qui a bousculé leur vie. Visite.

L e temps du goûter est terminé. Sœur Michaud nettoie la table et remet la nappe. Bientôt, elle va rejoindre sa chambre à l’étage. Comme 50 autres sœurs de la congrégation de la Cha- rité, elle a dû se résoudre à entrer en maison de retraite. Mais heureusement, pas n’importe laquelle : celle de Saint-Ferjeux, tenue par “sa” congrégation. Après avoir mis sa vie au service des autres au

Bénin et en Centrafrique, sœur Michaud est aujourd’hui soi- gnée et aidée par des laïques dans cette maison. Une chan- ce, certes, mais aussi un bou- leversement de se faire “impo- ser” des soins ou des repas par des laïques. Deux sociologues français et suisses ont choisi d’étudier l’impact sociologique de ce phénomène de société auquel les sœurs peuvent dif- ficilement échapper : celui de la dépendance. En décidant

d’accueillir les laïques, les sœurs ont accepté des condi- tions. Le vivent-elles bien ? Comment gèrent-elles ? Ils vont tenter de répondre à ces ques- tions. À Besançon, la moyenne d’âge des 403 sœurs de la Charité s’élève à 81 ans et “si nous n’avions pas ouvert notre mai- son, nos sœurs seraient allées où ? Nous assurons ici leur ave- nir en sachant que nous ne pou- vons pas nous permettre de gar-

der nos plus jeunes sœurs pour servir les plus anciennes” rap- porte sœur Marguerite Tissot, la mère supérieure. La congrégation a donc, en 2004, ouvert une maison de retraite médicalisée à Saint-Ferjeux, dans un cadre bucolique situé rue de la Basilique. Une révo- lution et une réponse à un sujet délicat. Cette expérience bisontine a donc séduit des sociologues suisses et français qui cherchent à comprendre comment ce modè- le fonctionne. Chercheur à l’Institut de Hautes Études Internationales et du Dévelop- pement à Genève, et Bisontin d’origine, Laurent Amiotte- Suchet va revêtir une blouse blanche pour s’immerger dans le quotidien de ces couvents devenus maison de soin où reli- gieuses et infirmières négocient au quotidien “que ce soit pour l’heure de la messe ou des soins” dit-il. L’enquête portera princi- palement sur cet établissement et celui de Fribourg en Suisse. La congrégation a accepté notre visite. Le lieu est calme et apai- sant. Chacun semble y avoir trouvé ses marques comme le confie le directeur Jean-Pierre Le Delliou qui rappelle que “44 places sont destinées aux laïques

Sœur Michaud fait partie des 50 sœurs qui vivent à la maison de retraite Saint-Ferjeux, unique en son genre.

dans un premier bâtiment et 50 autres réservées aux sœurs de la congrégation” dit-il. Son éta-

S’il y a autant de demandes pour venir ici, c’est sans doute parce que le climat est apaisé. Et per- sonne n’est obligé d’aller à la messe” rapporte-t-il. Un constat que semble parta- ger la mère supérieure qui res- te humble : “Oui, on peut dire que ce projet a réussi car il nous situe dans la société et assure à la congrégation un avenir. Il nous a même enrichies, martè- le sœur Marguerite. Les sœurs s’ouvrent aux autres.” Une ouver- ture synonyme de survie éthique et économique. E.Ch.

blissement, bien réputé, est rem- pli. “Et ici, il n’y a pas de diffé- rence de fonc- tionnement par rapport à un autre établisse- ment. La seule différence, peut- être, c’est que les sœurs se plai- gnent moins que les laïques (rires).

“Ce projet nous assure une place dans la société.”

La maison de retraite des sœurs de la Charité, un havre de paix dans le quar- tier Saint- Ferjeux.

Made with FlippingBook Online newsletter