La Presse Bisontine 155 - Juin 2014

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 155 - Juin 2014

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ENTREPRISES

Le président de la C.G.P.M.E. du Doubs “Il faut que les élus arrêtent de croire qu’ils ont la science infuse”

Daniel Petitjean, le président de la C.G.P.M.E. du Doubs, a boycotté une réunion organisée par la députée Barbara Romagnan consacrée à la capacité des entreprises à réduire le chômage. Au-delà de cette polémique et à l’heure du pacte de responsabilité, il estime que le fossé est encore grand entre discours politique et réalité de l’entreprise.

L a Presse Bisontine : Le 18 avril, vous étiez convié à cette conférence-débat consacrée à l’entreprise mais vous avez répondu sévèrement à Barba- ra Romagnan en refusant de participer. Ça partait pourtant d’une bonne intention ? Daniel Petitjean : J’estime que Madame Romagnan a tenu des propos insul- tants, sectaires et méprisants à l’encontre des entreprises et des entre- preneurs, elle qui gagne plus d’argent tous les mois que beaucoup de chefs d’entreprises qui misent parfois tous leurs biens dans leur entreprise. Quand elle affirme que “l’entreprise est au centre des conflits entre actionnaires et salariés sur le partage des profits” que croit-elle ? Que les P.M.E. ont des actionnaires et qu’elles distribuent for- cément des profits ? Quand elle affir- me aussi que “les entreprises n’ont aucun moyen de créer elles-mêmes de l’emploi”, que pense-t-elle ? Que nous les chefs de petites entreprises nous

attendons sur les pouvoirs publics pour créer de l’emploi ? Quand elle affirme que “la vision des entreprises est sou- vent occultée par l’expression publique des organisations patronales dites représentatives”, elle ne fait pas autre chose que de remettre en cause le prin- cipe même du paritarisme. Tous ces propos étaient déplacés, on ne peut pas laisser passer des choses comme ça et il était évident qu’on ne partici- perait pas à ce débat. Je le lui ai fait savoir. L.P.B. : Et quelle a été sa réaction ? D.P. : Elle m’a rappelé la semaine sui- vante en reconnaissant qu’elle avait été maladroite en utilisant des mots qui ont pu être blessants. J’apprécie l’indépendance d’esprit de Barbara Romagnan mais là, c’était vraiment trop. Comme tous les gens un peu radi- caux, elle pose peut-être les bonnes questions mais n’a sans doute pas les

Daniel Petitjean, président de la C.G.P.M.E. du Doubs dirige une entreprise de bureautique à Besançon.

et également le fait de ne plus être au cœur des décisions qui les concerne. Des dispositifs comme la B.P.I., la V.A.E., c’est bien, mais les P.M.E. ne se sentent pas impliqués par des dis- positifs que se sont appropriés des structures régionales et non plus locales. L.P.B. : Quels sont les secteurs d’activité qui souffrent le plus dans le Doubs ? D.P. : En premier lieu le transport qui rencontre de grosses difficultés. Tout ce qui est rattaché à l’immobilier tra- verse également une période difficile. Dans l’industrie, on a l’impression que les choses se sont un peu stabilisées. La vraie question de fond est de savoir si en France il y a encore la possibili- té de se développer. Le groupe Total (on est loin de la P.M.E.) qui fait des bénéfices records, perd de l’argent en France. C’est à l’étranger qu’il se déve- loppe. Un autre risque réel est la fui- te des compétences de notre pays. Cela pose en filigrane la question de la péren- nité de nos entreprises au moment d’être transmises. L.P.B. : Avec 120 adhérents seulement, la C.G.P.M.E. du Doubs n’est pas au mieux de sa forme ? D.P. : En effet nous manquons de sou- tien. Le niveau régional prend de plus en plus d’importance. Nous travaillons actuellement à trouver des référents sur le secteur de Montbéliard et du Haut-Doubs afin de renforcer notre action au bénéfice des P.M.E. du Doubs et de leurs dirigeants. L.P.B. : Quel regard portez-vous sur l’Europe alors qu’on élit en ce moment le futur Parle- ment européen ? D.P. : Je n’ai pas peur de dire que j’avais voté contre Maastricht en son temps. Car je reste persuadé qu’avant de vou- loir faire une Europe politique, il était nécessaire que les douze pays de l’époque fassent d’abord une Europe économique et sociale. Aujourd’hui à 28 pays, il y a une sorte de concurrence malsaine au sein même de l’Europe, qui est très néfaste. Les choses ont été faites à l’envers. Propos recueillis par J.-F.H.

bonnes réponses. Et des chefs d’entreprise de sensibilité de gauche ont eux aussi été choqués par ses pro- pos. En plus, les chefs d’entreprise qu’elle avait invités à témoigner étaient deux entrepreneurs à forte sensibili- té de gauche qui venaient de Toulou- se, comme s’il n’y avait pas assez de chefs d’entreprises dans notre région. Mais je ne fais de cet épisode ni une affaire personnelle, ni une affaire d’État. La polémique est close. Cela révèle jus- te une vision tronquée de l’entreprise. C’est d’autant plus gênant que ce sont ces mêmes députés qui votent les lois qui s’appliqueront ensuite aux entre- prises. Il faut que les élus arrêtent de croire qu’ils ont la science infuse. L.P.B. Le fameux pacte de responsabilité va être voté en juin. Qu’en attendent les P.M.E. ? D.P. : J’ai tout de même l’impression qu’une prise de conscience a enfin eu lieu. Après avoir malmené les entre- prises, les dirigeants politiques s’aperçoivent qu’ils peuvent difficile- ment faire sans eux et que l’emploi, c’est bien les entreprises qui allaient le créer. Les deux grandes questions qui demeurent, c’est quand ce pacte sera mis en œuvre et comment ? Car sans la croissance, rien ne se fera. On

a vu qu’avec une crois- sance zéro au premier trimestre, rien ne pour- ra se passer. Et ce n’est pas par des impôts que les choses s’amélioreront, il faut commencer par des économies. Que fait une entreprise quand ça va mal ? Elle réduit son train de vie.À par- tir de là, les choses se feront. L.P.B. : Comment se por- tent les P.M.E. du Doubs ? D.P. : Il y en a qui vont très bien, d’autres qui souffrent. La princi- pale préoccupation de ces dernières est le manque de visibilité

“Cela révèle juste une vision tronquée de l’entreprise.”

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