La Presse Bisontine 155 - Juin 2014

BESANÇON 10

La Presse Bisontine n° 155 - Juin 2014

IMPÔTS

Déclaration sur le revenu

“On rogne petit à petit les avantages fiscaux dont bénéficient les familles” Bernard Gaulard, trésorier de l’Union départementale des Associations Familiales (U.D.A.F. 25) observe que la pression fiscale ne cesse d’augmenter sur les ménages dont beaucoup sont dans des situations difficiles.

L a Presse Bisontine : Les contri- buables découvrent en ce moment leur feuille d’impôts. Quelles sont les mauvaises surprises de la déclaration 2013 ? Bernard Gaulard : Désormais, la com- plémentaire santé est imposée. Ce complément de revenu qui était considéré comme tel, sans être impo- sé jusque-là, entre maintenant dans la catégorie des avantages en natu- re. Cette mesure a encore plus d’impact sur les contribuables du fait que le législateur rend obliga- toire la complémentaire santé. Parmi les changements, il y a éga- lement l’abaissement du plafond du quotient familial qui passe de 2 000 euros à 1 500 euros.Avec cet- te mécanique, on diminue la mesu- re fiscale qui consiste à prendre en compte la charge familiale dans le calcul de l’impôt. À l’évidence, on rogne petit à petit les avantages fiscaux dont bénéficient les familles. C’est d’autant plus difficile pour elles de subir la pression fiscale qu’elles comprennent mal notre système fiscal qui est d’une gran- de complexité.

personne qui en paye déjà et qui en paiera un peu plus. L.P.B. : Les associations familiales deman- dent-elles à l’État de simplifier le systè- me fiscal afin de le rendre à la fois plus lisible et peut-être plus juste ? B.G. : Personne n’ose dire de clari- fier ce système qui est tellement complexe. En revanche, il sera sans cesse modifié afin de l’adapter au contexte. Néanmoins, les associa- tions familiales demandent aux élus d’être attentifs aux consé- quences sur les familles lorsqu’ils décident de modifier la fiscalité. C’est le message que nous leur fai- sons passer. À la question est-ce qu’un système fiscal simple serait forcément plus juste, ce n’est pas sûr. L.P.B. : Ce message de prudence envoyé aux élus, y compris aux élus locaux est- il entendu ? B.G. : L’U.N.A.F. (union nationale des associations familiales) a eu du mal à se faire entendre, mais elle a obtenu gain de cause sur les allo- cations familiales qui ne seront pas fiscalisées alors que cela était dans

L.P.B. : Les retraités ne sont pas non plus épargnés avec la fiscalisation de la majo- ration pour enfants à charge ? B.G. : La majoration pour enfants à charges a été prévue pour les familles de trois enfants et plus. Elles perçoivent un complément de retraite de 10 % qui n’était pas imposable, mais qui le devient dans

la déclaration de revenus 2013. Par conséquent, des retraités se retrou- vent soumis à l’impôt avec tout ce qui en découle, alors qu’ils ne l’étaient pas. En changeant de caté- gorie, ils vont devoir payer par exemple la redevance télé, la C.S.G.-C.R.D.S. Cela risque d’être diffici- le pour ces ménages. C’est toujours plus compliqué pour une personne qui ne payait pas d’impôts et qui va devoir en payer, que pour une

“Gain de cause sur les

Lucie Troutet, chargée de communication à l’U.D.A.F., Bernard Gaulard, trésorier et Christophe Marichial, directeur général de l’U.D.A.F.

allocations familiales.”

les projets du gouvernement.

l’appliquer. Le paradoxe est qu’il y a actuellement plus de mesures pour soumettre les ménages à l’impôt. Le risque, au regard des évolutions fiscales, est qu’on finis- se par intégrer plus de personnes dans la catégorie de celles qui paient des impôts qu’à en faire sortir. L.P.B. :Avez-vous le sentiment que l’intérêt collectif a perdu du terrain sur l’intérêt individuel notamment à cause de la poli- tique fiscale ? B.G. : Oui, nous sommes dans une société très individualiste. Nous avons réalisé une enquête auprès des adolescents qui montre bien cela. En résumé, les jeunes ont confiance en leur avenir, mais ils n’ont pas confiance en l’avenir de leur pays. Le principe de solida- rité est de moins en moins bien compris.Ceux qui paient des impôts ont tellement l’impression de payer pour les autres qu’ils finissent par admettre qu’un impôt indirect com- me la T.V.A. est le plus juste de tous car tout le monde le paye. Or, il est très inégalitaire. L.P.B. : Avec tout cela, les familles ont- elles encore le moral ? B.G. : Je pense que la majorité des familles gardent le moral malgré le contexte. Elles s’habituent à la situation et en même temps, elles doivent continuer à avancer.Mais actuellement àBesançon,un enfant sur trois vit dans une famille qui est en dessous du seuil de pau- vreté. L.P.B. : L’U.D.A.F. accompagne également les familles en situation de surendette- ment.Assistez-vous à une recrudescence du nombre de ménages en difficulté ? B.G. : On observe une légère aug- mentation du surendettement. L’activité augmente au cours du premier trimestre. Les dossiers concernent deux catégories de per- sonnes : celles qui n’ont pas d’activité professionnelle et qui se trouvent dans une situation de surendettement, et celles qui ont recours à des crédits sans se poser la question de savoir comment elles vont faire pour les payer.

Le chiffre de l’Union

L.P.B. : Où est la vérité dans ce double discours qui d’un côté assure que les impôts n’augmenteront pas et de l’autre qui remarque que la pression fiscale ne cesse de s’accentuer ? B.G. : Entre 2010 et 2012, les impôts ont augmenté de 30 mil- liards en France et autant de 2012 à 2014. Nous sommes dans une situation économique diffi- cile, et la pression fiscale s’accentue indéniablement sur les ménages. En 2010 par exemple, ils supportaient 56 % de la fiscalité locale. Un chiffre qui est passé à 67 % en 2012. Les 33 % restant sont des impôts économiques.La taxe d’habitation a été multipliée par 2 en 12 ans et la gestion des déchets par 4. L.P.B. : Vous parlez de fiscalité locale. Pendant les municipales, le leitmotiv des candidats était de ne pas aug- menter les impôts. Mais ce message est-il crédible au regard de ces chiffres ? B.G. : Pour dire que les impôts n’augmenteront pas, il faut d’abord avoir une connaissance précise du budget et dumontant des engagements pris par les prédécesseurs. Or, il y a beau- coup de communes, au regard du contexte, où il n’y a pas d’autres choix que d’augmenter les impôts. L.P.B. : L’U.D.A.F. a réalisé une enquê- te sur la taxe d’habitation dans les communes du Doubs. Que faut-il en retenir ? B.G. : Nous avons fait une enquê- te auprès de 120 communes du Doubs à propos de la taxe d’habitation. 40 collectivités ont répondu. Nous avons pu consta- ter que très peu de communes pratiquent des abattements par- ticuliers. Nous n’en avons trou- vé que six par exemple, qui appli- quent un abattement pour les personnes handicapées. L.P.B. :Le premier ministre ManuelValls a annoncé qu’il ferait sortir 650 000 ménages de l’impôt sur le revenu. Que pensez-vous de cette mesure ? B.G. : Oui, cette mesure va dans le bon sens. La limite provient sans doute de la difficulté à

Nationale des Associations Familiales En 2014, les hausses de la T.V.A. augmenteront de 80 à 139 euros le coût de la vie décente pour les familles-types de l’U.N.A.F. Les postes “loisirs et culture”, “transport”, “logement” et “éducation” représentent les 4/5 èmes de cette hausse. Selon l’U.N.A.F., un couple avec deux enfants paie 2 985 euros par an de T.V.A. et 4 307 euros par an s’il en a quatre.

Propos recueillis par T.C.

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