La Presse Bisontine 146 - Septembre 2013

La Presse Bisontine n° 146 - Septembre 2013 L’ÉVÉNEMENT IMMIGRATION : QUELLE RÉPONSE FACE À L’URGENCE ? Avec 350 demandes de droit d’asile depuis le début d’année, Besançon connaît un afflux historique de personnes en situation irrégulière qu’elle tente de gérer. Malgré 100 places supplémen- taires ouvertes, les centres d’accueil sont saturés, obligeant des familles exilées à camper dans des tentes, comme ici au centre de Besançon. Malgré cette précarité, la préfecture dit suivre sociale- ment ces personnes. Elle réduit le délai d’instruction des dossiers à 15 jours contre trois mois dans les autres départements. Un enfant, malade d’un rein, a obtenu une place à l’hôpital. Est-ce le prélude à de nouveaux campements ou squats illégaux ?

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EXILÉS

En attente d’une aide, ils campent au centre-ville

EXILÉS Joël Mathurin, secrétaire général de la préfecture du Doubs

Installés depuis deux mois dans des tentes Elles disent venir du

“Les situations préoccupantes sont identifiées” Le secrétaire général de la préfecture rappelle que tout est mis en œuvre pour répondre à cette urgence. L a Presse Bisontine : Pourquoi ces personnes qui ont déposé un dos- sier de demandeur d’asile ne sont-elles pas en centre d’accueil ? Quand leur proposera-t-on une solution ? Joël Mathurin : À lʼheure où je vous parle, le dispositif dʼhéberge- ment dans le Doubs est saturé, même si 100 places supplé- mentaires ont été ouvertes. Nous avons déjà reçu 350 demandes de droit dʼasile (en août) alors que nous étions à 330 demandes pour toute lʼannée 2012. Ces personnes, nous les connaissons par le 115 et essayons de trouver des solutions pour les plus fra- giles (enfants, personnes malades). Elles seront prises en char- ge quand des places se libéreront, jʼespère dans moins dʼun mois. Les places en centre dʼaccueil se libèrent lorsque des personnes sont déboutées du droit dʼasile. Nous avons éloigné 115 per- sonnes à ce jour. L.P.B. : Comment expliquer cet afflux soudain à Besan- çon ?

L e soleil frappe fort sur les rem- parts des Glacis en cette fin d’été, mais rien ne dit qu’à l’arrivée de l’automne, ces personnes auront un toit sous lequel s’abriter. Les hommes sont cachés à l’ombre avec ces personnes qui espèrent obtenir le droit d’asile. Kosovo. Sept familles ont planté leurs tentes dans le parc des Glacis à Besançon, entre la gare Viotte et le centre-ville. Rencontre

recherchent : “l’asile politique”. À la ques- tion de savoir comment ils subsistent, c’est une femme maîtrisant le français qui répond : “Tous les jours, nous allons man- ger au C.C.A.S.” explique-t-elle. Soudain, l’un d’entre eux nous tend un télé- phone portable. Au bout du combiné, une personne joue les interprètes : “Parmi ces sept familles, nous avons deux personnes malades. Un enfant, et un adulte qui a mal aux poumons” dit-elle tout en expliquant que ces individus ont atterri à Besançon pour espérer des jours meilleurs. Juste avant que nous bouclions ces lignes, l’en- fant malade que nous avions rencontré a trouvé une place à l’hôpital grâce aux ser- vices du Département et de l’État. Atteint à un rein, il sera soigné à Besançon avec sa famille à ses côtés. Selon leur interprète, ces exilés sont arri- vés en France après avoir payé des inter- médiaires. “Le Kosovo, c’est de la merde” (sic) lance un garçon de la bande. En atten- dant, tous patientent en attendant la répon- se pour savoir si oui ou non ils pourront rester sur le sol français. Si la mairie n’a pas compétence en matiè- re de placement en centre d’accueil, rôle régalien, elle leur vient en aide. Les ser- vices sociaux vont d’ici peu engager un recensement : “Nous devons savoir qui ils sont. Sont-ils en attente de régularisation ? Sont-ils déboutés du droit d’asile ? Nous devons savoir si ce sont des Roms de Rou- manie, de Bulgarie ou du Kosovo. Ce n’est pas simple” explique Marie-Noëlle Schoel- ler, élue responsable des questions sociales à la Ville. Inquiète il y a quelques mois de l’afflux croissant de demandeurs d’asile à Besan- çon (jusqu’à 80 personnes par mois), la pre- mière adjointe estime que ce chiffre a dimi- nué depuis quatre mois car “beaucoup sont partis en direction de Lyon. Il y a eu un effet pervers car notre département a été bien classé dans l’accueil.” Ouvert en urgence l’automne dernier pour recevoir ces exilés, l’hôpital Saint-Jacques désaffecté devrait à nouveau abriter ces personnes durant l’hiver. E.Ch.

d’un arbre et jouent aux cartes pendant que les femmes discutent devant leurs tentes. Depuis deux mois, environ vingt-cinq per- sonnes ont élu domicile dans un coin de verdure au cœur de Besançon. Ils ont plan- té 11 tentes aux Glacis sur l’espace public, en totale illégalité. À défaut de mieux (une place en centre d’accueil et d’hébergement), ces hommes, femmes et enfants dorment à même le sol. Parmi eux, certains maî-

trisent l’anglais. La dis- cussion peut débuter. Le représentant du groupe, la trentaine, évoque leur arrivée et leur mode de vie : “On dort dans les tentes depuis deux mois” dit- il. Rapidement, les autres membres se joi- gnent à la conversation et expliquent ce qu’ils

“Sont-ils en attente de régularisation ?”

“85 % d’avis négatifs.”

J.M. : Lyon et Dijon sont en hypersaturation. Les situations sont très inégalement réparties sur le territoire. En France, cʼest seulement 8 % dʼévo- lution par an (contre 40 % à Besançon). Voilà pourquoi on retrouve des squats ou des campe- ments illégaux comme à Lyon. Il faut une solida- rité interdépartementale. L.P.B. : Lorsqu’un dossier de demande d’asile est dépo- sé, quel délai faut-il pour qu’il soit traité ? J.M. : Il y a une volonté forte du préfet de traiter les dossiers en quinze jours. On gagne du temps car cʼest au minimum deux mois dans les autres départements. Ainsi, on ne donne pas de faux espoirs (85 % des avis sont négatifs). Et pour les avis positifs, nous le disons rapidement afin que les personnes puissent sʼinsérer. Nous travaillons le plus finement autour de ces questions. Je viens, avec le Conseil général, de conduire un jeune (du campement des Glacis) à lʼhôpital afin quʼil puis- se être dialysé. Les situations préoccupantes sont identifiées. Propos recueillis par E.Ch.

Des tentes pour unique maison, plantées dans le parc des Glacis, en contrebas de la gare Viotte.

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