La Presse Bisontine 146 - Septembre 2013

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 146 - Septembre 2013

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ASSOCIATION Solidarité femmes Édith Mougin, au nom des femmes Médecin à Planoise pendant 35 ans, longtemps présidente de l’association Solidarité Femmes qui accueille les femmes victimes de violence, elle-même touchée par ce fléau, Édith Mougin a été décorée de l’ordre national du mérite. Au nom de toutes ces femmes.

À la fin des années soixante-dix, être une femme et s’installer en tant que médecin à Planoise était plutôt un choix original. Fraîchement diplômée, c’est pourtant la décision qu’a prise Édith Mougin en 1978 en rejoignant le cabinet de deux autres femmes médecins, Mar- tine Bultot et Françoise Gayet. Femmes médecins et militantes du syndicat de la médecine générale, ultra-minoritaire à l’époque, qui défen- dait notamment une médecine non payée à l’acte et une prise en charge de la prévention. Autant dire qu’elles n’étaient pas forcément vues d’un œil bienveillant par les doctes praticiens masculins. En pleine période post- soixante-huitarde, ces féministes pur jus étaient aussi les ennemies intimes de ces chirurgiens du C.H.U. de Besan- çon qui refusaient catégoriquement de pratiquer les I.V.G. que la loi auto- risait pourtant depuis quatre ans.

Alors, avec quelques autres méde- cins, elle et ses copines venaient assurer l’application de cette loi Veil dans les locaux de l’hôpital. L’esprit militant d’Édith Mougin l’a conduit à s’impliquer dès le milieu des années quatre-vingt au sein de l’association Solidarité Femmes créée quelques années plus tôt à Besan- çon. Elle s’y consacre depuis 25 ans, vient seulement de laisser son pos- te de présidente de cette association qui reçoit les femmes victimes de viol ou de violences conjugales. À l’époque, c’est dans un petit appar- tement de la rue Charles-Nodier mis à disposition par la mairie que les bénévoles de l’association reçoivent ces victimes dont le témoignage et le vécu confinent souvent à l’insupportable. Aujourd’hui, c’est au 15, rue des Roses à Palente que l’association reçoit ces femmes meur- tries qui disposent pour elles et par-

Édith Mougin, qui se qualifie de “féministe à l’ancienne”, entame une retraite qui risque d’être plutôt active…

fois leurs enfants, d’une trentaine de places d’hébergement pour deux mois, six mois, un an ou parfois deux ans. “L’an dernier, nous avons hébergé 36 femmes et 51 enfants, soit un taux d’occupation de 102 %. Nous avons eu 286 demandes d’hébergement” indique Édith Mougin. Par son impli- cation dans l’association, Édith Mou- gin a peut-être également voulu exor- ciser son propre drame, un viol, “domination ultime subie dans le silen- ce de peur de réveiller ma petite fille dormant dans la chambre à côté” témoigne-t-elle. Vingt-cinq-ans plus tard, cette ques- tion des violences faites aux femmes est toujours aussi présente, même si elle sort peu à peu de l’ombre. Ces violences seraient la première cause de décès et d’invalidité des femmes entre 16 et 44 ans. Une récente étu- de des services de police et de gen- darmerie fait état pour la seule année 2012 de 174 décès dus aux violences conjugales. 148 femmes sont mortes sous les coups, soit une femme tous les deux à trois jours. Quelques hommes ont également succombé aux coups de leur femme, ils sont au nombre de 26, mais sur ces 26 cas, 17 des auteurs féminins avaient d’abord été elles-mêmes victimes de violen- ce. “Ces questions sortent peu à peu de la sphère privée et c’est tant mieux. Une loi-cadre a été présentée au début de l’été. Mais en même temps, le gou- vernement aura-t-il les moyens finan- ciers de tenir tous ses engagements ?” se demande ÉdithMougin. Une preu- ve : l’association Solidarité Femmes à Besançon a vu la subvention que lui alloue la délégation ministérielle aux Droits des Femmes fondre de moi- tié cette année et le numéro national “39 19” mis en place pour les victimes subira une baisse de ses horaires de

fonctionnement. Retraitée depuis trois mois, Édith Mougin n’en a pas pour autant mis ses convictions au repos. Elle garde profondément chevillée au corps sa fibre féministe. “Je me revendique tout à fait des féministes “à l’ancienne”, nées avec le M.L.F. Cette sensibilité vient de la fin de mes études, à une époque où quand on n’était pas fils ou fille de médecin, on avait l’impression qu’on ne nous expliquait pas tout pendant nos études… Les femmes me sont toujours apparues comme des êtres formidables avec une force de vie impressionnante. Com- bien ai-je croisé de femmes àmon cabi- net de Planoise qui vivaient seules avec trois ou quatre gamins et qui fai- saient front avec courage” admire cet- te jeune retraitée de la médecine, grand-mère pour la première fois depuis le début de l’été.

“Les femmes me sont toujours apparues comme des êtres formidables.”

La “chevalière” dans l’ordre national du mérite, une récom- pense qu’elle a reçue fin juin en présence de l’ancienne secré- taire d’État Paulette Guinchard, a d’autres projets en tête. Tout juste a-t-elle tourné la page de son cabi- net médical de Pla- noise qu’elle pense à un nouveau challen- ge, encore une fois tournée vers les autres. “Je vais cer- tainement m’engager à Médecins du Mon- de” souffle-t-elle.Mili- tante un jour, mili- tante toujours… J.-F.H.

Pour contacter Solidarité Femmes : 03 81 81 03 90

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