La Presse Bisontine 146 - Septembre 2013

22 DOSSIER

La Presse Bisontine n° 146 - Septembre 2013

COMMENTAIRE Patrick Genre “Il est normal que des agents se sentent mal à l’aise”

REPÈRES Les résultats de l’enquête de la C.F.D.T. Interco Pontarlier En 2012, le syndicat C.F.D.T. Interco a distribué un questionnaire à tous les agents de la mairie de Pontarlier. 80 % ont répondu anonymement. Voici le détail des résultats qui donne une idée de l’état de la fonction publique à Pon- tarlier et de l’ambiance qui y règne. 1 - De votre travail vous pensez que : à 26 %, vous avez trop de travail à 23 % on vous demande trop par rapport à votre grade à 9 % vous avez le sentiment d’être au placard à 45 % votre travail est mal défini par votre hiérarchie à 47 % vous effectuez des tâches qui ne sont pas de votre ressort à 44 % vous vous impliquez dans votre travail, mais vous avez le sentiment de n’être pas reconnu à 48 % vous recevez des ordres contradictoires à 98 % la relation avec l’encadrement est difficile à 33 % vous avez le sentiment d’être mal informé 2 - Votre temps de travail - Vous êtes 72 % à faire des heures en plus de votre temps de service qui sont à 27 % imposées

Le maire de Pontarlier a pris connaissance de l’enquête réalisée par le syndicat C.F.D.T. qui met en évidence des difficultés dans les rapports hiérarchiques au sein de la collectivité qu’il dirige. Il en commente les conclusions.

L a Presse Bisontine : Que pensez- vous de l’initiative du syndicat C.F.D.T. Interco qui réalisé une enquête sur “la vie au travail” auprès des agents de la ville et de la C.C.L. ? Patrick Genre : Je n’ai pas de commentaire à faire. Cette enquête fait partie des mis- sions d’un syndicat d’établir, à un moment donné, une sorte de carto- graphie du personnel. Cela ne me heurte pas. Il y a un bémol cepen- dant, propre à ce genre d’exercice, c’est la façon dont les questions sont formulées qui peut orienter les réponses. Si dans cette enquête des choses sont positives et d’autres néga- tives, elle ne reflète pas ce que pen- se tout le personnel, puisque tout le monde n’a pas été interrogé. L.P.B. : 98 % des agents disent que les rela- tions avec l’encadrement sont difficiles. C’est très important. Êtes-vous surpris ? P.G. : Oui et non car je ne sais pas dans quelle disposition était le per- sonnel qui a répondu. Je vous l’ai dit, je me méfie des questions sur les rela- tions au travail. À l’inverse, le syn- dicat n’a pas interrogé la hiérarchie pour savoir ce qu’elle pensait des agents. Peut-être qu’à 90%, elle aurait manifesté un mécontentement. Il faut donc être prudent. Ce qui est juste, c’est qu’il y a une évolution très forte dans la fonction publique. Les chefs de service sont là pour faire appliquer la politique demandée. Les agents doivent faire preuve de capa-

cité d’adaptation, de polyvalence, de mobilité, je peux comprendre que cela puisse poser des problèmes. Il peut y avoir des éléments d’incompréhension. L.P.B. : Ces tensions sont-elles normales ? P.G. : La communauté de communes du Larmont et la mairie qui parta- gent des services mutualisés comp- tent 450 salariés. C’est une entre- prise dans la laquelle des gens se sentent bien, d’autres moins, certains ont des ambitions, d’autres pas, d’autres encore ressentent des diffi- cultés avec leur hiérarchie ce qui n’est pas le cas de tous. Dans une organisation de cette taille, ces sen- timents sont normaux. C’est le lot quotidien de tout groupe humain important. L.P.B. : La mairie et la C.C.L. sont-elles en train d’adopter le même fonctionnement que les entreprises privées ? P.G. : Je parle de rentabilité, d’efficience, de productivité. Nous n’avons plus le choix aujourd’hui que d’appliquer ces règles-là au regard de nos contraintes budgétaires. On se doit d’évoluer et faire en sorte de rendre un service public de qualité et en coû- tant moins cher à la collectivité. Notre chiffre d’affaires provient principa- lement de la fiscalité. Je ne peux pas augmenter les impôts pour couvrir les dépenses de fonctionnement. Il est normal que les agents se sentent mal à l’aise. Tous les ans, je leur pré-

- Vous êtes 12 % à emporter du travail à la maison - Vous êtes 12 % à avoir un temps de travail non choisi 3- Les aspects de votre travail Ce qui vous motive : à 76 % le contact avec le public à 74 % les horaires à 73 % l’ambiance avec les collègues à 72 % l’intérêt du travail

sente le budget pour qu’ils mesurent l’environnement économique dans lequel nous sommes. C’est un chan- gement de culture qui peut prendre plusieurs années. Je note que les syn- dicats ont su évoluer dans leur approche. L.P.B. : Allez-vous tenir compte cependant des informations fournies par cette enquê- te dans la gestion des ressources humaines ? P.G. : L’enquête dégage des grandes lignes. Cela peut aider à la prise de décisions. Je précise que chaque année, le médecin du travail nous remet un rapport. En comparant les deux enquêtes, on s’aperçoit qu’il y a des éléments de comparaison. Propos recueillis par T.C. Patrick Genre : “C’est un changement de culture qui peut prendre plusieurs années.”

Ce qui vous démotive : à 52 % les perspectives professionnelles à 41 % la relation avec la hiérarchie à 34 % la charge de travail 4 - Ce qui vous dérange le plus dans votre environnement professionnel : à 31 % la chaleur et/ou le froid à 30 % le bruit à 24 % le port de charges lourdes En ce qui concerne la pénibilité, vous dites : à 46 % qu’elle est plutôt forte à très forte à 10 % que le travail est très stressant et vous le vivez de plus en plus mal

à 33 % que vous êtes stressés mais que vous vous en sortez à 26 % que le travail est plutôt mauvais pour la santé

Source C.F.D.T. Interco

DÉPART

7 à 8 % des effectifs Ils quittent la fonction publique pour un travail en Suisse

Une trentaine d’agents de la fonction publique territoriale de la ville et de la C.C.L. bénéficient, pour la plupart, d’une disponibilité pour convenances personnelles. Un régime particulier qui leur permet d’aller travailler dans des entreprises en France ou en Suisse, tout en gardant un statut de fonctionnaire.

L a sécurité de l’emploi ne suffit plus à retenir les fonctionnaires. La ville de Pontarlier et la communau- té de communes de Larmont sont confrontées au départ de collaborateurs qui quittent leur fonction pour aller travailler en Suisse. “Le niveau de rémuné- ration, moins de 1 200 euros par mois pour certains agents, et la difficulté d’obtenir aujourd’hui une promotion, sont deux fac- teurs qui encouragent le per- sonnel à quitter la fonction publique territoriale pour ten- ter sa chance en Suisse” remarque Le syndicat C.F.D.T. Interco. Mais à la différence des salariés du privé, les fonction- naires ne sont pas contraints de démissionner pour aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Ils peuvent demander une “dis- ponibilité pour convenances per-

sonnelles” dont la durée maxi- male est de dix ans. Ce régime leur permet d’être embauchés dans une entreprise, en Fran- ce ou en Suisse, sans perdre le statut de fonctionnaire. Pendant cette période, la mairie qui les employait ne les rémunère plus. En revanche, elle doit réinté- grer ses ex-collaborateurs s’ils décident de revenir à leurs anciennes amours : la fonction publique. Ces départs sont gérables pour une collectivité quand ils sont rares. Mais cela devient vite un casse-tête lorsqu’ils sont anor- malement nombreux comme c’est le cas à la ville de Pontar- lier et à la C.C.L. qui partagent le même service des ressources humaines. “Actuellement, une trentaine d’agents sont en dis- ponibilité, dont la plupart le sont pour convenances personnelles.

de sa disponibi- lité. “Qui dit départ, dit recru- tement d’un C.D.D. qui sera titularisé dans le temps. Le risque que l’on prend en procédant ainsi est de se retrou- ver un jour à n’avoir qu’un poste pour deux personnes” obser- ve Patrick Gen- re. Le cas s’est déjà produit. C’est justement pour gérer le sur- nombre, que la

Cela représente 7 à 8 % des effec- tifs, et le phénomène s’accélère ! Beaucoup vont en Suisse. On fait face au même problème que les entreprises françaises de la bande frontalière” déplore le maire, Patrick Genre, qui a déci- dé de réagir. “Je commence à refuser les disponibilités pour convenances personnelles, car ces départs déstabilisent les ser- vices. Désormais, je considère que le fonctionnaire qui veut partir dans le privé doit assu- mer son choix et démissionner de la fonction publique.” La col- lectivité fait encore preuve de compréhension vis-à-vis de ceux qui s’en vont pour créer leur entreprise car ils prennent un risque. L’ambiguïté du système pour la municipalité (comme pour la C.C.L.) est qu’elle doit rempla- cer l’agent en question le temps

Les disponibilités refusées par le maire.

ville de Pontarlier a dû imagi- ner un pôle de remplacement qui lui permet de réintégrer ses ex-agents. Ce pôle compte actuel- lement trois personnes.

La proximité avec la Suisse tente les agents de la fonction publique de Pontarlier d’aller chercher un emploi mieux rémunéré de l’autre côté de la frontière.

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