La Presse Bisontine 146 - Septembre 2013

DOSSIER I

19 La Presse Bisontine n° 146 - Septembre 2013

ENQUÊTE : LES FONCTIONNAIRES BISONTINS ONT LE BLUES

La fonction publique territoriale n’est plus ce qu’elle était. Le vocabulaire a changé. Désormais, comme dans le pri- vé, on y parle de rentabilité, d’efficience, de productivité, en adoptant parfois les méthodes de management qui vont avec ces mots-là. C’est un changement de culture auquel sont confrontés les agents de la fonction publique que beaucoup vivent assez mal. Une récente enquête de la C.F.D.T. Interco a permis de prendre le pouls des agents dans la fonction publique dans diverses collecti- vités comme le Conseil général, le Conseil régional, les villes de Pontarlier, Besançon, ou Montbéliard. Tous les résultats dans ce dossier.

SOCIAL

Fonction publique territoriale La vie au travail n’est pas toujours rose

Une enquête réalisée par le syndicat C.F.D.T. Inter- co dans différentes collectivités du Doubs met en évidence le malaise éprouvé par les agents de la fonction publique dans l’exercice de leur métier au quotidien. Stress, problème de communication, ordres contradictoires, tensions dans les rapports hiérarchiques, la fonction publique a le blues.

Éric Frelin, Isabelle Bachetti et Dominique

L e syndicat C.F.D.T. Interco a réa- lisé dans le Doubs une enquête intitulée “Votre vie au travail” auprès du personnel de diffé- rentes collectivités. Des agents de toutes les catégories, y compris des cadres, ont été invités à donner leur avis sur la perception qu’ils ont de leur métier et de l’environnement dans lequel ils l’exercent. Ainsi, des fonctionnaires du Conseil général, du Conseil régio- nal, des municipalités de Besançon, Pontarlier, Montbéliard, ou encore de la Communauté d’Agglomération du Grand Besançon ont rempli un ques- tionnaire anonyme, le même pour tous, qui leur a été remis par un délégué syndical. “2 574 personnes ont répon- du. C’est plus de 20 % des salariés de la fonction publique territoriale du Doubs qui compte un peu plus de 10 000 agents. Ce sondage était organisé au niveau national par notre fédération. Nous sommes le département qui a réa- lisé le plus d’enquêtes” se félicite Éric Frelin, secrétaire général de la C.F.D.T. Interco du Doubs. Le syndicat publie les premiers résul- tats de ce travail réalisé sur plusieurs mois dans les différentes collectivités.

Il apparaît que si globalement la plu- part des agents sont toujours motivés par le fait de participer à une mission de service public, beaucoup recon- naissent que l’exercice quotidien de leur métier est perturbé par un cer- tain nombre de problèmes qui les frei- nent dans leur enthousiasme. Quels que soient le service et la collectivité, la C.F.D.T. Interco a mis en évidence des critiques communes émises par les fonctionnaires territoriaux comme la charge de travail trop importante et des perspectives de carrière peu

Aubry-Frelin, de la C.F.D.T. Interco du Doubs.

estiment recevoir des ordres contra- dictoires, conséquence de la double hiérarchie à laquelle ils sont soumis : celle de la Région qui gère les lycées d’un côté et de l’autre, celle de l’Éducation nationale qui les anime. Cette question de la double hiérarchie serait moins sensible dans les collèges qui relèvent de la compétence du Conseil général. L’autre enseignement de cette enquê- te est que beaucoup d’agents estiment que la relation avec l’encadrement est difficile. Ils sont 98 % à exprimer ce mécontentement à la mairie de Pon- tarlier, c’est le pourcentage le plus fort parmi toutes les enquêtes menées par le syndicat dans le Doubs. “Ces pro- blèmes relationnels résultent surtout de difficultés de communication entre la hiérarchie et les agents. C’est dans la transmission de l’information que

à un changement de culture “d’entreprise” dans la fonction publique gérée désormais comme “une société privée” observent les représentants syndicaux. Des mots comme rentabi- lité, productivité, objectifs, font partie du vocabulaire. Les habitudes d’antan sont bousculées. “Le problème est que les cadres adoptent des méthodes de management qui ont été abandonnées dans le privé. C’est un mauvais copié- collé, de ce qui se faisait dans ce sec- teur” estime Dominique Aubry-Frelin. La C.F.D.T. Interco n’a pas terminé d’analyser les résultats de son enquê- te. Mais elle compte utiliser ce travail comme support à un dialogue avec les élus et les cadres, pour tenter d’améliorer la situation dans les ser- vices où elle a observé le plus de dif- ficultés. T.C.

le bât blesse. On a l’impression qu’ils ne parlent pas la même langue” note Isabelle Bachetti, permanente syndi- cale à la ville de Pontarlier et défen- seur juridique. “On tue toute l’efficacité du service public avec ces problèmes de communication complète Domi- nique Aubry-Frelin. Le souci est que souvent les agents d’exécution se retrou- vent dans les collectivités avec une ribambelle de chefs. Entre le maire, des adjoints qui sortent de leur rôle poli- tique, le directeur général des services, etc., l’agent doit faire le tri dans les ordres. Au Conseil régional, on se bat pour que les élus soient plus précis dans leur demande. Du travail inuti- le est fait, comme ces notes demandées aux agents et qui finissent à la pou- belle.” Ces tensions dans les rapports hié- rarchiques sont liées principalement

attrayantes (46 %) ou le stress (72 %). L’une d’elle concerne le défi- cit de management auquel s’ajoute “un contenu de travail insuf- fisamment défini et des ordres contradictoires. Ils sont 36 % à le dire” remarque Dominique Aubry-Frelin, secrétaire de la section C.F.D.T. Interco du Conseil régional. Par exemple, dans les lycées, 42 % des agents interrogés

Des méthodes abandon- nées dans le privé.

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