La Presse Bisontine 145 - Juillet-Août 2013

LES POINTURES DE LA RECHERCHE

La Presse Bisontine n° 145 - Juillet-août 2013

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BESANÇON

Psychologie sociale et géographie

Pourquoi vivre ici plutôt qu’ailleurs ? Qu’est-ce qui nous influence lorsque l’on choisit son lieu d'habitation ? Au-delà du prix de l’immobilier et des facteurs géographiques, d’autres aspects entrent en jeu comme les souvenirs d’enfance. Chercheurs à l’Université, Pierre Frankhauser et Dominique Ansel ont mené l’enquête.

C ette question de savoir pour- quoi ils résident ici, des Bison- tins se la posent encore. Sur- tout lorsqu’ils lèvent les yeux au ciel en espérant aperce- voir un rayon de soleil après un hiver trop long. L’envie de beau temps est tout sauf le premier critère qui fait que l’on décide d’habiter ici et pas ailleurs. Pour la première fois, des chercheurs français tentent de répondre à cette question. Deux Bisontins sont à l’origine de cette étude qui a été réalisée dans le cadre d’un projet de recherche plu- ridisciplinaire financé par l’Agence Nationale de la recherche : Dominique Ansel, docteur en psychologie sociale et enseignant-chercheur à l’Université de Besançon et Pierre Frankhauser, professeur de géographie. Les deux universitaires ont réussi le pari d’interviewer près de 500 personnes - avec l’aide d'étudiants - demeurant à Besançon et Strasbourg, en ville ou en

périphérie. “La nouveauté dans notre travail est la multidisciplinarité. Nous avons collaboré avec des géographes, des sociologues, des psychologues, des économistes, des médecins” témoigne Dominique Ansel. “Cela n’a pas été simple mais nous sommes heureux d’avoir pu associer différentes disci- plines” ajoute de son côté Pierre Fran- khauser. Les deux ont co-édité un ouvrage paru il y a six mois, destiné avant tout à la recherche en associant une vingtaine d’auteurs issus des dif- férentes disciplines. Si les critères économiques et l’aspect travail incitent à poser ses valises dans un lieu, “ce principe est loin d’être le premier critère” témoigne l’un des auteurs. “Le bien-être de l’individu ne se limite pas au prix du foncier, au nombre de pièces dans le logement, ou à l’image donnée par le fait d’habiter dans tel ou tel espace.” Non, il n’est pas rare que la décision finale du choix de logement réponde “au phénomène de

Pierre Frankhauser, professeur en géographie : “Le choix d’habiter là n'est pas toujours rationnel…”

coup de cœur” avoue le géographe Pier- re Frankhauser. Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est davantage, c’est notre façon de se remémorer son enfance.

même selon qu’ils sont vécus de l’intérieur ou vus d’un autre quartier. Exemple avec le quartier des Clairs- Soleils à Besançon. Malgré une réha- bilitation, son étiquette de quartier difficile le poursuit.Mais à chaque fois, les résidents évoquent des arguments pour montrer qu’ils ont un attache- ment au lieu. L’appartenance à un groupe social est un autre facteur déterminant du choix d’habitation. Perdre son réseau de connaissances, c’est aussi perdre un statut au sein d’un groupe. “Se construi- re une identité spatiale à travers l’implication dans les différents groupes sociaux est un enjeu essentiel” admet Dominique Ansel. L’ouvrage sera bien- tôt publié en anglais et les données sont en cours d’analyses. Si les chercheurs ne peuvent pas affir- mer s’il fait mieux vivre à Besançon ou à Strasbourg, ils ont réussi à déve- lopper un schéma permettant de modé- liser la prise de décision. Un principe important pour penser l’aménagement de l’espace ou les flux migratoires de demain. E.Ch.

“L’éducation mais aussi les lieux où nous avons grandi, le temps que nous y avons passé, nous ont façonnés de manière particulière. On essaye de le reproduire ou de le retrouver.” Selon les études des psychologues, lors- qu’il s’agit d’aller habiter de nouveau quelque part, “nous nous projetons dans ce futur lieu, en tenant compte des aspects émotionnels liés aux expé-

riences passées. Ain- si, un type d’habitat peut être fui si l’affect et les souvenirs sont trop douloureux. S’installer quelque part, c’est en sorte dire : “je viens de là.” Un autre aspect essentiel dans le choix résidentiel est lié à la possibilité de se construire une identité spatiale à travers l’implication dans les différents groupes sociaux. La perception de ces espaces n’est pas la

L’appartenance à un groupe social, autre facteur.

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© Arnaud Castagné

Dominique Ansel apporte le regard “psychologique” à l’étude.

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