La Presse Bisontine 144 - Juin 2013

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 144 - Juin 2013

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BESANÇON

Un blogueur bisontin Toufik de Planoise part en lutte contre l’extrême droite Derrière son

T oufik, voilà un prénom qui a servi à caricaturer le jeune de banlieue jusqu’à l’usure et qui amène une fausse idée du per- sonnage. Lui n’a pas franchement le profil du gringalet en baskets de la cité du Bois Fleuri avec sa casquet- te à l’envers comme dans le sketch d’Élie Sémoun. Ce garçon de vingt ans est un grand balèze décontracté aux cheveux longs. L’humoriste l’a inspi- ré cependant dans le choix de son pseudonyme qu’il a affublé volontai- rement d’un patronyme à particule “de-Planoise”. Un nom “connoté bour- geois” dit-il, plein d’ironie surtout, his- toire de damer le pion aux stéréotypes qui courent sur le compte des quar- tiers urbains et populaires où il vit. Toufik de Planoise habite un appar- pseudonyme, Toufik de Planoise s’attaque sur son blog aux mouvances d’extrême droite en Franche-Comté. Des prises de position risquées, mais qu’il assume.

Toufik-de- Planoise

n’exclut pas de s’engager un jour en politique, lorsqu’il se jugera mûr pour le faire.

tement dans le secteur des Époisses, un environnement à son goût. “Les barres en béton c’est pas le kiff , mais on s’y plaît rapidement si on aban- donne l’idée d’avoir un petit jardin. J’ai une bonne opinion de ce quartier.” Depuis un an, ce gaillard tranquille sévit sur le Net sous ce nomd’emprunt, dissimulant sa véritable identité. Il la garde confidentielle afin d’éviter de s’attirer plus d’ennuis qu’il n’en n’a déjà. “Pour moi, le mal est fait. Me faire casser la gueule, c’est le risque. À la minute où j’ai décidé de créer mon propre blog , je savais ce que j’encourais” annonce Toufik visible- ment préparé à l’idée qu’un jour ou l’autre il va prendre des coups. Il faut dire que son blog n’est pas un espace où l’on s’échange des recettes de cuisine ! Cet étudiant en premiè- re année d’histoire à Besançon, des cours qu’il suit en dilettante, rangé du côté des libertaires mais loin des anarchistes, qui se sent proche de Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière), est parti en guerre contre les mou- vances radicales d’extrême droite, qu’il distingue cependant du Front National de Marine Le Pen, et qui font leur lit en Franche-Comté. “La haine du juif, dumusulman, du franc- maçon, et parfois même du capitalis- me, il y a tout cela derrière ces mou- vements-là. C’est mon job de les combattre. Pour moi, c’est une néces- sité car on ne bâtit pas une société sur l’intolérance” prévient-il. Le respect est une valeur qui compte pour ce jeu- ne homme qui a été élevé dans un environnement anticlérical. Il a déci- dé de se convertir à l’islam, car c’est dans cette religion qu’il a trouvé des réponses à sa quête de philosophie. Mais il n’affiche son appartenance à sa religion dont il cantonne la pra- tique à la sphère privée. Toufik de Planoise ne tombe pas à bras raccourcis sur les néo-Nazis ou les ultranationalistes avec des for- mules toutes faites. En amont, il mène un travail d’enquête, il effectue des recherches pour argumenter de longs

textes sur les groupes identitaires, qu’il publie ensuite son blog . “Je veux rendre compte de ce qui se passe réel- lement et alerter à mon niveau.Actuel- lement, je remarque que les thèses antisionistes progressent chez les jeunes à Planoise. Il y a un travail de conscien- ce à avoir. C’est moche à dire mais dans le contexte actuel, je crains que Marine Le Pen ne finisse par s’imposer comme l’alternative. Voter pour elle est devenu la forme d’insurrection la plus marquée de l’époque” déclare celui qui a commencé à écrire sur Internet il y a cinq ans pour “wiki- pédia” sur des sujets en lien avec Besançon. La “désacralisation” de la culture accélérerait cette lente déri- ve extrémiste. “Il y a un problème de valeur dans les quartiers en particu- lier. On met plus l’accent sur l’apparence et les belles voitures que sur l’histoire de la V ème République.” De son appartement qu’il occupe avec sa mère, il inonde son blog de ses papiers dont beaucoup traitent aus- si de l’actualité de Besançon. La vie de sa ville l’intéresse en premier chef. Il est pour le tram mais regrette la façon “autocratique avec laquelle il a été imposé. La population aurait dû pouvoir décider.” Une position plus politique que Toufik de Planoise assu- me. D’ici cinq ou six ans, il n’exclut pas se présenter à une élection quand il aura gagné en “maturité.” Toufik milite pour la commune libre de Pla- noise. C’est un début. Alors que sa mère l’imagine “buro- crate” , lui confie qu’il ira “bosser par nécessité” comme la plupart de ses concitoyens qui se contenteraient “d’un taf , d’un toit et d’une famille avec des gamins. L’austérité, l’ultralibéralisme, c’est pas avec ça qu’on fait rêver les gens.” Le projet qu’il a en tête est de réaliser un pota- ger solidaire et libertaire dans le quar- tier où chacun cultiverait ce qu’il veut, et pas seulement des idées. T.C.

Les Cordons Bleus en direct de la cuisine de France Bleu Besançon

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francebleu.fr

© Arnaud Castagné

www.toufik-de-planoise.net

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