La Presse Bisontine 144 - Juin 2013

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 144 - Juin 2013

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SOCIÉTÉ

Une première en France

Le handicap n’empêche pas la colocation Ella, Mathilde et Xavier, sont handicapés. Compte tenu de leur situation de dépendance, ils devraient vivre en institution. Mais la détermination de leur parent a permis de répondre aux attentes de ces jeunes qui voulaient vivre dans leur propre appartement.

Ella, Xavier, et Mathilde, les colocataires, entourés de Ilva Sugny, Patricia et Magali, dans l’appartement adapté qu’ils louent au bailleur social Néolia.

M athilde boucle ses valises et quitte son petit appartement de la rue du Pater, au rez- de-chaussée d’une copro- priété. Dans quelques heures, elle sera dans le Cher pour assister au Prin- temps de Bourges.Avant de partir, elle salue amicalement Ella et Xavier ses voisins de palier. Personne ne prête- rait attention à cette scène banale si ces trois jeunes gens n’étaient pas han- dicapés, visuel pour Mathilde et moteur pour Ella et Xavier. Ils ont chacun un peu plus de vingt ans et sont devenus amis. Depuis quelques mois, ils sont en co-location. L’expérience est unique en France. C’est en effet la première fois que des adultes dans cet état de dépendance ne vivent pas en institution spéciali- sée mais dans un appartement dans lequel ils ont chacun leur chambre et leurs habitudes. Ils sont ici chez eux. “C’est très bien. Ce qui me plaît, c’est de pouvoir garder mon autonomie tout en bénéficiant d’un encadrement” remarque Mathilde qui a en projet de travailler à l’E.S.A.T. Le niveau de dépendance des trois colo-

cataires ne leur permet pas de vivre seuls. Cinq personnes qualifiées (auxi- liaire de vie, moniteur éducateur…) se relaient quotidiennement pour les accompagner (la nuit, il n’y a qu’un veilleur). Ces professionnels sont sala- riés de l’A.S.S.A.D. 25 (Accompagne- ment, Soins, Services à Domicile). Cette co-location a pu voir le jour grâ- ce à la résolution de l’association pour les loisirs d’enfants différents mais déterminés (A.L.E.D.D.). “Nos enfants ont grandi. S’est posée pour eux la ques- tion de la vie adulte. Ils ont émis le sou- hait de ne pas aller en foyer. On s’est

général du Doubs de les suivre. Le Département est un partenaire incon- tournable puisqu’il verse la prestation compensatoire du handicap, une indem- nité que perçoivent les personnes han- dicapées. “Aux yeux du Conseil géné- ral, la place d’une personne qui a besoin d’une assistance 24 heures sur 24 est en institution et pas dans un apparte- ment. Jusqu’au mois de juin dernier, on a pensé que ce projet allait capoter. Nous avons dû batailler pour faire bou- ger les lignes. Il y a une demande socia- le qui évolue, il faut l’entendre. Ces adultes handicapés ont le droit vivre comme tout le monde tout en étant com- me personne” insiste Ilva Sugny. après une période d’essai de trois mois, la co-location fonctionne bien. Sa réus-

site est une brèche ouverte dans la pri- se en charge des personnes handica- pées dont certaines ne se sentent pas à leur place en institution. Dans leur appartement, Xavier, Ella et Mathilde sont libres et cela change tout. Le programme de journée leur appartient. Les professionnels qui vivent avec eux les assistent dans leurs déplacements, pour les visites, la cui- sine et diverses tâches de la vie quo- tidienne. “Nous ne sommes pas là pour faire du nursing , mais pour les accom- pagner. Quand Ella va acheter le pain le matin, c’est elle qui demande une baguette et qui paie avec son argent” expliquent Magali, moniteur-éduca- teur et Patricia, auxiliaire de vie, le binôme de l’après-midi. Pour ces pro-

fessionnels, cette nouvelle expérience était aussi l’inconnu. Finalement, cha- cun a pris ses marques, chaque jour ils en mesurent les bienfaits sur les jeunes adultes handicapés. “Nous sommes allés visiter la Cité des arts, ils sont inscrits à la médiathèque, on se balade en ville. On répond à leurs demandes. On les voit progresser. Par exemple, Xavier qui était plutôt timi- de et renfermé, change.” Une fois par semaine, ils vont à l’accueil de jour de l’Association des Paralysés de France. Le week-end, les co-loca- taires quittent la rue du Pater pour rendre visite à leurs parents, avec une envie en tête, retrouver leur “chez eux”. T.C.

dit “pourquoi pas” , après tout c’est une demande que nous pouvons entendre” raconte Ilva Sugny, co-fondatrice de l’A.L.E.D.D. avec Daniè- le Marnadet, et maman d’Ella. Pour mener à bien ce projet de co-location, les parents ont dû user de persuasion pendant des mois pour convaincre en particulier le Conseil

“On les voit progresser.”

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