La Presse Bisontine 140 - Février 2013

ÉCONOMIE 34

La Presse Bisontine n° 140 - Février 2013

résultats des entreprises.Aujourd’hui, pour 220 milliards d’euros d’investissement, les entreprises ver- sent 230 milliards de dividendes. C’est le coût du capital qui pèse sur les entre- prises, plus que le coût du travail. Et sur les aides publiques aux entreprises sont quasi équivalentes en chiffres aux investissements. C’est-à-dire qu’on assiste à un transfert des aides aux investissements. Comme cela, on ne peut pas relancer la croissance. On a donné 6 milliards pendant la crise à Peugeot et à Renault : pour quoi en faire ? Supprimer des emplois et mon- ter des usines ailleurs. Nous sommes dans un système complètement inco- hérent. Propos recueillis par J.-F.H. Cʼest donc pour “étudier le recours éventuels à dʼautres modes de finan- cement” que la Région Franche-Com- té vient de proposer le recours à lʼemprunt obligataire, sur le marché des capitaux, qui a vocation à être placé auprès dʼun large nombre dʼinvestisseurs, institutionnels (banques, compagnies dʼassurances, fonds de pension…) ou particuliers. Mais “lʼaccès au marché obligataire public nécessite généralement des montants importants et lʼémetteur doit disposer préalablement dʼune nota- tion” indique la Région. Dʼoù la néces- sité de recourir à ces fameuses agences de notation : les agences de référence sur le marché des collecti- vités locales sont Standard and Poorʼs et Fitch. Cʼest au cours de lʼautomne 2012 que la Région Franche-Comté a sollicité lʼattribution dʼune notation financière. “La procédure de notation devrait être finalisée à la fin du premier trimestre 2013 et se concrétiser par lʼattribution dʼune note” indique la Région. La dette régionale en 2013 C ette présentation nʼa fait lʼobjet dʼaucun rapport et dʼaucun vote lors de la dernière assemblée plénière du Conseil régio- nal les 13 et 14 décembre derniers. La dette de la Région Franche-Com- té sʼélève à 203 millions dʼeuros début 2013, constituée de 36 contrats dont 5 revolving, répartis auprès de 10 établissements prê- teurs. Lʼannuité dʼemprunt prévi- sionnelle pour 2013 sʼétablit à 22,1 millions dʼeuros.

“Nous assistons à un recul social” Au titre de ses fonctions dirigeantes à la C.G.T. Franche-Comté, Jacques Bauquier est membre du Conseil économique, social et environnemental (C.E.S.E.R.) de Franche-Comté. Pour la première fois, la C.G.T. a voté contre le budget de la Région. SOCIAL La C.G.T. se rebiffe

L a Presse Bisontine : Habituellement, la C.G.T. approuve le budget du Conseil régional ou au pire, s’abstient. Avec un exécutif de gauche, vous avez voté contre. Que justifie cette position ? Jacques Bauquier : Nous n’acceptons pas un point bien précis : que la Région ait décidé de recourir à des agences de notation soi-disant pour pouvoir obte- nir des conditions plus avantageuses d’emprunt en accédant au marché obli- gataire. Ce sera effectif à partir du premier trimestre 2013 (voir encadré ci-dessous). L.P.B. : Qu’est-ce qui vous choque dans le prin- cipe ? J.B. : Quand on voit tous les dégâts qu’ont faits les agences de notation à travers le monde, c’est insensé. Quand une collectivité ou un pays n’est pas assez rigoureux sur ses comptes, on le contraint à appliquer des mesures de rigueur et d’austérité. Nous nous oppo- sons à cette vision et cette politique libérale appliquée par le traité euro- péen. Bien sûr nous ne remettons pas en cause la nécessité de maîtriser la dette et les dépenses mais ces agences sont tout bonnement anti-démocra- tiques, elles n’ont été élues par per- sonne. L.P.B. :Alors pourquoi la Région a-t-elle dési- ré faire appel à ces agences ? J.B. : Elle affirme que grâce à cela elle va pouvoir contracter des prêts à des tarifs plus avantageux, mais elle ne fait que rentrer dans le jeu des banques. Ce que je reproche aussi, c’est que tout cela a été fait sans aucune concerta- tion ni négociation, ça n’a même pas fait l’objet d’un vote en assemblée. Selon la Région, on serait presque obli- gé d’en passer par là, alors qu’on consta- te au contraire que des grands groupes comme Groupama ou des collectivités comme Lille viennent de décider de rompre leur contrat avec ces agences. Le vrai souci, c’est que le budget des collectivités territoriales sera de plus

en plus contraint avec des aides de l’État en baisse. Donc si une Région ne gère pas bien, elle aura de mau- vaises notes des agences et conséquence directe, les taux où elle pourra emprun- ter augmenteront. Dès 2014, les dota- tions de l’État aux collectivités doivent baisser de 750 millions d’euros. On va forcément aboutir à des situations très compliquées. L.P.B. : La Région Franche-Comté peut se retrouver en difficulté ? J.B. : L’acte III de la décentralisation devrait donner de nouvelles compé- tences aux Régions, comme par exemple la gestion des fonds européens, mais sans moyens supplémentaires. Elle aura alors trois possibilités de faire face à ses dépenses : en levant l’impôt, en recourant à l’emprunt ou en pri- vatisant certains de ses services. Il faut bien sûr éviter tout cela. L.P.B. : Quels sont les autres sujets de préoc- cupations de la C.G.T. régionale en ce début d’année 2013 ? J.B. : Naturellement l’économie et

Jacques Bauquier est membre du bureau de la C.G.T. de Franche-Comté.

cées dans le groupe Pari- sot, des structures sociales comme A.D.D. ou la Mission locale qui licencient aussi. Sur le secteur de Besançon, les papeteries de Novillars sont toujours en atten- te des banques, et ce sont 80 emplois en suspens, F.C.I. à Besançon doit également procéder à au moins une quinzai- ne de licenciements, Augé a supprimé 32 postes… C’est tout un panel d’entreprises qui accumulées font de grandes consé- quences sociales. L.P.B. : Pas de sortie de tunnel en vue ? J.B. : Ce qui nous inquiète le plus, ce sont les mesures qui accompagnent ce contexte.Avec les suppressions d’emploi, F.C.I. prévoit en plus un gel des salaires pendant deux ans et une remise en cause des R.T.T. et des primes. Autre exemple : chez Voestalpine à Belfort, on a imposé le passage à 38 heures de travail, payées 35. Nous assistons à un véritable recul social, c’est cela le plus inquiétant. Et parfois il se fait sous prétexte de la crise. “Nous sommes dans un système incohérent.”

L.P.B. : Ceci dit, on a l’impression que parce que c’est un gouvernement de gauche, on ne voit pas beaucoup les syndicats dans la rue. Vous y seriez déjà si le gouvernement était de droite non ? J.B. : Nous avons manifesté dans la rue en juin, puis en octobre, puis le 14 novembre et le 13 décembre sur la question des salaires, de l’emploi et des conditions de travail. Nous n’arrêtons pas la mobilisation. Oui, il y a la crise, mais le problème, c’est que ce gouvernement, comme les autres, ne s’attaque pas aux causes de cette crise. La vraie crise, elle est sociale, elle n’est pas financière. Il faut com- mencer par relancer la croissance par une augmentation des salaires. Mais augmenter le S.M.I.C. de 0,3 %, soit 4 euros par mois, qu’est-ce que ça signi- fie ? L.P.B. : Mais les patrons, surtout ceux de P.M.E., n’ont parfois aucune marge de manœuvre ! J.B. : On fait bien sûr la différence entre des entreprises du C.A.C. 40 et les P.M.E. qui sont justement les variables d’ajustement des grands groupes. Il y a vingt ans, les entreprises investis- saient trois fois plus que ce qu’elles versaient comme dividendes. Les divi- dendes sont passés de 5 à 20 % des

l’emploi. Rien que chez P.S.A., on est passé d’une annonce de 579 à 1 139 suppressions d’emploi. Il y avait 12 059 emplois chez Peugeot à Sochaux en 2012, il n’y en aura plus que 10 920 en juin 2014. Sans compter les plus de 1 500 suppressions d’emploi chez Faurecia en Europe de l’Ouest et d’autres cas inquiétants : Trevest avec 85 suppres- sions d’emploi, les véhi- cules électriques F.A.M. qui sont également mena- cés, etc. C’est toute la filiè- re automobile locale qui est en danger. D’autres secteurs souf- frent aussi : 900 sup- pressions d’emplois annon-

“La vraie crise, elle est sociale.”

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