La Presse Bisontine 140 - Février 2013

LES POINTURES DE LA RECHERCHE

La Presse Bisontine n° 140 - Février 2013

32

Après le domaine de la santé en 2012, La Presse Bisontine inaugure en 2013 une nouvelle rubrique intitulée “Les pointures de la recherche”. Souvent méconnus, ils sont pourtant

à la pointe de la recherche scientifique, microtechnique, astronomique ou des sciences humaines. Le géographe Florian Tolle, maître de conférences à l’université de Franche-Comté, est le premier à expliquer son travail.

LES POINTURES DE LA RECHERCHE Géographie Florian Tolle, une sentinelle au Spitsberg Le géographe bisontin Florian Tolle étudie la vie d’un glacier sur l’île du Spitsberg, à 1 200 km du Pôle nord. D’ici 2016, il prévoit de modéliser sa glace et son relief grâce à un processus novateur. Sans surprise, l’étendue glacée fond plus rapidement que prévu.

D ans son travail de cher- cheur à l’Université de Franche-Comté, Florian Tolle déteste une seule chose. Devoir s’équiper d’un fusil de chasse lorsqu’il par- court les pentes du Spitsberg ennei- gées. Au cas où un ours polaire l’attaquerait, il pourrait se défendre… preuve qu’un ensei- gnant-chercheur au laboratoire de géographieThéma de Besançon doit

savoir tout faire, comme porter 28 kg de matériel scientifique sur les pentes escarpées de l’île.À 79 degrés de latitude nord, dans le froid polai- re, le Bisontin étudie le glacier de Loven Est qu’il suit depuis 2004, date de sa première excursion au Spitsberg. “À l’époque, je n’étais qu’étudiant… qui faisait office de Sherpa portant le matériel tech- nique” se souvient-il. Depuis, il a gravi les échelons, vali-

dé sa thèse pour devenir ensuite maître de conférences. Il se rend deux fois par an sur le terrain, une fois en avril, l’autre en août, pour calculer le volume et la masse de glace du glacier situé dans une zone “sentinelle”, l’Arctique, où le climat change deux fois plus vite que sur le reste de la planète. Ses conclu- sions ont été reprises dans des revues scientifiques. Sans surprise, le gla- cier régresse. “Lors de ma dernière

visite sur le glacier en août dernier, j’ai marché 15 mètres plus bas qu’en 2004. Le front a reculé de 200mètres” témoigne Florian Tolle. En scientifique reconnu, il préfère se fier aux chiffres : “Ce qui nous intéresse, c’est le bilan de masse du glacier, son dynamisme, car il peut perdre beaucoup en bas et former beaucoup de glace en haut” dit-il tout en rappelant que le minimum de banquise a été atteint en 2012 avec 3,4 millions de kilomètres car- rés contre 4,2 millions en 2007, son dernier record. À ceux qui repré- sentent le climatoscepticisme, idée selon laquelle l’homme n’est pas à l’origine du réchauffement, l’universitaire estime “avoir une responsabilité scientifique. Les faits sont là : les températures augmen- tent ! On a taxé les géographes d’être pessimistes mais tout ce qui a été avancé s’est produit… parfois en pire. Pour nos sociétés, l’heure n’est plus à l’anticipation des phéno- mènes mais bien à l’adaptation.” À 35 ans, Florian vient de décro- cher un projet A.N.R. jeune cher- cheur (Agence nationale de la recherche) nécessaire à la pour- suite de son travail. Jusqu’en 2016, il est donc assuré de posséder le financement pour mener à bien son étude grâce à un système de mesu- re de haute précision qui lui per- mettra de connaître le relief. “Les versants du glacier n’ont jamais été étudiés car ils sont raides et instables. Il est impossible d’y poser des ins- truments de mesure. Grâce au Lidar (télédétection par laser), nous aurons les capacités techniques pour le fai- re. Je collaborerai avec un cher- cheur autrichien afin de mesurer la dynamique de fonte et d’érosion des versants. Le but est d’échanger

nos travaux avec d’autres chercheurs travaillant sur d’autres glaciers afin de comparer” dit le géographe français rompu au travail dans le froid polaire… jusqu’à 15 heures par jour. Grâce à la lumière permanente en été à cette latitude, les journées à rallonge sont mises à profit. Enco- re faut-il une météo clémente…En cas de tempête, les scientifiques sont cloisonnés dans la base Jean- Corbel, construite en 1963 par les Français. Dans 25 m 2 , jusqu’à 8 per- sonnes - uniquement des chercheurs - cohabitent avec leurs ordinateurs sur les genoux en attendant un répit. Jusqu’à - 15 °C dans les chambres…

Florian Tolle présente le glacier du Spitsberg. Sur l’image, il mesure la masse de glace et sa dynamique.

et une brosse à dents qui gèle font partie des “bonnes anec- dotes” tempère Flo- rian Tolle. Spartiate, le lieu est néanmoins prisé par les scientifiques. Le Franc-Comtois y retournera en 2013 pour trois semaines. Mais avant de mettre le cap au nord, il doit termi- ner la correction des copies de ses élèves. Forcément moins exotique… E.Ch.

Dans 25 m 2 , jusqu’à 8 personnes.

En bref Depuis 2007 : maître de conférences en géographie, Université de Franche-Comté 2006-2007 : post-doctorat C.N.R.S. en archéologie spatiale 2002-2005 : Doctorat de géographie

Made with FlippingBook Online newsletter