La Presse Bisontine 140 - Février 2013

DOSSIER I

19 La Presse Bisontine n° 140 - Février 2013

LA LONGUE DÉRIVE DU

LOGEMENT SOCIAL

Agence matrimoniale & Agence de conseil en image et relooking

Le parc social à Besançon, riche de plus de 10 000 logements, semble plutôt en bon état au premier regard. À l’exception de quelques barres datant des années soixante-dix qui aujourd’hui passent pour défigurer le paysage, il poursuit sa lente métamorphose et les organismes bailleurs chargés de sa gestion – ils sont quatre sur le territoire du Grand Besançon – déploient de gros efforts pour le rénover. Mais ce parc social où vivent plus de 30 000 personnes reste pour la plupart des immeubles dans un état de vieillissement avancé, malgré tout le soin qu’on peut lui apporter. L’échec de la politique sociale de l’habitat, c’est lorsqu’on est obligé de démolir ce qu’on a construit il y a trente ou quarante ans. Plusieurs opérations de déconstruction sont programmées cette année sur Besançon. Et tandis que ces anciens logements laisseront la place à de nouveaux, mieux adaptés aux normes actuelles de confort, des centaines d’autres subissent les outrages du temps et ses locataires touchés par une précarisation en hausse, n’ont d’autre choix que de continuer à s’y loger. Le logement social est un gouffre pour ses financeurs. En ces périodes tendues, les besoins de rénovation et de réhabilitation n’ont jamais été aussi forts. Un casse-tête pour ses gestionnaires, un malaise croissant pour ses occupants.

ÉTAT DES LIEUX Les loyers : + 20 % en dix ans Le logement social doit-il être réservé aux plus pauvres et aux immigrés ?

Une question volontairement provocatrice face au constat d’une paupérisation des familles occupant les logements sociaux et d’une ghettoïsation de certains quartiers, malgré les beaux discours et les efforts engagés.

Q uandAlain Spingaux et son épou- se se sont installés à Palente, rue Ravel, dans les années soixante, leur immeuble H.L.M., coquet, était évidemment aux normes les plus récentes en matière de sani- taire et de chauffage. Comme la plu- part des constructions réalisées à cet- te époque. Quarante ans plus tard, le couple a déménagé dans un des nou- veaux immeubles construits par Néo- lia dans le même quartier. Il constate immédiatement la différence, en termes de coût. “En chauffant à une vingtai- ne de degrés, ça me coûte un tiers en moins que dans notre ancien logement.” Celui qui est aussi depuis des années au service des locataires au sein de l’association C.L.C.V. à Besançon sou- ligne que les inégalités continuent à se creuser entre ceux qui peuvent accé- der à un logement neuf et plus écono- mique et les autres, cantonnés dans les plus vieux ensembles immobiliers de la ville qui sont aussi les plus gour- mands, donc chers, en énergie. Si bien que l’association de défense fait ce constat accablant : “Un foyer sur quatre ne se chauffe pas, ou que très peu, fau- te de moyens à Besançon. Dans les vieux immeubles des années cinquante ou soixante, ce que les gens gagnent en payant un loyer assez bas, ils le per- dent en frais de chauffage.” La population occupant un logement social à Besançon continue de se pau- périser. Et les logements devenus trop vétustes ne trouvent plus de locataires, si bien que les frais liés aux logements vacants se retrouvent supportés par les locataires. “Chez Néolia, on comp- te une centaine d’appartements vacants à Besançon. Ce n’est rien par rapport aux 800 appartements vacants du côté de Montbéliard. Donc ici on paie pour

la vacance de Montbéliard, ce n’est pas normal” constate Jacky Burtz, admi- nistrateur Néolia pour la C.L.C.V. qui souligne également l’augmentation inquiétante des impayés avec “des retards de 6 ou 8 mois de loyer et des alimentations en gaz coupées. C’est de plus en plus fréquent. Parfois même, quand les assistantes sociales sonnent, elles repartent, tout simplement parce que la sonnette ne marche plus, l’électricité a été coupée.” “Un couple sur Planoise a plus de 20 000 euros d’impayés” illustre Noël Perrin, un militant associatif du quartier. Parmi les autres dérives du logement social, et qui explique aussi la vacan- ce de nombreux appartements de gran- de taille, c’est la hausse continue de l’occupation par des familles monopa- rentales et des personnes seules. En 1970, les personnes seules représen- taient à peine 8 % des occupants de H.L.M. Elles occupent aujourd’hui 35,5 % des logements sociaux. Près de 20 % des logements H.L.M. sont occu- pés par des familles monoparentales alors que ces familles à un seul parent ne sont que 8 % en France. Le nombre de familles d’origine étrangère est éga- lement en forte hausse dans les loge- ments sociaux, passant de 8 % en 1992 à plus de 20 % quinze ans plus tard. Le constat est sévère : la fonction du logement social, censé être la premiè- re étape d’un parcours résidentiel, n’est plus remplie aujourd’hui. En effet, dans les années soixante-dix, 170 000 ménages accédaient tous les ans à la propriété en France. Ce chiffre est des- cendu à 80 000 aujourd’hui. À Besançon comme ailleurs, le loge- ment social concentre plus que jamais les populations les plus fragiles, sou- vent logées dans les mêmes immeubles.

La répartition des logements sociaux sur Besançon (source C.A.G.B.).

“Dans certaines cages d’escaliers, tous les habitants sont au chômage” note ce représentant bisontin de locataires, à tel point que désormais “les bailleurs sont obligés d’avoir du personnel social.” Si les bailleurs sociaux consentent d’énormes efforts dans l’amélioration de leur parc locatif (G.B.H. dispose de 5 600 logements sur le Grand Besan- çon, Habitat 25 de 10 000 dans le Doubs, S.A.I.E.M.B. de 2 500 à Besançon et Néolia de 17 000 dans le Doubs), il s’est créé ces dernières années deux caté- gories de logements, donc de locataires : les petits immeubles réhabilités avec “résidentialisation” des bâtiments (clô- tures, garages, etc.) et les grands ensembles où loge hélas la population la plus précaire et où la mixité sociale est devenue une chimère.Un parc social à deux vitesses en quelque sorte. Malgré cela, les loyers continueront à augmenter cette année : + 1,5 % annon- cés chez G.B.H., + 1,95 % à la S.A.I.E.M.B., + 2,06 % chez Néolia et jusqu’à + 2,15 % chez Habitat 25. Sur ces dix dernières années, les loyers des H.L.M. auront augmenté de près de 20%.Le privé n’a pas augmenté autant. J.-F.H.

Les béné- voles et la juriste de l’association C.L.C.V. Besançon réunis autour de leur prési- dent Gérard Boissy.

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