La Presse Bisontine 138 - Décembre 2012

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 138 - Décembre 2012

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SAINT-JACQUES

Pour éviter la friche

Qui veut de Saint-Jacques, pour y faire quoi ? Commerces, administrations, logements, maison de santé ou bibliothèque sont des pistes étudiées pour combler le vide laissé par le déménagement de l’hôpital, dont le prix de vente est évalué à 40 millions d’euros. La Ville commande une étude sur un bâtiment qui ne lui appartient pas.

L e 31 janvier 1847, l’hôpital Saint-Jacques réalisait la première anesthésie à l’éther sous la direction du professeur Victor Corbet. 165 ans plus tard, le site est à moi- tié endormi.N’y voyez pas uneméta- phore mais un constat faisant sui- te au déménagement des services de la maternité aux Hauts-du-Cha- zal début octobre. Environ un mil- lier de salariés ont quitté le site de 5,3 hectares (pour Saint-Jacques) et 1,83 hectare pour l’Arsenal créant au passage un vide. Restent enco- re le service psychiatrie, dermato- logie, et le service administratif au moins jusqu’à 2016,voire plus.Objec- tif de Besançon : éviter que le site ne devienne une friche. En y fai- sant une grande bibliothèque uni- versitaire ? Un centre des congrès ? Un espace commercial ? Une mai- son de retraite ? Un musée de l’hôpital ? Une résidence de luxe ? Une salle des délibérations com- munes pour la Ville de Besançon, le Conseil général, la Région ? Un havre de verdure ? Ce pourrait être tout cela à la fois. Ces questions devraient trouver réponse avec l’étude commandée par la Ville de

l’extérieur. En 2009, l’A.U.D.A.B. (Agence d’urbanisme du Grand Besançon) avait réalisé une étude très détaillée. Dans ses conclusions, elle imaginait la déconstruction du Pôle mère-enfant, la suppression de places de parking à l’intérieur du site permettant la création d’une traversée piétonne, la création de jardins et le dégagement d’édifices parasitaires. “Tout cela n’était qu’une étude” rappelle le cabinet du mai- re qui souhaite néanmoins voir Saint-Jacques ouvert et en lien avec les futurs Passages Pasteur, voire plus loin avec l’îlot des pompiers (avenue Louise-Michel). Les bâtiments du Refuge, de l’Hôtel Montmartin, de la pharmacie, tous intouchables, pourraient être sépa- rés de la future reconversion. Enco- re une fois : qui pour les acheter et surtout les entretenir ? La municipalité s’impose comme le chirurgien d’un patient qui ne lui

Besançon à un cabinet d’architecture parisien nommé “La Fabrique urbai- ne”. Il en coûtera 170 000 euros. Chevillé au corps et au cœur des Bisontins, l’avenir de Saint-Jacques réveille bien des craintes. La pre- mière : qu’on y fasse tout et n’importe quoi. “C’est un secteur sauvegardé que nous protégerons. Il y a notam- ment des contraintes archéologiques et d’inondations” annonce le maire de Besançon Jean-Louis Fousseret. Sur les 60 000m 2 de surface de plan- cher dont dispose le site, 35 000 m 2 sont inscrits aux monuments his- toriques ou dans le Plan de sauve- garde et demise en valeur (P.S.M.V.)

appartient pas car elle ne possède la mainmise sur le dossier que grâ- ce au droit de préemption. On ima- gine mal l’hôpital céder la structu- re à l’euro symbolique à la collectivité. Avec un budget de 400 millions d’euros par an (6 000 agents employés), Le C.H.R.U. compte sur cette vente afin d’assurer la remi- se aux normes complète de Minjoz (100 millions d’euros) et du Pôle Santé (environ 190millions d’euros). “Mais comme toute vente, il faut un acheteur. Lui seul fixera le prix” rap- pelle le directeur du C.H.R.U. Patri- ce Barberousse. Chalôn-sur-Saône, Clermont-Fer- rand, Auxerre, Carpentras ont eu ce genre de dossier à régler. À Cha- lon où le départ de l’hôpital a libé- ré 3 hectares de terrain sur l’île Saint-Laurent, un musée, un hôtel vont être créés… le tout desservi par des navettes fluviales. E.Ch.

Le site Saint- Jacques

Estimé à 8 millions, l’hôpital de Vesoul vendu seulement 1,9 million V endre de lʼancien nʼest visi- blement pas simple. La preu- ve à Vesoul qui reconvertit son ancien hôpital Paul-Morel situé en centre-ville. Le site qui avait été estimé au préalable à 8 millions dʼeuros par France Domaines a finalement été cédé 1,9 million dʼeuros. Le désa- miantage (payée 600 000 euros par la Ville) a débuté et les pel- leteuses entrent en action. Cʼest la communauté dʼagglomération vésulienne qui est le propriétai- re. Lʼhôpital est reconverti en habi- tat. 200 logements sur 5 ans sont attendus.

s’étend sur 5,3 hectare.

qui impose par exemple des hauteurs de bâti, d’espaces libres, de planta- tions… Bon courage au(x) futur(s) repre- neur(s). Quid du désa- miantage ou de l’avenir du Pôlemère- enfant ? Les architectes pour- raient décider la démolition de bâti- ments non classés afin d’ouvrir le site à

“Du château fort à la cloison japonaise.”

CONSÉQUENCES Les commerces de centre-ville ressentent la baisse Quand un seul être vous manque… Les 1 000 salariés de l’hôpital Saint-Jacques étaient aussi des consommateurs du centre-ville. Bureau de tabac et restauration rapide disent ressentir la baisse depuis mi-octobre. L a lumière sortant du “Relais H” rappelle quʼil est encore ouvert. Espace de vente de journaux et débit de boissons, ce local bien connu des personnels de santé ou des parents dʼenfants malades venus prendre un café a, dʼun coup dʼun seul, ressenti les effets du déménagement. À notre visite - en pleine période de vacances scolaires certes - le lieu était vide, laissant les deux salariés un brin désabusés. Ici, tout le monde était préparé au déménagement mais le coup est tout de même rude. Les allées et venues de personnel et de voitures sont réduites, les clients avec. Plus haut dans la rue de lʼOrme-de-Chamars, le buraliste dit avoir ressenti une légère baisse : “Jʼavais beaucoup de clients ambulanciers que lʼon voit moins, cʼest vrai” dit le gérant qui ne sʼinquiète pas pour autant. Ce transfert de salariés est important : ce sont environ 1 000 personnes qui ont quitté les lieux. Le commerce de centre-ville est aussi touché par les travaux du tram. Mais le déménagement ne coïncide pas vraiment avec une disponibilité de places de stationnement à Chamars, toujours saturé.

La maternité accouche d’un centre d’hébergement d’urgence Trente familles ont élu domicile dans l’ancien Pôle mère et enfant de Saint-Jacques dans le cadre du plan grand froid, répondant à “une pression exceptionnelle” dit la Préfecture. L’hôpital a accepté de mettre à disposition ses locaux à l’État dans le cadre d’une convention. RECONVERSION TEMPORAIRE Tout juste déménagé, déjà utilisé

I ls sont pères,mères et jeunes enfants. Depuis mar- di 6 novembre à 18 heures, trente personnes qui dormaient à l’abri de nuit de Besançon ou dans une chambre d’hôtel payée par l’État ont trouvé un nouveau toit pour l’hiver. Ces familles sont dans le besoin, pour la plupart migrantes et venues en majo- rité des pays de l’Est de l’Europe. Ces personnes ont atterri à Besançon avec le minimum : des vêtements, un sac. Ce toit qui les abrite : c’est celui de l'ancien hôpital Saint-Jacques rouvert dans le cadre du plan grand froid. Les locaux laissés vacants par le per- sonnel de l’hôpital qui est monté aux Hauts-du-Cha- zal depuis octobre ne le seront pas restés très long- temps. Les lits médicaux ont été remplacés par des lits de camp. “Un soulagement” ditMarie-Noëlle Schoel- ler, adjointe à la ville de Besançon et en charge des questions sociales. À Besançon, la situation semble critique. “Il fallait répondre à une pression excep- tionnelle” confirme le préfet de Région Christian Decharrière qui du coup a répondu implicitement à l’instruction de laministre du Logement Cécile Duflot. “Je n’ai pas eu de courrier de Madame la ministre” précise le préfet. 138 840 euros, en crédits supplé- mentaires, ont été affectés pour faire fonctionner ce

foyer situé dans l’ancien pôle mère-enfant. Deux aides sociales employées et un agent de sécu- rité accompagnent les arrivants. L’hôpital prête ses locaux. Seule la facture de chauffage, d’eau et de net- toyage sera supportée par la veille sociale. “C’est très positivement que l’hôpital a répondu à cet appel” confie Patrice Barberousse, le directeur du C.H.R.U. Malgré l’accueil de jour qui fonctionne sur le site de Champrond ou à Saint-Ferjeux et 181 places de d’hébergement d’urgence à Besançon, le nombre d’arrivants dans le besoin élevé était devenu trop important. “La cohabitation entre un enfant et une personne marginale qui a peut-être bu, n’est pas pos- sible, c’est pourquoi ce centre va nous permettre de dis- tinguer les deux populations” poursuit l’adjointe à la Ville de Besançon, ce que confirme Hubert Maurin, le président de l’A.D.D.S.E.A., association qui appor- te ses compétences. Les services de l’État ont répon- du rapidement à cette situation critique… Mais le problème n’est pas résolu. Tout juste est-il retardé. En attendant, les longs couloirs du Pôlemère et enfant résonnent à nouveau chaque soir et chaque matin. La journée, les 30 personnes sont accueillies à l’accueil de jour.

Le buraliste de la rue de l’Orme-de- Chamars servait de nombreux ambulan- ciers.

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