La Presse Bisontine 137 - Novembre 2012

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 137 - Novembre 2012

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HORLOGERIE

Breitling va s’installer à Témis

“Et si on créait une université du luxe à Besançon ?” Jean Kallmann est à la tête de Breitling Service. L’entreprise qui emploie 47 personnes gère le service après-vente de la marque horlogère suisse. Un bâtiment de près de 2 000 m 2 , future vitrine de la marque, est en cours de construction à Témis.

L a Presse Bisontine : Breit- ling Service poursuit son expansion,vous déménagez en fin d’année dans des locaux flambant neufs à Témis. Qu’est-ce- qui explique ce déve- loppement ? Jean Kallmann : Nous sommes ins- tallés ici depuis 1995.Nous avons commencé dans nos locaux de Palente à 7 personnes, nous sommes 47 aujourd’hui. Nous gérons tout le S.A.V. de Breit- ling pour la France et, comme on a une surface importante et une main-d’œuvre très qualifiée ici à Besançon, nous assurons également le S.A.V. pour d’autres pays d’Europe. En ce moment par exemple, beaucoup pour l’Angleterre. La partie S.A.V. se développe, tout simplement par- ce que lamarque Breitling a pris un essor considérable, les ventes ont explosé depuis les années quatre-vingt-dix. La famille Schneider a repris la marque et en a fait ce qu’elle est aujour- d’hui. C’est à ce moment-là que Breitling a décidé d’organiser un S.A.V. à la mesure de la demande. L.P.B. : A quel niveau se situent les ventes ? J.K. : Le volume se situe aux alen- tours de 200 000 montres par an. Nous avons un réseau de 2 500 revendeurs dans le mon- de, dont une bonne centaine en France. L.P.B. :Pourquoi Breitling a choisi Besan- çon pour installer son service après- vente ? J.K. : Sur le plan européen, ça facilite les choses d’être à Besan- çon, notamment pour des rai- sons de droits de douane. En plus, on n’est pas loin de la Suis- se et on retrouve vraiment ici cette mentalité de microméca- niciens et d’horlogers.Chez Breit-

ling, le S.A.V. est aussi important que la vente. On peut avoir un bon produit, un bon marketing , si on n’a pas un bon S.A.V. der- rière, ça ne mar- chera pas. C’est une question de respect pour le client qui dépen- se plusieurs mil- liers d’euros pour s’offrir une montre.

dante. L.P.B. : Que va changer votre installa- tion à Témis en fin d’année ? J.K. : Nous doublons notre sur- face en passant de 1 000 m 2 ici à Palente à 1 900 m 2 à Témis. Nous allons pouvoir notamment développer notre centre de for- mation. Nous pourrons faire par exemple de la formation sur les connaissances horlogères à des- tination de vendeurs et de ven- deuses. En allant à Témis, nous passons aussi de l’ombre à la lumière car le bâtiment sera une belle vitrine de la marque au bord de la rocade. Les conditions de travail seront encore meilleures pour tout le monde. Notre atelier actuel, pourtant bien agencé, ne correspond plus aux exigences de la marque, il fallait qu’on monte encore d’un cran. L.P.B. : Y aura-t-il de nouvelles embauches après ce déménagement ? J.K. : En 1995, quand on a démar- ré ici, on était donc 7.Mon objec- tif secret était d’arriver à 15 sala- riés dix ans plus tard. Aujourd’hui, nous sommes 47…

“En allant à Témis, nous

Jean Kallmann dirige Breitling Service depuis son implantation à Besançon en 1995.

passons de l’ombre à la lumière.”

avancer. Ceux qui sont forts, après la crise, seront encore plus forts s’ils continuent à avancer. C’est en tout cas l’état d’esprit de l’horlogerie suisse. L.P.B. :La fuite de la main-d’œuvre vers l’eldorado suisse vous pénalise-t-elle ? J.K. : C’est un faux problème. Il faut au contraire être très heu- reux que la Suisse aille bien et qu’on perde de la main-d’œuvre. C’est comme ça, il faut vivre avec. Ici, on fait juste en sorte que les gens se sentent bien. On sait qu’il est impossible de s’aligner sur les salaires suisses. Régu- lièrement, on a eu des départs de salariés vers la Suisse, et même vers Breitling Angleter- re, Espagne ou États-Unis.Mais on a aussi des gens qui viennent ici. En ce moment, on a un hor- loger du Japon, un autre d’Argentine. Cette question de la Suisse n’est pas un obstacle à notre développement, c’est jus- te une difficulté complémentai- re. L.P.B. : Ne manque-t-il tout de même pas à Besançon des arguments pour prétendre s’afficher encore comme une capitale de l’horlogerie ? J.K. : Évidemment que si. Par exemple, il n’y a pas d’école d’horlogerie à Besançon, à part l’A.F.P.A. pour les adultes. Besan- çon se prétend encore capitale de l’horlogerie alors que la meilleure école d’horlogerie de France se situe à Fougères, en Bretagne ! L.P.B. : Votre avis sur le bruit fait l’an dernier autour de la marque L. Leroy revenue à Besançon ? J.K. : C’est une belle marque, qui fait de belles montres, avec des gens très compétents, c’est indé- niable. Mais au-delà, c’est com- bien d’emplois ? Il n’y a que de l’assemblage ici. C’est bon pour l’image de Besançon. L.P.B. :Doit-on croire Jean-Louis Fous- seret, persuadé que Besançon peut justement redevenir une ville horlo- gère ? J.K. : Il n’y aura pas de manu- facture ici, ne rêvons pas. Et le retour de l’horlogerie à Besan- çon ne passera pas que par le S.A.V. Ce qu’il faudrait, ce sont

première école du luxe, pour tout ce qui concerne non seulement l’horlogerie, mais aussi la maro- quinerie, la sellerie, etc. Et si on avait une université du luxe à Besançon ? Je ne sais même pas si des décideurs ici ont déjà ten- té de discuter avec les grands patrons du luxe de cette ques- tion. Je suis persuadé qu’il y a quelque chose à faire autour de cette question à Besançon.

plus d’entreprises de sous-trai- tance. Par exemple, il n’y a plus aucun fabricant d’aiguilles ici. Il faut se donner les moyens, avoir une vraie volonté, égale- ment une école d’horlogerie. Et approfondir la piste du luxe. L.P.B. : C’est-à-dire ? J.K. : Beaucoup d’industriels tra- vaillent pour le luxe dans cette région, notamment entre Besan- çon et le Haut-Doubs. J’émets l’idée de créer ici à Besançon la

L.P.B. : Si le S.A.V. se développe, cela signifie donc que les retours demontres se multiplient ? J.K. : Il faut chasser une idée reçue : les montres ne revien- nent pas parce qu’elles ont des problèmes,mais essentiellement pour de l’entretien. Quand un mouvement est abîmé, on ne l’échange pas contre un neuf, il est réparé. Les montres qui arri- vent ici sont entièrement démon- tées et refaites à neuf et quand elles ressortent d’ici, elles sont à nouveau garanties deux ans. 23 horlogers complets travaillent ici ainsi que deux polisseurs et notre centre de formation for- me régulièrement des horlogers ou des revendeurs. L.P.B. :Breitling reste une des dernières marques de montres indépendantes. Elle va le rester ? J.K. : L’indépendance de Breit- ling s’est renforcée encore par la création de notre propremanu- facture de mouvements. C’est une vision à long terme du diri- geant de la marque Teddy Schneider. Le mouvement Calibre B01 signé Breitling est garanti 5 ans, 100 % chrono- mètre. Breitling est plus que jamais une marque indépen-

Propos recueillis par J.-F.H.

Zoom A Témis, la future vitrine de Breitling

Je ne peux pas dire ce que sera l’avenir. L.P.B. :Vous semblez tout de même opti- miste dans ce climat général de morosi- té ! J.K. : Ce qui est fou en France, c’est qu’on a presque honte de dire que ça va bien. Ici, ça va bien. Évidem- ment il faut se battre et juste- ment, c’est pen- dant les périodes de crise qu’il faut

“C’est pendant

les périodes de crise qu’il faut avancer.”

Le site sera opérationnel au plus tard en début d’année prochaine.

L a marque horlogère suisse investit quelque 3 millions dʼeuros dans la création de ce superbe écrin, pensé, comme la manufacture de La Chaux-de-Fonds et le siè- ge social de Granges (canton de Soleure), par lʼarchitecte Alain Porta, de Lausanne. Un bâtiment en L doté de larges surfaces vitrées, édifié sur deux étages, avec une mezzani- ne qui dominera les ateliers. Une façade en pietra dorata et un mélange de bois, de métal et de béton, donneront au nou- veau site Breitling lʼallure des manufactures horlogères que lʼon peut croiser dans les montagnes neuchâteloises notam- ment. Pour apporter quelques liquidités dans cet investisse- ment, Breitling a revendu à la S.E.D.D. ses actuels locaux de Palente. Plus de 1 000 montres passent chaque mois dans les ateliers Breitling à Besançon.

Au sein de l’entreprise, un centre de formation forme des dizaines d’horlogers par an.

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