La Presse Bisontine 137 - Novembre 2012

BESANÇON 14

La Presse Bisontine n° 137 - Novembre 2012

ENTREPRISE Crise dans le secteur du bâtiment Hugenschmitt : bras de fer avec la conjoncture Cela fait 35 ans que Pascal Landry fait perdurer l’affaire familiale. Placée en redressement judiciaire depuis le mois de mars, le gérant n’a jamais connu pareil contexte pour le bâtiment.

Pascal Landry se bat pour faire vivre l’entreprise familiale, une des plus anciennes de Besançon.

Q uand le bâtiment va, tout va dit-on. Or, actuellement rien ne va plus dans ce secteur d’activité frappé par la crise. On s’y attendait au regard des perspectives annoncées en début d’année par la Fédération Fran- çaise du Bâtiment qui estimait à 35 000 le nombre de postes appelés à disparaître en un an dans le pays, dont 650 en Franche-Comté. Au premier semestre 2012, la perte enre- gistrée a été de 11 000 postes, conséquence d’un recul du mar- ché de la construction. “C'est très difficile en ce moment car l’activité n’est pas au rendez- vous” remarque Rodolphe Lanz, secrétaire général de la Fédé- ration du Bâtiment de Franche- Comté. Beaucoup d’entreprises qui ont tenu le coup jusqu’à pré- sent sont sur la corde raide, asphyxiées par des réserves financières qui s’amenuisent. L’antenne régionale de la F.F.B. a réalisé un sondage auprès de ses adhérents au mois de sep- tembre pour prendre la ten- dance. Résultat : ils qualifient le niveau d’activité de “moyen moins”, même chose pour l’emploi. En revanche, ils esti- ment majoritairement être dans une situation financière dégra- dée. “Dans un contexte de moro- sité générale, c’est ce dernier point qui nous inquiète” ajoute Rodolphe Lanz. Avec la crise, le bâtiment perd la tête. Les prix sont cassés par des entreprises qui prennent des marchés à des tarifs défiant toute concurrence, acculées à la nécessité de faire au moins fonctionner leur outil de pro- duction et d'occuper leur main- d’œuvre. “Les prix sont vérita- blement très tendus. Même si l’activité devait revenir dans le bâtiment, au deuxième semestre 2013, il faudra du temps pour qu’ils commencent à remonter” poursuit le secrétaire général de la F.F.B. Franche-Comté. De toute sa carrière, Pascal Lan- dry n’a pas connu pareille situa- tion. Il est le gérant de la socié- té Hugenschmitt de Besançon spécialisée dans les travaux de menuiserie métallique qui tire environ 50 % de son chiffre d’affaires des chantiers publics. “Aujourd’hui, les entreprises vivent beaucoup plus sur leurs acquis que sur les pronostics. Le bâtiment n’a jamais connu une telle époque. En plus, les mesures administratives ne sont pas en notre faveur” observe-t- il. Depuis le mois de mars 2012, Hugenschmitt est en redresse- ment judiciaire. Un coup dur pour le gérant qui s’efforce de

tenir bon la bar- re de l’entreprise familiale qui se transmet de père en fils depuis cinq générations. Il compose avec la conjoncture, s’adapte, pour maintenir l’emploi des 25 salariés. “Notre carnet de com- mandes suit, on se sent épaulé par le Tribunal de commerce” remarque Pascal

“Des supérettes de quartier.”

Landry qui tient “cette boîte à bout de bras depuis 35 ans.” Ces dix dernières années, il a orien- té l’activité principalement sur Paris où Hugenschmitt a col- laboré à de nombreux chantiers importants comme le Musée Rodin, le Palais de Justice, ou l’Université Paris-Dauphine. Elle est intervenue également sur l’aéroport de Mulhouse. “On a travaillé pour des entreprises générales du bâtiment” qui pres- surisent les sous-traitants quand elles ne sont pas elles-mêmes en difficulté. Pascal Landry redoute l’instant où des entre- prises comme la sienne n’auront plus les moyens d’être maîtres de leur destin. “Je dis souvent que nous sommes un peu com- me des supérettes de quartier. On est là à essayer de perdurer dans notre métier. Mais un jour ou l’autre, on se fera engloutir par de plus grosses sociétés.” Dans l’atelier de la rue Tho- mas-Edison, les pièces fabri- quées sont sur mesure. Impos- sible dans le cas du métallier d’industrialiser pour baisser ses coûts de production. “On fait des toutes petites séries. Nous ne pouvons pas automa- tiser. Dans notre métier, c’est 60 % de main-d’œuvre et 40 % d’achat” dit-il. C’est la conjonction de plusieurs facteurs liés au contexte éco- nomique du bâtiment qui a poussé l’entreprise bisontine vers le redressement judiciai- re. Une étape nécessaire par- fois, qui peut s’avérer salvatri- ce pour une société. Le paradoxe de cette situation est qu’il est toujours très difficile de recru- ter une main-d’œuvre qualifiée dans les métiers de métallier- serrurier. Chez Hugenschmitt, certains collaborateurs ont effec- tué toute leur carrière dans l’entreprise dès l’âge de 14 ans. L’autre danger et que le savoir- faire qu’ils détiennent se perdre à l’heure de leur départ en retraite. T.C.

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