La Presse Bisontine 136 - Octobre 2012
L’INTERVIEW DU MOIS
La Presse Bisontine n° 136 - Octobre 2012
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POLITIQUE
Jacques Grosperrin “2014 sera sans doute le moment de prendre cette citadelle”
L a Presse Bisontine : Vous vous êtes mis en retrait de la vie publique au len- demain des élections législatives. Pour- quoi avoir fait un tel break vis-à-vis même de beaucoup de vos amis de l’U.M.P. que vous avez laissé sans nouvelles ? Jacques Grosperrin : J’ai eu besoin de me ressourcer, de me reposer, car la poli- tique est cruelle et violente. Mais ce n’est pas pour cela que je me suis mis en retrait. Ma mère est décédée à la Pentecôte, avant le premier tour des élections législatives. Pendant un mois je l’ai accompagnée autant que je l’ai pu, mettant la campagne électorale entre parenthèses. Ce décès a été très douloureux. Il n’y a pas d’âge pour être orphelin. Je n’ai pas voulu laisser paraître mes émotions vis-à-vis du public car elles sont du domaine de l’intime. Je voulais éviter qu’elles ne soient instrumentalisées. Ces deux der- niers mois, j’avais besoin de faire le deuil, de prendre du recul, d’être dans un milieu paisible où on n’allait pas me parler de politique. Je suis parti me reposer dans le Sud, le temps de prendre la mesure de ce qui est essentiel dans la vie. Je voulais penser à ma mère. L.P.B. : Vous rejetez l’étiquette de “mauvais perdant” qu’on vous a parfois collé après les législatives. Pourtant, vous avez déposé un recours pour tenter de faire annuler l’élection sur la deuxième circonscription. N’êtes-vous pas le mauvais joueur que certains disent ? J.G. : La vie politique n’est pas un jeu ! Que je sois bon ou mauvais perdant, je suis surtout réaliste et pas parano ! Il y a trop d’irrégularités dans cette élection pour que je ne réagisse pas. Je rappelle qu’Éric Alauzet me devan- ce d’une centaine de voix. L.P.B. :A quel genre d’irrégularités faites-vous allusion ? J.G. : Lorsqu’on consulte la liste d’émargement, il y a des signatures entre le premier et le deuxième tour qui ne correspondent pas. C’est un exemple. Il semble que des électeurs aient voté plusieurs fois. Plus d’une centaine de procurations sont troubles. J’ajouterai encore la présence éton- nante d’Éric Alauzet dans la presse une candidature aux municipales de 2014. Après avoir perdu les élections législatives face à Éric Alauzet, l’ex-député U.M.P. Jacques Grosperrin s’est mis volontairement en retrait de la vie publique. Aujourd’hui, pour La Presse Bisontine, il brise le silence et fait le point sur ses ambitions. Il ne ferme pas la porte à
Jacques Grosperrin s’est retiré de la vie publique le temps de faire le deuil de sa mère décédée pendant la campagne des législatives.
positifs à la formation des étudiants. L.P.B. : Que pensez-vous de l’opposition municipale actuelle ? J.G. : L’opposition est divi- sée. Je reconnais cepen- dant que c’est toujours difficile de siéger à cet- te place. Le chef de file a souvent du mal à se faire entendre car il ne dispose pas de moyens de pression. Il n’a pas le
régionale juste avant le scrutin. Le Conseil Constitutionnel a des argu- ments pour faire annuler l’élection. J’ai confiance en cette institution,même si je sais qu’en France il n’est pas de bon ton de soulever des problèmes qui bousculent en quelque sorte le fonc- tionnement de notre démocratie. J’attends cette décision avec sérénité. Dans tous les cas, je l’accepterai car je suis un républicain. L.P.B. : Si le Conseil Constitutionnel vous don- ne raison, quand les électeurs de la deuxiè- me circonscription seraient-ils amenés à revo- ter ? J.G. : 110 recours ont été déposés. Il en reste une quarantaine à trancher, dont le mien. Je serai fixé dans les prochains mois. Si vote il y a, il aura lieu en décembre et janvier dans un contexte politique bien différent de celui du mois de mai dernier. Mon action fait partie des trois recours sensibles à l’U.M.P. Jean-François Copé et Valé- rie Pécresse m’ont appelé pour me sou- tenir sur ce dossier. L.P.B. : Lors de votre “retraite” de deux mois, qu’avez-vous appris sur la politique ? J.G. : J’ai vécu un mandat exception- nel durant lequel j’ai approfondi des
Nationale et pas suffisamment humai- ne. Si j’étais élu aujourd’hui, je vote- rais par exemple les contrats de géné- ration proposés par la gauche. Même si je trouve absurde le projet de créer 60 000 postes dans l’Éducation natio- nale, je suis d’accord sur un certain nombre de points avec le ministre Vin- cent Peillon. L’éducation fait partie des sujets qui ne doivent pas être clivants, mais sur lesquels les élus de droite et de gauche doivent se retrouver. L’avenir de la France passe par l’avenir de son école. D’ailleurs, je fais toujours par- tie de la mission sur la refondation de l’école. L.P.B. : N’avez-vous pas perdu les élections parce que vous avez tendu la main au F.N. ? J.G. : Je n’ai pas tendu la main au Front National. Certains médias ont fait croi- re qu’à un moment donné je voulais former un accord avec le F.N. La pres- se et ses certitudes, c’était tellement facile. On ne m’a pas laissé m’exprimer. Mon message a été tronqué alors qu’il s’adressait à tous les électeurs, y com- pris à ceux du Front National. L.P.B. : Vous êtes enseignant de l’Université de Franche-Comté. Maintenant que vous êtes dégagé de votre mandat de député, allez-vous reprendre le chemin de la fac ? J.G. : Tout d’abord, rien ne dit que je ne ferai pas un deuxième mandat main- tenant si le Conseil Constitutionnel me donne raison, ou plus tard. J’ai la chance d’avoir un métier. La vie conti- nue. Dans l’immédiat, je retourne en effet à la fac. L.P.B. : Vos collègues vous réserveraient un accueil mitigé suite à vos prises de position sur la formation des enseignants. Redoutez- vous d’être chahuté ? J.G. : Au contraire, je crois que la facul- té souhaite que je fasse partager mon expérience et que j’apporte des points
L.P.B. : Pourriez-vous être candidat aux séna- toriales ? J.G. : Sur cette question, je me range aux côtés de Jean-François Longeot que je soutiendrai si son projet est d’être candidat. L.P.B. : Quelle est votre position sur la ques- tion du non-cumul des mandats ? J.G. : Si le Conseil constitutionnel devait me donner raison, je démissionnerais de ma fonction de conseiller régional. On entend souvent dans ce débat que c’est important d’être député et maire à la fois. Je l’ai longtemps pensé aus- si. Mais c’est une hypocrisie ! En réa- lité, c’est très difficile de mener de front ces deux mandats. Je préfère que le maire s’appuie sur les députés pour défendre ses dossiers. Personnellement, je suis allé chercher des financements pour Besançon. Le rôle d’un député est aussi d’épauler le maire et d’accompagner le développement de sa ville. Je voudrais que l’on aille plus loin que le non-cumul. Il faudrait imposer une limite d’âge au-delà de laquelle on ne pourrait plus se présenter à une élec- tion. La limite devrait être 65 ans car ce sont des fonctions où il faut de l’énergie et être en prise avec la vie. Cela favoriserait le renouvellement de la classe politique. Or, beaucoup d’élus ont le sentiment qu’il n’y a pas de vie après eux, alors ils ne s’arrêtent pas. Ce serait plus simple de les obliger à cesser leur activité par la loi plutôt que d’attendre qu’ils arrêtent par eux- mêmes. D’ailleurs, comment le P.S. peut-il prôner la retraite à 60 ans et permettre à des élus de 69 ans de pour- suivre leur carrière politique ? À un moment donné, il faut être cohérent avec le discours. Propos recueillis par T.C.
“La vie politique n’est pas un jeu !”
pouvoir de distribuer ou de retirer les responsabilités comme peut le faire un maire avec son équipe. Néanmoins, je regrette que l’opposition ne soit pas suffisamment unie pour s’imposer com- me une force de proposition. L.P.B. : Entre le contexte national et l’amertume ambiante liée aux désagréments causés par le chantier du tram, le terreau est-il fertile pour la droite locale qui manque encore d’organisation ? J.G. : En 2014, tous les pouvoirs seront aux mains de la gauche. Ce sera sans doute le moment de conquérir cette citadelle. Mais le sujet du tram ne suf- fit pas pour gagner une élection. Il faut un vrai projet, économique, politique, culturel, pour réveiller la capitale régio- nale qui reste une belle endormie. Il faut un projet fédérateur et des com- pétences affirmées. Ensuite, tous ceux qui ont envie de travailler à ce projet viendront s’y associer. L.P.B. : Il manque toujours un vrai leader à droi- te. Pourriez-vous prendre la tête de liste lors des prochaines municipales à condition que vous ne soyez pas réélu député dans l’intervalle ? J.G. : C’est un scénario possible. J’aime cette ville, la vie politique m’intéresse. Si je peux servir un projet, je le ferai.
sujets essentiels. La pre- mière commission à laquelle j’ai participé est une commission sur la fin de vie. Ce que j’y ai apprism’a beaucoup aidé dans l’accompagnement de ma maman. Son décès a fait naître en moi la conviction que l’on peut faire de la poli- tique autrement. Si c’était à refaire, je ferais différemment. J’ai par- fois voté d’une façon trop politique à l’Assemblée
“Il n’y a pas d’âge pour être orphelin.”
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