La Presse Bisontine 135 - Septembre 2012

SANTÉ

La Presse Bisontine n° 135 - Septembre 2012

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La surdouée de la santé Pour boucler la série entamée il y a un an sur les “pointures de la santé”, portrait de Sylvie Mansion. Elle n’est pas une professionnelle de santé mais c’est elle qui chapeaute toute la politique de santé en Franche-Comté de par sa fonction de directrice générale de l’Agence Régionale de Santé. Volonté et fermeté derrière un rire communicatif. LES POINTURES DE LA SANTÉ Sylvie Mansion

U n sourire communicatif, un sens de l’écoute indé- niable, mais une volonté inébranlable. C’est un peu tout cela SylvieMan- sion, la grande ordonnatrice de la santé en Franche-Comté. C’est elle qui gère les 20 millions d’euros de budget annuel de cette grande mai- son qui regroupe sous unmême toit les ex D.D.A.S.S., D.R.A.S.S., U.R.C.A.M., A.R.H., service médi- cal de l’assurance-maladie, etc. Autant d’administrations aux cul- tures et aux habitudes de fonc- tionnement foncièrement différentes qu’il a fallu fédérer en un même esprit. C’est elle aussi qui oriente les quelque 2,5 milliards d’euros alloués à notre région chaque année

pour faire fonctionner ses établis- sements de santé et médico-sociaux et les prestations de l’assurance- maladie. Autant dire qu’une telle fonction – on appelle aussi les direc- teurs d’A.R.S., des “préfets de la santé” - ne peut pas être confiée au premier venu. Cette Parisienne d’origine, pétrie de droit du travail et de la Sécuri-

mémoire déjà “militant” sur le thè- me :“Comment la législation socia- le et fiscale pénalise l’activité pro- fessionnelle des femmes”. Le hasard fait qu’à cette époque (nous sommes dans les années quatre-vingt), le Conseil de l’Europe cherchait quel- qu’un pour remplacer un fonction- naire européen chargé d’accompagner le comité de travail sur le futur code européen de Sécu- rité sociale. La fac de Strasbourg y enverra Sylvie Mansion.Alors “jeu- ne et très déterminée” comme elle le dit elle-même, elle convainc le comi- té d’experts de se pencher sur la question de l’égalité hommes-femmes en matière de Sécurité sociale. For- te de cette première expérience pro- fessionnelle, Sylvie Mansion passe

le concours de l’école nationale supé- rieure de Sécurité sociale basée à Saint-Étienne. Elle y entre major à l’issue du concours, elle en sort… major à la fin de la formation. Paral- lèlement, elle passe son diplôme d’avocat.Avec ce double bagage, elle est vite repérée et intègre la gran- de maison de la Sécu en tant que directrice-adjointe de la C.R.A.M. du Nord-Est à Nancy. Quelques années plus tard, Sylvie Mansion quitte la Sécu pour entrer dans le domaine de la santé à la tête du centre de médecine préventive de Vandœuvre-lès-Nancy. Rapidement, elle est appelée par la C.N.A.M. à Paris pour prendre la responsabi- lité de l’U.G.E.C.A.M. (union de ges- tion des établissements de caisses d’assurance-maladie) qui regroupe 160 établissements à travers la France. Cinq ans plus tard, elle est débauchée par l’union des caisses nationales de sécurité sociale. Sa mission : renégocier les conventions collectives des 160 000 salariés de la Sécu en France. Deux ans plus tard se créent les Agences Régio- nales de Santé par le gouvernement prédécent. “Je n’ai jamais été can- didate à rien, avoue Sylvie Man- sion. On est toujours venu me cher- cher.” Le recrutement des 26 futurs direc- teurs d’A.R.S. démarre. Près de 900 candidats sur la ligne de départ. Un premier tri est effectué, puis entretien avec le secrétaire géné- ral des ministères sociaux, puis devant le comité de pilotage dirigé par Jean-MartinFolz (l’ancien patron de P.S.A.), puis grand oral devant la ministre Roselyne Bachelot. Elle sera retenue parmi les 6 femmes seulement à diriger une A.R.S. en France… Un chantier colossal l’attend à Besançon. “On avait en fait deux fronts, résume la directri- ce. Le front interne qui consistait donc à regrouper toutes les struc- tures désormais englobées dans les nouvelles A.R.S., et le front externe car dehors, on était très attendus.” Son prédécesseur Patrice Blémont était parti depuis sixmois, des chan- tiers étaient en suspens : le monde de la santé et dumédico-social atten- dait donc énormément de Sylvie Mansion. “Je dois avouer que j’ai eu un peu le vertige en arrivant. Je me demandais par où j’allais commencer. Je savais que tout le monde m’attendait au tournant.” La direc- trice a bénéficié du fait qu’historiquement, la Franche-Com- té est une région dans laquelle les professionnels avaient déjà l’habitude de travailler ensemble. Outre le montage de “l’entreprise A.R.S.”, Sylvie Mansion devait construire le projet régional de san- té. Une fusée à trois étages comme elle le résume. Premier étage, les

grandes orientations politiques. Deuxième étage : les schémas d’organisation.Troisième étage : les programmes à déployer. Un an et demi après la création de l’A.R.S., la mission est presque accomplie. “J’estime qu’on a plutôt bien tra- vaillé. Plus de 500 personnes ont été associées à ce travail. Le projet a été validé par tout le monde en février dernier.” 27 projets transversaux ont été identifiés dans le program- me régional de santé. Ils seront tous officiellement lancés à la rentrée. Parmi eux, ce développement des maisons de santé, l’offre de premier recours, le dépistage précoce des pathologies, le maintien à domici- le des personnes âgées… Sylvie Mansion est à la tête d’une région “loin d’être sinistrée” sur le plan sanitaire. Pour elle, “l’enjeu de la médecine de ville est, au-delà de l’exercice regroupé, que les profes- sionnels ne gèrent plus une patien- tèle mais une population, de la pré- vention à la prise en charge thérapeutique.” Sur le plan hospi- talier, l’idée d’un “territoire unique de santé” semble désormais bien intégrée par tous, avec le maintien d’hôpitaux locaux qui doivent être “une plaque tournante entre laméde- cine de ville et les centres médico- sociaux. Sur 1,2 million de Francs- Comtois, 300 000 souffrent d’une maladie chronique” précise M me Mansion. Dans ce schéma, le C.H.U. de Besançon doit être vu comme “la tête de pont du disposi- tif, qui irrigue toute la région.” Illus- tration de cette orientation : il y a dix ans, le C.H.U. ne disposait que de deux cancérologues qualifiés. Aujourd’hui, ils sont 17, preuve que l’organisation mise en place porte ses fruits. “Avant, il y avait six ter- ritoires de santé en Franche-Com- té, c’était six forteresses. Mon projet était de passer de la logique du châ- teau fort à la logique de la cloison japonaise” illustre la directrice qui n’oublie pas l’avenir des 455 éta- blissements médico-sociaux et des 48 établissements sanitaires répar- tis sur le territoire régional. Alors pour remplir sa lourde mis- sion, il faut au moins à Sylvie Man- sion “des convictions solidement che- villées au corps, de la détermination et un nécessaire sens de l’écoute.” Ce qui fait d’elle une directrice géné- rale “optimiste. C’est un travail pas- sionnant, pas toujours gratifiant et épuisant. Quand ça va bien, ce n’est pas grâce à vous, quand ça ne va pas, c’est toujours à cause de vous” résume-t-elle avant de partir dans un grand éclat de rire. Une forme de thérapie sans doute pour garder la santé,face aux défis qui l’attendent encore en Franche-Comté.

Sylvie Man- sion, avec sa fusée-fétiche qui représen-

te les trois étages du

projet régio- nal de santé.

té sociale, est arrivée à Besançon en 2009 et a pris la tête de l’Agence Régionale de Santé à sa créa- tion en avril 2010. Après un parcours plutôt… brillant. D.E.A. de droit social à Strasbourg avec un

“Du château fort à la cloison japonaise.”

J.-F.H.

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