La Presse Bisontine 133 - Juin 2012
L’INTERVIEW DU MOIS
La Presse Bisontine n° 133 - Juin 2012
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RELIGION
Monseigneur Lacrampe “Il faut éviter le choc des ignorances”
Monseigneur André Lacrampe est en poste à Besançon depuis 2003.
L’archevêque de Besançon saisit l’occasion de la béatification prochaine du père Lataste à Besançon pour faire le point sur la position de l’Église sur les problématiques actuelles de la société.
Je remarque aussi que l’Église est loin d’être absente du monde des jeunes. Chaque année, 450 jeunes font leur confirmation, un chiffre qui n’est pas en baisse. Les baptêmes eux aus- si se portent bien : il y en a eu par exemple 310 pour le seul jour de Pâques, dont 14 adultes et 38 enfants en âge sco- laire, le reste étant des bébés. C’est aussi à nous, communauté chrétien- ne de faire place aux jeunes. De ce point de
politiques dans le souci du bien com- mun et sur la place de la personne humaine. J’estime aussi que dans tous les projets politiques qui se confron- tent en ce moment il peut y avoir une part de vérité qu’il faut savoir entendre, connaître et comprendre. À l’occasion de la présidentielle, on avait appelé à la vigilance des candidats sur une dou- zaine de points (le nucléaire, la biolo- gie, la bioéthique…) qui nous parais- sent importants. On rappelle nos principes, on ne les impose pas. On continuera aussi à rappeler notre conception de l’homme dans la socié- té avec ce souci de ne pas s’enfermer dans notre pays mais de penser Euro- pe et de penser monde. M gr A.L. : Depuis le concile Vatican II, ce dialogue existe, dans l’idée de bâtir avec l’autre une terre fraternelle. Nous ne sommes pas naïfs pour autant.Mais l’objectif de ce dialogue qui s’établit aussi dans le diocèse, c’est bien la connaissance de l’autre. Dans ce domai- ne, on n’a pas à susciter des peurs, mais à réveiller les consciences. Peut- être que je fais un rêve, mais je crois que les efforts que nous entreprenons en ce sens en France peuvent avoir un impact dans d’autres régions du mon- de. Il faut bien sûr éviter un choc des civilisations mais également un choc des ignorances. C’est pourquoi le tra- vail sur la culture religieuse devrait toucher tout le monde. L.P.B. : Le dialogue interreligions porte-t-il ses fruits à votre avis ?
garde tout son sens aujourd’hui. Ce message doit nous tourner aussi vers les personnes atteintes psychologi- quement. La prison n’est pas qu’un lieu, il y a des gens qui sont prison- niers d’eux-mêmes et cela doit nous pousser à être tout aussi attentifs à ces personnes fragiles affectivement pour leur permettre de semettre debout. Voilà aussi le message du père Latas- te. Dans la société actuelle, il n’y a pas que l’économie. La société doit être attentive avant tout à la place de l’homme. Le message du père Latas- te déborde la conscience chrétienne, elle touche la conscience humaine. Des gens qui sont agnostiques m’ont dit que cet itinéraire les questionne. Je dis à tout le monde de découvrir cet itinéraire. Viens, vois et va ! M gr A.L. : Depuis 2000 ans, l’Église vit de rassemblement en rassemblement, tous les dimanches. Là, c’est un ras- semblement singulier que cette béa- tification qui a une portée internatio- nale, universelle. Cela contribue à faire vivre l’Église qui se porte plutôt bien ici. Le jour de la Pentecôte, 50 adultes seront confirmés. Mi-avril, 800 per- sonnes des mouvements et associa- tions de laïcs étaient réunies à Vercel. La grande question actuelle, c’est quel- le posture de chrétien avoir dans notre société laïque marquée par différentes quêtes de sens religieuses. Notre res- ponsabilité à nous, c’est d’aider le chré- tien à réfléchir sur sa posture dans cette société pluriculturelle. L.P.B. : Comment va l’Église d’aujourd’hui dans le diocèse de Besançon ?
L a Presse Bisontine :Vous avez récem- ment alerté votre confrère l’évêque d’Autun des agissements d’un abbé de son diocèse qui intervient “sans autorisation” dans le Haut-Doubs. Qu’est-ce qui a justifié votre réaction ? Monseigneur André Lacrampe : J’ai juste voulu éveiller les consciences qu’un prêtre, Jean-Noël Zorzi, intervient dans notre diocèse sans aucune mission ni autorisation. Cela a entraîné quelques troubles chez des fidèles du pays maî- chois. Toutes les libertés sont sauve- gardées mais ce prêtre intervient sans aucun mandat et ne fait pas œuvre d’unité. Je l’ai indiqué à l’évêque d’Autun pour qu’il le rappelle chez lui. C’est un électron libre qui voue semble-t-il un culte excessif à Marie. Son initiative n’a pas ma bénédiction, je l’ai signifié à l’évêque d’Autun pour que tout rentre dans l’ordre. L.P.B. : La béatification du père Lataste (voir ci-contre) devrait réunir des milliers de per- sonnes à Micropolis le 3 juin. Un vrai événe- ment pour vous ? M gr A.L. : C’est un vrai événement spi- rituel qui nous permet de découvrir l’itinéraire humain et spirituel de Jean- Joseph Lataste. Cet événement est l’occasion de découvrir cette figure qui a décrit la société que dépeignait Vic-
tor Hugo. Il plonge au cœur du XIX ème siècle au milieu de cette prison de Cadillac où 400 femmes sont enfer- mées pour infanticide, vol ou prosti- tution, et il invite à ce que justice se fasse mais en même temps il leur dit que Dieu les regarde toujours avec amour car toute personne est appelée à être réhabilitée et qu’elle peut connaître un nouveau départ. De là, il adresse ce message à la société civi- le. Cet apôtre des prisons arrivera fina- lement à convaincre largement que la réhabilitation peut exister.
“On rappelle nos principes, on ne les impose pas.”
vue-là, les espaces de parole ne man- quent pas : J.O.C., mission étudiante, scouts (il y en a plus de 1 000 en Franche-Comté),M.R.J.C. pour lemilieu agricole, groupes d’aumônerie, etc. L.P.B. : Qu’en est-il de la vocation des prêtres dans le diocèse ? M gr A.L. : Il y a aujourd’hui 8 jeunes en formation en vue d’être prêtres. Donc ce n’est pas le désert. C’est sans dou- te insuffisant, mais depuis 2000 ans c’est insuffisant… Dans ce monde de conflits, les messages d’amour, de fra- ternité, de cordialité et d’espérance sont plus que jamais essentiels. Nous nous devons d’être des professionnels de l’espérance dans les lieux où la désespérance s’infiltre. L.P.B. : Un archevêque comme vous peut-il faire de la politique ? M gr A.L. : Il y a toujours des messages à faire passer y compris aux hommes
L.P.B. : Un message tou- jours d’actualité ? M gr A.L. : Plus que jamais. Il n’y a jamais eu autant de per- sonnes en prison qu’aujourd’hui. Je leur rends d’ailleurs visite chaque année à la maison d’arrêt de Besançon, de Lure et de Vesoul. Le mes- sage du père Latas- te peut pousser ces personnes à faire la vérité sur leur vie et sur leur itinéraire. Ce message autour de la réhabilitation
“Nous devons être des professionnels de l’espérance.”
Propos recueillis par J.-F.H.
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