La Presse Bisontine 132 - Mai 2012

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 132 - Mai 2012

6

CLAIRS-SOLEILS : APRÈS LE COUP DE BARRE, LE RENOUVEAU ?

Situé en zone sensible, le quartier des Clairs-Soleils a bénéficié du plan de rénovation urbaine de 40 millions d’euros. Les anciens habitants ont dû quitter leur quartier après la démolition de la “Banane” ou du “Petit Chicago”. D’autres y sont revenus malgré des loyers un peu plus chers mais nettement mieux isolés et confortables. Environ 2 300 personnes vivent aujourd’hui dans un nouveau cadre où les services médicaux et commerciaux sont appelés à se développer. Derrière cette belle image se cachent pourtant des réalités plus complexes, avec chômage et misère sociale.

1980, Clairs-Soleils et les barres d’immeubles (photos ville de Besançon).

RÉNOVATION URBAINE Un nouveau quartier, mais le chômage demeure Clairs-So : que sont-ils devenus ? Ces habitants arrachés à leur ancien appartement sont heureux de (re)vivre dans un quartier flambant neuf où l’insécurité a diminué. “Clairs-So” est dans la lumière mais le nuage de la misère sociale plane toujours. La peinture n’efface pas tout.

I ls ont débarrassé le plancher, fait place nette, éliminé, jeté, trié, décloué, décampé. Un coup de balai et hop, ils ont fermé à jamais la porte de leur appartement pour en rou- vrir une plus jolie, plus grande, plus sécurisante,mieux isolée. Grâce au pro- gramme de rénovation urbaine (P.R.U.)

Tombées sous le coup des pelleteuses, les barres d’immeubles des années soixante mal isolées ont laissé naître un espace aéré faisant de ce lieu de l’est bisontin jadis considéré comme un coupe-gorge, un nouveau quartier moins sensible. Preuve s’il en était, un des bâtiments aujourd’hui disparu fut baptisé “Petit Chicago”. Comme un symbole, ce sont ces habitants, aujour- d’hui 2 700, qui ont désigné le nouveau cœur des Clairs-Soleils “Place des Lumières”. “Nous avons reçu 480 réponses lorsque nous avons consulté les gens pour qu’ils baptisent la place” témoigne BrahimBelkhaïd, président du Conseil consultatif des Clairs-Soleils, heureux de montrer que les gens qui vivent ici tiennent à leur espace. La zone fait figure d’éprouvette test à l’échelle de la capitale comtoise. C’est la plus achevée dans sa reconversion urbanistique. Près de 320 logements ont été détruits sur les sites Mirabeau (56 logements libérés en 2008), de la Banane (80 libérés en 2006), du F.P.A. Place Sud (88 libérés en 2004) et du P.S.R. (64 libérés en 2008). Pour recons- truire enneuf,près de 40millions d’euros ont été investis par l’État, la Région, la Ville. À noter que ce chantier a permis à des personnes des Clairs-So de dégo- ter un job dans le cadre de la clause d’insertion sur les chantiers. Ainsi, 10 habitants des Clairs-Soleils ont œuvré à la réalisation du plan de rénovation urbaine (P.R.U.) Clairs-Soleils et Pla- noise entre 2002 et 2009. Deux d’entre eux ont même signé un contrat à durée indéterminée ! Une broutille ? Pas tant que cela. “Nous avons fait pour les gens vivent bien ici. On pense y être parve- nus. Maintenant, il faut leur trouver de l’activité, un emploi.Tous les problèmes ne sont pas réglés d’autant qu’il reste la question de la tranquillité publique” concèdeAbdel Ghezali, adjoint de quar- tier des Clairs-Soleils tout en nous gui- dant dans cette rue de Chalezeule qu’il

mené depuis 2004, les habitants du quartier des Clairs-Soleils vivent aujour- d’hui pour la moitié d’entre eux dans des appartements flambant neufs. Certes, ils payent un peu plus cher leur loyer mais déboursent moins de charges en chauffage notamment (lire par ailleurs).

Hausse de 8 % à 15 % des loyers mais baisse des charges Où habitent les habitants qui ont dû quitter leur quartier ? Sur lʼensemble des 4 bâtiments démolis, 192 départs ont été enregistrés depuis sep- tembre 2002. Parmi ces 192 départs, 47 familles sont parties chez dʼautres bailleurs que Grand Besançon Habi- tat ou dans le privé. Les prix des loyers à lʼimage de G.B.H. ont légèrement augmenté. Les surfaces aussi. Un T3 de 70 m 2 est loué 549,31 euros (charges comprises) dans le nouveau bâtiment Arc-en-Ciel composé de 45 logements. Un T4 aux Lumières du Jour est loué 631 euros. Pour les Tours 102-104- 108, un T4 est loué 679 euros. Ici, les loyers ont augmenté de 15 % mais compte tenu des améliorations ther- miques, la hausse nʼest que de 8 %. Pour la Tour 73 (ancienne), un T4 est loué 483 euros, soit une augmentation de 8 % depuis la réhabilitation. Destination des relogements : - 46,40 % à Clairs Soleils-Bregille - 14,60 % hors Besançon ou inconnu - 12,50 % à Planoise - 13 % à Palente-Saint-Ferjeux-Saint- Claude - 4,10 % à Fontaine Écu-Montrapon - 5,20 % aux Chaprais - 4,20 % aux Tilleroyes-Amitié-Centre- ville

connaît bien. Pendant la visite, une dame depuis le troisième étage l’interpelle et nous invitemême à déjeu- ner : “Les gens sont chaleureux” souffle Abdel Ghezali, qui tient des perma- nences au centre Martin Luther-King, espace de rencontre, d’aide, de culture. Les jeunes s’y retrouvent. C’est un vrai espace d’échange. Le conseiller muni- cipal à son niveau tente d’orienter et motiver les jeunes. Le constat est cin- glant : d’après une étude de Pôle emploi et de l’I.N.S.E.E., il y avait 453 deman- deurs d’emplois ici sur une population de 2 373 habitants. 71,5 % chômeurs étaient âgés entre 25 et 49 ans et 14,4% avaient moins de 25 ans. L’évolution 2009-2010 (situation au 31 décembre) des demandeurs d’emploi dans la zone urbaine sensible est plus forte que pour l’ensemble de la ville avec respective- ment 3,9 % et 1 % d’évolution. Si l’on s’en tient aux seules catégories tenues de rechercher activement un emploi (A, B et C), l’écart est encore plus impor- tant : 4,4%pour les Clairs-Soleils contre 0,3 % pour la ville. “Cela montre bien que tout est fragile… surtout lorsque l’on sait que des postes d’enseignants vont être supprimés. C’est inquiétant” s’énerve Abdel Ghezali. Les problèmes de tranquillité publique toujours présents, surtout l’été, ont net- tement diminué. Mais la plus grande crainte de Sofiane, 33 ans, c’est que la presse parle davantage des faits-divers que du prochain vide-greniers organi- sé dimanche 29 avril ou le fait que le club de foot a obtenu le prix du fair- play . En attendant le firmament, les Clairs-Soleils entrevoient une éclair- cie. E.Ch.

Depuis chez lui, Brahim Belkhaïd ne voit plus de grandes barres… mais un nouveau quartier.

Les vaches pais- sent à Clairs- Soleils au début

des années soixante…

Made with FlippingBook Online newsletter