La Presse Bisontine 132 - Mai 2012

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 132 - Mai 2012

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BESANÇON C’était le 16 avril 1962 Denis Arnoux défend les mutilés d’Algérie Cet ancien d’Algérie natif de Cademène défend les intérêts de ceux qui ont laissé une partie de leur corps dans le conflit. Pas simple de faire avancer les choses.

C eux-là sont revenus de là-bas non seu- lement avec plein de bleus à l’âme,mais aussi des corps mutilés. Qui un bras, qui une jambe, parfois paralysés à vie, la guerre d’Algérie aura brisé, dumoins bouleversé le reste de leur vie. Fauchés à vingt ans sur une mine, ou sous le feu des combats. Le Bisontin Denis Arnoux est de ceux-là. En appa- rence, son infirmité ne se voit pas. Seule quelques

difficultés à se mouvoir laissent deviner qu’il a laissé une jambe en Algérie. Cet homme né en 1940 avait à peine vingt ans quand, le jour de Noël, il débarquait à Oran pour une terre de com- bat inconnue. “En France, on ne parlait pas de guerre. On savait pourtant autour de mon villa- ge que des jeunes n’étaient pas revenus, un de Rurey, un autre d’Épeugney…” se souvient le sep- tuagénaire. “C’est une fois sur le bateau que j’ai

compris que j’allais à la guerre.” C’est le 16 avril 1962 que la vie du jeune soldat s’enraye. Les accords d’Évian avaient pourtant été signés un mois auparavant et “j’espérais bien être libéré plus tôt” dit-il. Non, c’est bien après ces fameux accords que la guerre a pris un autre tour- nant, avant la déclaration d’indépendance de l’Algérie en juillet de la même année. Lui et ses camarades étaient postés à la frontière avec le Maroc, une zone sous tension à ce moment-là. “Il y avait des règlements de compte, des franchisse- ments de barrages, tout le monde essayait de sau- ver sa peau.” En bordure du barrage électrifié, le champ était truffé de mines. La végétation d’avril masquait les mines et c’est lors d’une patrouille que Denis Arnoux, dans un mouvement de recul suite à l’explosion d’une première mine, met le pied sur une autre mine. Jambe gauche arra- chée… Opéré à l’hôpital militaire de Tlemcen, le Bisontin est amputé sous le genou. Rapatrié quelques jours plus tard sur Oran, puis embar- qué pour Marseille, il passera sa convalescence à l’hôpital de Dijon. Le 31 juillet 1962, il est réfor- mé. “Dans la tête, il se passe plein de choses au moment de l’explosion. J’ai tout de suite compris que je serais handicapé à vie” dit-il. “Les douleurs physiques, elles passent, mais on a l’impression que tout s’effondre et qu’on devra renoncer à beau- coup de choses.” Après une rééducation à Roubaix, il réoriente totalement ses plans de carrière pour intégrer E.D.F., après avoir passé un C.A.P. de comptabilité. Il restera à E.D.F. jusqu’à sa retrai- te en 1996. Depuis près de quarante ans, DenisArnoux essaie de faire avancer la cause des mutilés au sein de l’association des amputés de guerre, rebaptisée section du Doubs, de Belfort et de Franche-Com- Le Bisontin a été plusieurs fois décoré, notamment de la légion d’honneur.

té depuis le regroupement régio- nal pour cause d’effectifs en bais- se. Il défend les intérêts d’un peu plus de 50 membres, tous mutilés de guerre, d’Algérie ou d’autres conflits. “Notre but : maintenir ce qui a été acquis par la lutte” résume Denis Arnoux. La question de l’indexation des pensions d’invalidité sur un indi- ce de la fonction publique fait actuellement débat. Seulement, il y a peu de monde pour écou- ter ces éclopés qui s’apprêtent à contacter tous les candidats aux législatives afin de faire entendre leur cause. La guerre d’Algérie est peut-être officiel- lement terminée depuis cin- quante ans, des dizaines d’anciens soldats en paient enco- re les conséquences aujourd’hui. Ils demandent juste de la consi- dération. “Cela s’appelle le droit à réparation” résume Denis Arnoux. Pour lui, un autre com- bat continue. “On en nous a jamais vraiment pris pour des anciens combattants. 30 000 d’entre nous y ont laissé leur vie pourtant…” J.-F.H.

Ils demandent juste de la considération.

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