La Presse Bisontine 130 - Mars 2012

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 130 - Mars 2012

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POLITIQUE

L’ancien préfet de Franche-Comté Nacer Meddah, l’ex-préfet

qui roule pour Hollande

Sept mois seulement après son arrivée

L a Presse Bisontine : Quitter l’État et une fonction dorée à la Cour des comptes pour organiser la cam- pagne d’un candidat à la présiden- tielle, c’est osé. Quel est votre rôle précis au sein du Parti socialiste ? Nacer Meddah (Secrétaire général de campagne de François Hollande, préfet de Franche-Comté d’avril à novembre 2010) : Mes fonctions comme secrétaire général regroupent deux missions. La première se compare à la direction générale d’une P.M.E. de 100 salariés dont le budget avoisine les 20millions d’euros à répartir jusqu’à l’élection.Après avoir trouvé les locaux abritant le Q.G. de campagne, j’ai procédé au recrutement du personnel en lien avec Pierre Moscovici, Manuel Valls, Stéphane Le Foll. Ma seconde fonction s’apparente à celle de directeur de cabinet. Je coordonne l’agenda de François Hollande, l’organisation de ses déplacements, etc. L.P.B. : Comment arrive-t-on à la tête d’un poste si stratégique alors que vous n’avez pas de carte au Parti socialiste. Connaissiez-vous François Hollande avant votre recrutement ? N.M. : Non, je ne le connaissais pas. C’est lui qui m’a fait cette proposition. L.P.B : Avez-vous hésité sachant qu’une telle décision est incompatible avec votre fonction qui était la vôtre à ce moment-là ? N.M. : Oui mais en même temps je n’ai eu que très peu de temps de réflexion. J’étais contacté par François Hollande le lundi soir… et je devais prendre un à la tête de la préfecture de Région, le préfet Nacer Meddah était muté. Son départ avait suscité l’incompréhension à Besançon. À 52 ans, changement de cap : le voilà secrétaire général de la campagne de François Hollande. Confidences du haut fonctionnaire.

Nacer Meddah : “Avec ce poste, je peux pour la première fois exprimer mes opinions.”

Hollande cherchait un préfet pour occuper ces fonctions-là. Pierre Moscovici a dû lui parler de moi tout comme je connais Claude Bartolone avec qui j’ai travaillé lorsque j’étais préfet de Seine-Saint-Denis. Mais je ne sais pas comment la décision a été prise en dernier lieu. L.P.B. : Ce changement de carrière laisse entrevoir un destin similaire à celui de Claude Guéant, lui aussi ancien préfet de Franche- Comté devenu secrétaire général de l’Élysée… N.M. : (rires). Sincèrement, je suis tellement dans le quotidien de la campagne présidentielle que je n’ai pas eu le temps de me poser ce genre de question. Je me la poserai, bien sûr, mais plus tard. Et j’en discuterai avec les personnes que vous pouvez imaginer. LPB :Vous êtes resté - seulement - sept mois à la préfecture de Besançon alors que la sphère locale louait votre travail. Les élus ont été surpris de votre départ. Pensez-vous que vos affinités avec le parti socialiste local ont conduit Nicolas Sarkozy à vous limoger ? N.M. : Non, je ne crois pas. Si j’ai des convictions personnelles, elles n’ont jamais transpiré lorsque j’étais préfet. Je n’étais ni un préfet de droite, ni un préfet de gauche : j’étais un préfet de la République ! J’ai toujours eu des convictions et me suis toujours refusé de les donner. Cette fois en revanche, c’est la première fois de mon existence que je pourrai donner mon opinion personnelle. L.P.B. : Vous gardez un bon souvenir de la Franche-Comté malgré ce bref séjour ? N.M. : Absolument. J’ai un excellent souvenir de cette magnifique région, du département du Doubs et du Jura notamment. Je ne la connaissais pas et j’aurai plaisir à y retourner.

que vous êtes,attaché à l’idéologie de gauche ? N.M. : Non, cela n’a jamais été un problème pour moi car j’ai étudié chaque dossier d’expulsion au cas par cas. Nous sommes dans un état de droit et des procédures sont à respecter : oui il m’est arrivé d’engager des obligations à quitter le Territoire (O.Q.T.F.) ou au contraire permettre à des familles de rester sur notre territoire. Il faut juger si l’obligation à quitter le territoire peut s’avérer être un enrichissement personnel ou doit au contraire faire l’objet d’une procédure. L.P.B. : Avec un cas médiatisé, celui de Siva, le vendeur de roses que vous avez expulsé malgré les soutiens d’associations… N.M. : Dans ce cas précis, j’avais des informations pour engager une O.Q.T.F. L.P.B. : Sur le plan financier, être au service d’un candidat rapporte-t-il plus qu’être au service de l’État ? N.M. : Pas du tout (rires) . Avoir fait ce choix n’est pas un sacrifice mais c’est évident qu’il était plus confortable financièrement de continuerma carrière en prenant ce poste à la chambre régionale des comptes. C’est un choix. Propos recueillis par E.Ch.

L.P.B. : Le programme du candidat est-il viable sachant que des renforts sont annoncés dans la Police et l’Éducation nationale alors que la rigueur budgétaire est réclamée par la Cour des Comptes ? N.M. : Oui car nous parlons pour la sécurité de redéploiement des effectifs. Il n’y aura pas de recrutement en tant que tel mais un redéploiement tout en ciblant les zones prioritaires. Nous sommes tous conscients de l’état de nos finances et appelons à la vigilance. L.P.B. : On vous présente comme le préfet issu de la diversité voulue par Nicolas Sarkozy. Allez-vous l’utiliser comme argument de campagne ? Ou au contraire en avez-vous assez ? N.M. : J’en ai assez… car je suis né dans le Pas-de-Calais, je suis très attaché à ma région et suis régionaliste. Je suis d’ailleurs fan du R.C. Lens… Je sais ce que je dois à mon pays car je suis un pupille de la Nation : ma mère a élevé seule mon frère et ma sœur. J’ai une sensibilité pour les pays méditerranéens mais je suis attaché à la France. L.P.B. :Vous avez renvoyé des étrangers dans leur pays. Cela est-il antinomique avec l’homme

L.P.B. : Peut-être le 10 avril puisqu’un un meeting de François Hollande y est prévu. Confirmez-vous ? N.M. : Il y aura effectivement unmeeting mais la date n’est pas encore complètement arrêtée. L.P.B. :En tant que responsable de la sécurité du candidat, craignez-vous un nouvel “enfarinage” de François Hollande à Besançon ? N.M. : (il coupe) . Je sais qu’en pays bisontin, on n’est jamais dans l’outrance.Des personnes de qualité seront là pour accueillir le candidat à

“J’ai fait le choix de l’aventure.”

poste à la chambre régionale des comptes des Pays de Loire le mercredi. Si je disais oui, il fallait arrêter la procédure de ma nomination, ce que j’ai fait en demandant une disponibilité durant toute la campagne. J’avais le choix entre une carrière tranquille de fonctionnaire ou partir à l’aventure. J’ai fait le choix de l’aventure… L.P.B : Le député du Doubs Pierre Moscovici qui est le directeur de campagne de François Hollande a forcément joué un rôle stratégique dans votre nomination ? N.M. : François

l’élection présidentielle.

“Ni préfet de droite, ni préfet de gauche.”

L.P.B. : Cette faille dans la sécurité que vous gérez a-t-elle été prise au sérieux ? N.M. : Oui…mais cet “enfarinage” était un concours de circonstances. En effet, la sécurité devait être accrue dès le lendemain de l’agression par le renfort de 2 à 15 policiers du S.P.H.P. (service de protection des hautes personnalités). Cet incident doit être vécu comme une alarme. L.P.B. : Parlons du programme du candidat socialiste. En tant qu’ancien préfet, pouvez- vous répondre aux critiques notamment de Brice Hortefeux affirmant que les mesures de Hollande en matière de sécurité sont passéistes et sans résultat. Que répondez-vous ? N.M. : Je ne fais pas de commentaire. C’est du politique par excellence. J’invite tous les Français à lire le projet de François Hollande.

Biographie É tudiant brillant, Nacer Meddah intègre lʼE.N.A., puis les cabinets ministériels, avec Élisabeth Guigou (1990-1993), puis la cour des comptes dont il a été secrétaire général adjoint. Il a été également à lʼÉlysée aux côtés de Bernard Bajolet, coordinateur national à la sécurité. En 2006, il a été nommé préfet pour la première fois dans le département de lʼAube. En décembre 2008, il est affecté en Seine-Saint-Denis. Un peu plus dʼun an après, il est remplacé pour être envoyé en Franche-Comté avant dʼêtre poussé au départ. Il est réaffecté à la cour des comptes. Le voilà secrétaire général de campagne de François Hollande.

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